Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 23 février 2022 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures cinq.

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Messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, notre ordre du jour pour cette matinée est très riche, puisque nous allons examiner deux rapports d'information, dont l'actualité met en exergue toute la pertinence et l'acuité.

Nous allons commencer tout de suite par les conclusions de la mission d'information sur les enjeux géopolitiques et de défense en Europe de l'Est, confiée à nos estimés collègues Jean-Charles Larsonneur et Charles de la Verpillière.

Avant toute chose, je tiens à remercier et à féliciter les rapporteurs pour le travail effectué dans le cadre de cette mission. Cette mission ayant été créée le 3 novembre dernier, vos travaux n'ont pu s'étendre que sur 3 mois. À cette courte durée, s'est ajouté comme difficulté supplémentaire le caractère très évolutif de la situation à l'est de l'Europe, et notamment, bien sûr, en Ukraine.

Dans le cadre de vos travaux, vous avez effectué une quinzaine d'auditions, auprès d'un large panel d'experts, au sein des armées évidemment mais également avec des diplomates et des chercheurs. Vous avez également effectué deux déplacements, en Estonie d'abord, puis en Pologne.

Cette mission d'information est l'occasion d'évoquer deux sujets que nous n'avons pas encore eu l'occasion d'expertiser en détail au sein de notre commission : les enjeux stratégiques et les conflits en Europe de l'Est d'une part, et le rôle qu'y joue l'OTAN d'autre part.

Les tensions à la frontière russo-ukrainienne étaient déjà vives lorsque la mission d'information a été créée, mais le discours de Vladimir Poutine, qu'il a tenu avant-hier et au cours duquel il a dit reconnaître l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, dans le Donbass, est un tournant historique qui fait craindre le retour d'un conflit majeur en Europe. Nous sommes évidemment très impatients d'entendre votre analyse et vos recommandations sur ce sujet.

Mais si la crise russo-ukrainienne est, légitimement, au cœur de l'actualité, les foyers de tension en Europe de l'Est sont en réalité plus nombreux, et c'est aussi l'une des autres richesses de votre rapport que de les pointer : la crise migratoire orchestrée par la Biélorussie à l'encontre de la Pologne, de la Lettonie et de la Lituanie ; l'intégration croissante de la Russie et de la Biélorussie sur le plan militaire et le risque que cela fait peser sur l'Ukraine ; la surmilitarisation de l'enclave russe de Kaliningrad ou les tensions en mer Noire et en mer d'Azov sont autant de sources d'inquiétude légitimes pour la sécurité de l'Europe, et donc de la France.

Dans ce contexte, comment la France doit-elle selon vous envisager sa présence militaire en Europe de l'Est ? Quelles leçons tirez-vous des diverses crises précitées ? Quelles réponses la France, l'Union européenne et l'OTAN doivent-elles apporter à l'agression russe de l'Ukraine ? Voilà quelques questions auxquelles votre rapport apportera, à n'en point douter, des éléments de réponses. Votre éclairage sera précieux et ce rapport fera sûrement l'objet d'une lecture attentive bien au-delà de nos bancs.

Messieurs les rapporteurs, je vous cède la parole.

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Madame la présidente, mes chers collègues,

Je suis extrêmement heureux de vous présenter les travaux de notre mission d'information sur les enjeux géopolitiques et de défense en Europe de l'Est. À titre liminaire, j'aimerais remercier mon collègue co-rapporteur Charles de la Verpillière, pour la très grande qualité de notre coopération et pour tout le travail que nous avons effectué depuis novembre dernier, date à laquelle nous avons débuté nos travaux. Nous avons d'ailleurs débuté nos travaux à Tallinn, en Estonie, où la première chose qui nous a été dite par nos collègues parlementaires et le ministre de la Défense est : « une intervention de la Russie aura lieu en février, pendant les Jeux olympiques ». Nous y sommes ; et c'est dire avec quel esprit de sérieux et quelle gravité nous abordons ce sujet.

Eu égard au caractère limité du temps dont nous disposions pour effectuer nos travaux, nous avons délibérément choisi de circonscrire le périmètre d'étude. En effet, nous avons choisi de circonscrire le cadre de nos travaux aux seuls États suivants : l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Biélorussie, l'Ukraine, la Moldavie et la Roumanie. Ainsi, nous avons choisi de ne pas inclure certains États dans notre périmètre, tels que la Finlande, la Slovaquie, la Hongrie ou la Bulgarie, faute de temps. Par ailleurs, la Russie a naturellement et évidemment fait l'objet d'une attention toute particulière.

