Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Réunion du mercredi 16 février 2022 à 16h50
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, co-rapporteur :

Mes chers collègues, nous avons évoqué les principaux facteurs de tensions en Méditerranée, puis le retour des stratégies de puissance dans cette zone, venons-en maintenant à l'action de la France et de nos forces armées. Trois axes se dégagent dans la stratégie française en Méditerranée : premièrement, assurer une présence permanente sur l'ensemble du bassin ; deuxièmement, intensifier la préparation opérationnelle ; troisièmement, consolider nos partenariats dans la zone.

Sur le premier axe relatif à la présence française, un constat nous a été confirmé par l'ensemble des acteurs : la France est le seul pays européen à être présent sur l'ensemble du bassin méditerranéen. Naturellement, les finalités de cette présence diffèrent selon les zones : en Méditerranée occidentale, il s'agit avant tout de défendre notre territoire, de surveiller nos côtes et d'assurer la liberté de manœuvre de nos forces militaires ; en Méditerranée centrale et orientale, la présence permanente française a pour objectif, d'une part, de conserver une faculté d'appréciation autonome de la situation, et, d'autre part, de préserver la liberté de navigation et la liberté d'opérer dans l'espace aérien contre les logiques de sanctuarisation.

Dans le domaine naval, cinq à six frégates se relaient ainsi chaque année pour assurer une présence quasi-permanente en Méditerranée orientale. La présence aérienne dans la zone est quant à elle assurée par la conduite régulière de campagnes de renseignements d'origine électromagnétique assurée par des Rafale et des Mirage équipés de pods de reconnaissance, ainsi que par des avions radars AWACS. Les Rafale de la base H5 en Jordanie participent ainsi de plus en plus à des missions en Méditerranée.

Nos forces armées sont également présentes en Méditerranée dans un cadre international. Le groupe aéronaval a ainsi été déployé en Méditerranée en soutien à l'opération interalliés Chammal dans le cadre des missions Foch 20 et Clemenceau 21 et le sera encore cette année. La France participe également aux groupes navals permanents de l'OTAN (Standing Nato Forces) et contribue à la « présence avancée adaptée » de l'OTAN en mer Noire. Enfin, la France est un des principaux contributeurs à la mission IRINI, évoquée par mon collègue, avec notamment un bâtiment français affecté de façon permanente en soutien direct à la mission, et des moyens aériens, dont un drone Reaper, qui a été mis à disposition sur une base ponctuelle.

Le deuxième axe de la stratégie française est d'intensifier la préparation opérationnelle. La Méditerranée est ainsi le lieu des principaux exercices de nos forces armées, qu'il s'agisse de se préparer aux actions hybrides, comme l'a illustré l'exercice anti-terroriste Rhéa de mai 2021, ou de se préparer à un conflit de haute intensité, comme c'était l'objet de l'exercice Polaris, présenté par nos collègues rapporteurs de la mission d'information sur la haute intensité ce matin. Les exercices menés en Méditerranée ont également pour finalité de renforcer notre interopérabilité avec nos partenaires. Pour s'en tenir au domaine aérien, dans le cadre de l'établissement d'une « communauté Rafale » en Méditerranée, des aéronefs ont participé en 2021 à l'exercice Skyros avec l'Égypte et la Grèce et à l'exercice Iniochos organisé par la Grèce. Enfin, les exercices dans la zone peuvent être menés aux fins de réassurance : tel était l'objet de l'exercice Eunomia mené avec la Grèce, Chypre et l'Italie en août 2020, au paroxysme des tensions avec la Turquie en Méditerranée orientale.

Enfin, le troisième et dernier axe de la stratégie française en Méditerranée repose sur la consolidation de nos partenariats régionaux. La période récente a en effet été caractérisée par l'intensification de la coopération en matière d'armements, avec la Grèce, bien sûr, mais également la Croatie et l'Égypte. Le traité dit du « Quirinal » ouvre également la voie à un approfondissement de notre alliance avec l'Italie, et ce dans tous les domaines : une lettre d'intention sur la coopération en matière de défense spatiale a ainsi été signée récemment par les deux pays.

Un mot si vous le permettez sur le partenariat avec la Grèce. Tout d'abord, si ce partenariat n'est dirigé contre personne, selon la formule consacrée des autorités, il n'en reste pas moins que, du côté grec, il s'inscrit dans le prolongement des fortes tensions de l'été 2020 avec la Turquie. À ce titre, ce partenariat caractérise la volonté de la Grèce non pas de résorber mais à tout le moins de réduire la disparité capacitaire existante avec les forces turques. Il exprime également le besoin de réassurance de la Grèce contre les provocations de la Turquie, comme l'illustre la clause de défense mutuelle contenue dans l'accord. Côté français, ce partenariat est cohérent avec, d'une part, la volonté de donner la priorité à la solidarité européenne, et, d'autre part, de renforcer la dimension européenne de notre politique d'exportation d'armements. La France fait également le pari que la montée en gamme de la Grèce permettra à celle-ci de constituer un allié solide pour relever les défis à venir en Méditerranée orientale. Enfin, le risque, évoqué par certains, que la France soit instrumentalisée dans des différends bilatéraux entre la Grèce et la Turquie nous paraît faible, dès lors que la clause d'assistance mutuelle nécessite le constat « conjoint » d'une agression armée.

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