Intervention de Laurence Trastour-Isnart

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Trastour-Isnart, rapporteure :

D'où viendrait l'étincelle qui embraserait la région ? De toute évidence, Taïwan est le sujet le plus épineux dans le bras de fer stratégique dans lequel sont engagés la Chine et les États-Unis.

À court terme, la Chine ne semble pas prête à déclencher une opération contre Taïwan, de nature à créer une guerre contre les Américains. Cela ne présage pas de ce qui pourrait se passer d'ici 8 à 10 ans. Pour le moment la Chine développe une politique des zones grises, c'est-à-dire, elle pousse à son avantage sans outrepasser le seuil du conflit afin d'intimider les Taïwanais. À long terme l'enjeu est la capacité des États-Unis à maintenir un rapport de force dans la zone qui lui soit favorable afin de dissuader la Chine de lancer une opération contre Taïwan. En cas de crise militaire, une riposte américaine entraînerait quant à elle le monde dans un conflit dévastateur.

Toutefois, une autre évolution de l'environnement sécuritaire de la région est possible : un statu quo, en d'autres termes, une nouvelle « guerre froide ». La Chine incite les Américains à s'enfoncer dans une posture guerrière, peut-être pour une guerre qui ne viendra jamais. Le renforcement des capacités militaires chinoises, financé par les excédents tirés des échanges commerciaux avec l'Occident, n'aurait pas tant pour objectif de préparer un conflit que de démoraliser et d'épuiser les États-Unis.

La Chine, ainsi, n'attaquerait jamais Taïwan ni ailleurs. D'ailleurs, à supposer qu'elle le veuille et malgré ses menaces et manœuvres d'intimidations et autres incursions aériennes, on peut douter qu'elle ait les capacités d'envahir Taïwan et de tenir le choc d'un conflit avec les États-Unis. Si l'armée chinoise est impressionnante, elle est encore loin d'avoir les capacités opérationnelles nécessaires pour faire tomber une île transformée en forteresse et soutenue par la première puissance militaire mondiale. L'armée chinoise souffre d'un manque opérationnel réel, alors que les militaires américains sont endurcis par vingt ans de guerre contre le terrorisme.

Face à cette stratégie chinoise d'intimidation, les États-Unis ne sont pas dans une logique d'attaque mais dans une logique défensive de dissuasion et d'endiguement. Ils ne prendront probablement jamais l'initiative d'un conflit qui déstabiliserait le monde.

Par ailleurs, la Chine, comme elle le fait depuis des décennies, continuerait d'avancer ses pions minutieusement, avec des actions qui n'outrepasseraient pas le seuil de conflictualité, demeurant ainsi hors de portée de riposte des États-Unis. Elle grignotera du terrain et sécurisera miles par miles, avec ses bateaux de pêche, ses routes maritimes, ses Routes de la Soie, sans qu'aucun sous-marin ni porte-avions nucléaires ne puisse s'y opposer.

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