Intervention de Monica Michel-Brassart

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonica Michel-Brassart, rapporteure :

Notre deuxième proposition porte sur le concept stratégique de l'OTAN, dont notre pays doit très attentivement surveiller la révision. Un nouveau concept stratégique doit en effet être adopté au sommet de Madrid les 22 et 23 juin prochain. Les discussions sont aujourd'hui intenses et se déroulent sous fortes pressions américaines, les États-Unis souhaitant mobiliser l'alliance contre la menace chinoise.

Or, une telle réorientation de l'OTAN, cohérente avec le pivotement de la stratégie américaine vers l'indopacifique ne nous apparaît ni nécessaire, ni urgente et, surtout, elle fait peser un risque pour la sécurité de l'Europe.

En effet, si la Chine représente effectivement un véritable défi pour l'OTAN et ses membres individuellement, elle ne constitue pas pour autant une menace militaire directe et immédiate, contrairement à la Russie, appelant une réponse urgente. Surtout, le cœur de métier de l'OTAN est la défense collective de l'espace euro-atlantique. Comme l'a dit le président Macron, il n'est pas évident que l'OTAN ait un rôle à jouer dans la région ou alors, je cite, « nous avons un problème avec notre géographie ». La France devra donc être très vigilante à ce que l'OTAN ne soit pas dénaturée et réorientée contre la Chine, les prenant en otage avec le risque de les entraîner dans la nouvelle « guerre froide » qui se met en place en Indopacifique. À l'heure du « pivotement » des États-Unis vers l'Asie il apparaît à l'inverse encore plus important de concentrer l'OTAN sur l'Europe.

Pour satisfaire à la demande américaine, un compromis est toutefois possible entre Européens et Américains. Il passe par un partage accru de renseignement entre les alliés et un suivi plus étroit des activités militaires chinoises. De même, les alliés pourraient accroître leurs interactions avec les quatre partenaires de l'OTAN dans la région, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Enfin, l'OTAN pourrait offrir son soutien à l'Union européenne en matière d'évaluation des investissements chinois dans les infrastructures critiques ou de sécurisation des réseaux de télécommunications.

Autre texte à surveiller : la Boussole stratégique. En cours d'élaboration pour une adoption lors du sommet européen des 24 et 25 mars prochains, elle reposera sur une analyse commune des menaces et devra fournir un cadre et un cap à l'Union européenne pour agir plus efficacement dans la défense de ses intérêts sur la scène internationale. Toutefois, à la lecture du projet qui a fuité, si celui-ci est très ambitieux dans de nombreux domaines, il est très prudent sur l'indopacifique et en particulier vis-à-vis de la Chine qui est un partenaire commercial d'une telle importance pour l'Union européenne, à commencer par l'Allemagne, et un investisseur de premier plan, notamment pour la Grèce et le Portugal, que celle-ci ne peut probablement faire plus. Peut-être ne peut-elle pas faire plus, mais nous souhaitons dans tous les cas qu'elle ne fasse pas moins que ce que le texte propose aujourd'hui : « poursuivre le dialogue avec la Chine s'agissant du respect du droit de la mer et d'un ordre international fondé sur le droit […] et les exercices navals conjoints avec ses partenaires dans la région […] afin de soutenir les structures et initiatives régionales en matière de paix et de sécurité ».

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