En outre, nous avons choisi de restreindre notre présentation à deux axes principaux, à savoir :

– le premier axe, qui a trait à l'implication de la France en Europe de l'Est dans le cadre de l'OTAN ;

– et le second axe, qui a trait aux foyers de tensions en Europe de l'Est, et en particulier en Ukraine.

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Je tiens également à remercier chaleureusement mon collègue co-rapporteur Jean-Charles Larsonneur. Cette mission était passionnante et notre coopération a été plus que fructueuse, et ce malgré le caractère extrêmement mouvant de l'actualité. Pour dire vrai, nous avons eu le sentiment, un peu frustrant, de courir en permanence derrière les évènements. Néanmoins, nous avons dû, à un moment, stabiliser nos conclusions.

Venons-en donc au premier axe de notre présentation, en commençant par la participation de la France à la mission Lynx de l'OTAN.

Lors de la réunion des ministres de la Défense et de l'OTAN des 15 et 16 février 2017 à Varsovie consacrée à la posture de dissuasion et de défense de l'OTAN et aux mesures engagées pour rassurer les alliés d'Europe centrale et de l'Est qui se sentent menacés par la Russie, une présence avancée renforcée a été instaurée sur les territoires des pays baltes et de la Pologne, sous la forme de quatre bataillons multinationaux.

Les forces françaises participent à la présence avancée renforcée depuis mars 2017, à hauteur d'une compagnie, déployée alternativement en Estonie, au sein d'un bataillon britannique, et en Lituanie, au sein d'un bataillon allemand. Le déploiement actuel, le cinquième depuis 2017, a débuté en mars 2021, pour une durée d'un an. L'état-major de la présence avancée renforcée en Estonie est situé à Tapa. Le Royaume-Uni en est la nation-cadre. Le détachement français constitue une des composantes interarmées de ce bataillon multinational.

Le déploiement de l'armée de Terre dans le cadre de la mission Lynx présente plusieurs opportunités. Tout d'abord, l'implication avec les nations hôtes et la nation-cadre. Ce type d'opération permet en effet une mutualisation des acheminements stratégiques entre les partenaires, une interopérabilité tactique ainsi qu'une expérimentation de nouvelles procédures de combat. Ensuite, ce déploiement nous apprend à combattre ensemble, et non plus seulement côte à côte. Enfin, c'est un excellent entraînement au combat de haute intensité, dans un milieu climatique rugueux, au sein d'un environnement contesté. Cela est d'autant plus utile que, depuis des décennies, les armées françaises sont engagées dans des conflits de nature asymétrique. Les entraînements, qu'ils soient des exercices de tirs ou de la planification d'exercices, sont d'un très bon niveau, par leur qualité et leur quantité, avec un focus particulier sur l'aguerrissement et le combat tactique de haute intensité.

De fait, la mission Lynx donne satisfaction à la fois à la France et au pays hôte. Son meilleur point d'application est en Estonie, partenaire inscrit dans une logique transactionnelle, aux infrastructures également plus intéressantes que celles des autres pays de la région et répondant aux attendus opérationnels. De plus, le format actuel avec le Royaume-Uni comme unique partenaire est plus efficient qu'un format multinational. Le dispositif Lynx est également créateur d'avantages collatéraux de divers ordres : stratégiques, auprès des partenaires européens du nord et de l'est ; opératifs, grâce à la réalisation d'exercices de planification et d'acheminements stratégiques gages d'une liberté d'action ; et tactiques, puisque l'armée de Terre se déploie dans un environnement contesté pouvant préfigurer les combats de demain.

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En outre, l'armée de l'Air et de l'Espace participe à la police du ciel de l'OTAN. D'un point de vue opérationnel, la police du ciel traduit une présence visible et crédible dans le cadre de la démarche de réassurance de l'Alliance tout en permettant d'apprécier de manière autonome le jeu des compétiteurs de la zone. L'objectif est toujours d'adopter un comportement et des manœuvres maîtrisés afin d'éviter tout risque d'escalade.

Enfin, la France participe également à la présence avancée adaptée de l'OTAN en Roumanie. Développée progressivement à compter de 2017, la présence avancée adaptée est le pendant du dispositif de présence avancée renforcée sur le flanc sud-est de l'Alliance, et qui pourrait être renforcé à la suite des annonces du président de la République le 19 janvier dernier.

En mer Noire, la présence avancée adaptée se concrétise par le renforcement de la présence navale de l'OTAN et assure la fonction de coordination maritime pour les forces navales permanentes de l'Alliance lorsqu'elles opèrent avec d'autres forces alliées dans la région. Dans ce cadre, la France contribue activement aux composantes maritime et aérienne en mer Noire. Elle est le seul Allié à avoir utilisé les bases roumaines pour déployer des avions de patrouille aérienne. La France contribue régulièrement à des missions ISR dans le domaine maritime.

