Intervention de Jean-Charles Larsonneur

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Larsonneur, co-rapporteur :

S'agissant de la question de Monsieur Trompille sur la Roumanie, les prémisses d'une action de la France avec l'OTAN dans ce pays ont été posées dès 2017. L'idée sous-jacente était de couvrir l'ensemble du B9, des pays baltes jusqu'au flanc Sud Est, dans un contexte où la mer Noire s'imposait comme un enjeu de plus en plus saillant. Dans le cadre de la crise actuelle, il s'agit de renforcer les relations bilatérales, déjà excellentes avec la Roumanie, aux côtés de l'OTAN. Des discussions sont en cours pour que la France devienne soit nation-cadre dans ce pays. Nous sommes en mesure de dégager des moyens et des effectifs supplémentaires, de l'ordre d'un millier, en raison de la réduction de nos effectifs en Afrique. Au regard des tensions en mer Noire, de nos excellentes relations avec la Roumanie, ainsi que de la situation difficile de pays frontaliers tels que la Moldavie – avec la Transnistrie qui pourrait être un des leviers utilisés demain par Vladimir Poutine pour déstabiliser la région – il nous semble nécessaire de poursuivre ce renforcement. Naturellement, il ne faut pas que celui-ci se fasse au détriment de notre présence dans les États baltes, mais qu'il soit complémentaire. Ce qui est envisagé aujourd'hui, c'est ainsi a minima de maintenir notre posture dans le cadre de la mission Lynx et de renforcer notre présence en Roumanie. Nous proposons en outre dans notre rapport un renforcement de notre présence en Estonie dans le cadre d'une posture permanente et non plus rotationnelle.

Pour répondre à la question de Monsieur Jacques relative aux enjeux informationnels, le premier point à souligner est que les Russes ont posé des exigences diplomatiques inacceptables de manière ouverte. Plus largement, dans le cadre de la crise actuelle, la nouveauté réside dans le caractère très ouvert de la communication, comme l'illustre le fait que le ministère de la défense britannique ait diffusé sur Twitter des plans très précis d'invasion de l'Ukraine. L'idée sous-jacente de cette politique informationnelle est que le meilleur moyen de lutter contre des plans annoncés d'invasion est d'assurer la publicité de ces derniers. Cette contre-communication a certainement contribué à retarder le calendrier prévu par les Russes. De la même manière que nos efforts diplomatiques et la mise en scène qui a été faite de ce dialogue diplomatique ont permis de gagner un peu de temps.

En outre, l'ensemble des pays de l'Est, de l'Estonie à l'Ukraine, font l'objet d'une guerre informationnelle perpétuelle, qui cherche à jouer sur les dissensions entre les minorités russophones et à instrumentaliser les initiatives d'actions agressives. Il nous faudra être très vigilant sur ces questions relatives aux origines des agressions, car le jeu du blame game ne fait que commencer et la mauvaise foi de la Russie à ce titre sur ces questions est totale. La question de l'attribution des actions peut ainsi se poser en cas de bombardement d'un hôpital, d'une cyberattaque ou encore d'attaques chimiques. Sur ce dernier aspect, il est intéressant de relever que les médias russes accusent depuis plusieurs mois l'Ukraine de développer des capacités chimiques et même, plus récemment, un arsenal nucléaire ; et ce alors que l'emploi récent d'armes chimiques par les Russes est avéré et qu'il n'est pas du tout avéré que les Ukrainiens aient cette capacité. Quant à la capacité des Ukrainiens de disposer d'armes nucléaires tactiques opérationnelles, elle est évidemment plus que douteuse. Cela fait donc partie d'une guerre informationnelle, qui cherche à inverser la position de l'agresseur et de l'agressé. Notre devoir est de lutter contre cette désinformation et de contribuer à rétablir la vérité.

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