Venons-en maintenant au deuxième axe de notre présentation, relatifs aux trois foyers de tensions que nous avons identifiés dans le cadre de nos travaux.

Tout d'abord, nous évoquerons la crise migratoire orchestrée par la Biélorussie. Alexandre Loukachenko menaçait les Européens de répondre aux sanctions que l'Union européenne (UE) envisageait d'adopter à l'époque par l'orchestration d'une crise migratoire dès septembre 2020. Il a mis à exécution sa menace migratoire en juin 2021, à la suite de l'adoption d'une série de sanctions par l'UE. L'orchestration de cette crise poursuivait en réalité deux objectifs :

– susciter un débat entre les États membres de l'UE sur la politique de sanctions à l'encontre de la Biélorussie ;

– et créer une scission entre les pays frontaliers visés (Pologne, Lituanie, Lettonie) et les autres États membres de l'UE.

Or, ces deux objectifs n'ont pas été atteints, comme en témoignent les messages de solidarité exprimés par l'UE et l'ensemble des États membres à l'encontre des pays frontaliers visés par cette crise. L'UE a fait preuve de réactivité en révisant temporairement les règles relatives à l'asile, ce qui a permis d'endiguer la crise. Aujourd'hui, les arrivées de nouveaux migrants sont peu nombreuses et les vols charter ont été interrompus. Chaque jour, les autorités polonaises, lituaniennes et lettones font état de tentatives de franchissement de la frontière biélorusse avec ces trois pays, qui sont le fait essentiellement de petits groupes de jeunes hommes.

Il convient de rappeler la responsabilité des États d'origine des migrants ainsi que des États de transit dans cette crise. Des vols charter ont été organisés directement depuis l'Irak et la Syrie, ce qui n'a pas pu se faire sans une totale proximité, voire une complicité, entre ces pays.

Si la situation s'est stabilisée, elle n'est en réalité que gelée. Cette épée de Damoclès continue de peser sur nos têtes, et le jour où Alexandre Loukachenko voudra relancer la crise en faisant venir des migrants en masse, il n'hésitera pas à le faire. Cette crise migratoire est une excellente illustration d'une attaque hybride, terme utilisé à l'échelle de l'UE pour qualifier l'agression de la Biélorussie à l'encontre du territoire polonais mais également des territoires lituanien et letton. Ces États n'ont d'ailleurs pas été choisis par hasard : ils ne reconnaissent pas l'élection d'Alexandre Loukachenko et accueillent une partie de l'opposition biélorusse.

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Le deuxième foyer de tensions se situe en mer Noire et en mer d'Azov. Au cœur des enjeux de sécurité énergétique, la région de la mer Noire est une zone de transit d'importance stratégique tant pour les pays importateurs d'Europe centrale et orientale que pour les pays producteurs tels que la Russie ou l'Azerbaïdjan. Environ 3 millions de barils de pétrole en provenance de Russie, d'Ukraine et du bassin caspien y transitent chaque jour.

Depuis le début des années 2000, les crises russo-ukrainiennes ont redessiné la carte des réseaux de transport d'hydrocarbures. Le volume global de gaz transitant par l'Ukraine a ainsi diminué de 80 à 35 % environ pour les seules livraisons de gaz russe à destination d'Europe et l'épicentre du transit gazier s'est déplacé de l'Ukraine vers la Turquie, l'Europe du Sud-Est et la région baltique. Ces évolutions s'expliquent par la volonté russe de contourner le territoire ukrainien par le nord avec les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 et par le sud avec le Turk Stream.

Plusieurs incidents ont eu lieu entre les forces navales russes et ukrainiennes depuis 2014 en mer Noire et en mer d'Azov, le plus grave étant celui du 25 novembre 2018 dans le détroit de Kertch entre les garde-côtes du Service Fédéral de Sécurité russe (FSB) et trois navires militaires ukrainiens. La Russie a accusé la Marine ukrainienne d'être entrée illégalement dans ses eaux territoriales bordant la Crimée, après avoir refusé de reculer face aux sommations. Les commandos du FSB ont alors arraisonné les navires de force.

Depuis cet incident, la Russie et l'Ukraine se renvoient la responsabilité de cet accrochage. Les deux parties ont saisi le Conseil de sécurité des Nations unies afin de dénoncer une agression. L'Ukraine a sollicité le soutien de l'OTAN et a saisi la Cour européenne des droits de l'Homme le 30 novembre 2018 ainsi que le Tribunal international du droit de la mer, dont Moscou récuse la compétence dans cette affaire. Le 10 avril 2019, le Conseil de la Fédération de Russie a averti l'Ukraine des risques d'un conflit militaire dans le détroit de Kertch si elle s'obstinait dans son attitude.

La remontée en puissance de la Russie en mers Noire et d'Azov s'inscrit dans la volonté de Vladimir Poutine d'un renouveau national intégrant un volet naval. Le déséquilibre entre les flottes russes et ukrainiennes est flagrant. Parallèlement, l'empreinte militaire russe autour de sa région militaire Sud s'accroît. Moscou a reconnu en 2008 l'indépendance des provinces géorgiennes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie. Elle a renforcé dans cette dernière sa présence (3 500 soldats) et utilise le long de ses 240 km de littoral la base navale de Goudaouta jusqu'en 2059 et le port en eaux profondes de Soukhoumi. Ce mouvement s'est accéléré depuis l'annexion de la Crimée en mars 2014 et l'intervention en Syrie à partir de 2015, avec le déploiement dans ces deux zones de systèmes de défense anti-aériennes S-400 Triumph. La Crimée a vu ses effectifs militaires doubler (28 000 soldats) ainsi que l'arrivée de chars de combat et d'avions de supériorité aérienne.

Depuis 2020, la Russie organise des exercices militaires de plus en plus souvent et pour des durées de plus en plus longues, dans des zones de la mer Noire de plus en plus nombreuses et de plus en plus grandes, où la Russie décourage et déconseille aux navires militaires étrangers d'accéder. À titre d'exemple, la Russie a bloqué une zone de la mer Noire allant d'Odessa jusqu'au détroit de Kertch pendant plus de 6 mois, entre avril et octobre 2021.

Au fond, la Russie souhaite faire de la mer d'Azov une mer russe et renforcer sa domination sur la mer Noire. La remilitarisation de la Crimée l'aide évidemment dans cet objectif. Dans les faits, la Russie contrôle directement les trois-quarts de la mer d'Azov (contre 40 % avant 2014) et le détroit de Kertch, unique passage maritime entre ces deux mers. Le pont de Kertch sert de facto aux Russes de régulateur du trafic maritime, d'autant qu'ils peuvent aisément le bloquer.

S'agissant de la France, des tensions peuvent parfois se faire jour en mer Noire, sans pour autant qu'il n'y ait eu d'escalade notoire à ce jour. La frégate multi-missions (FREMM) Auvergne a été suivie dès le détroit du Bosphore par un navire russe, et lorsqu'elle a atteint Odessa, elle a reçu une communication dudit navire qui lui indiquait qu'elle devait faire attention car elle se situait à 200 milles du territoire russe ; ce à quoi la France a répondu qu'elle se trouvait dans les eaux internationales. Les AWACS déployés par l'armée de l'Air et de l'Espace font également l'objet d'une surveillance étroite de la part de la Russie. Il n'y a cependant pas eu d'escalade à ce stade et, par sa présence, la France veut montrer qu'elle peut naviguer librement en mer Noire, en vertu du droit international.

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Enfin, le troisième et dernier foyer de tensions concerne évidemment la crise actuelle dans le Donbass, en Ukraine. Nous ne referons pas ici l'historique de la crise de 2014, qui a abouti à l'annexion illégale de la Crimée par la Russie et à la naissance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk dans le Donbass. Nous estimons que la crise actuelle est directement liée au contenu des accords de Minsk, qui ont volé en éclats avant-hier soir à la suite de la reconnaissance par Vladimir Poutine de l'indépendance des deux républiques autoproclamées et l'invasion consécutive des régions concernées dans le Donbass.

Un examen lucide de la situation ne peut que nous inciter à constater que les stipulations des accords de Minsk n'ont jamais été vraiment respectées. La plus importante, celle qui concerne le cessez-le-feu, a été quotidiennement violée. Dès la signature du Protocole de Minsk en 2014, et avant même que les mesures de sécurité ne soient appliquées, la Russie a poussé l'Ukraine à s'acquitter intégralement de la partie politique de l'Accord, en exigeant qu'elle révise sa Constitution et organise des élections dans les républiques auto-proclamées avant même que l'Ukraine n'ait pu rétablir son contrôle sur sa frontière et avant que le cessez-le-feu ne soit effectif.

En réalité, il y avait des divergences d'interprétation irréconciliables entre la Russie et l'Ukraine sur le statut des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk. La Russie souhaitait que ces territoires disposent d'un droit de véto sur toute décision prise à l'échelle de l'Ukraine et qu'ils soient considérés comme des entités distinctes. Cette interprétation, jugée inacceptable par l'Ukraine, a été permise par le caractère flou des stipulations de l'accord, qui ont permis de facto des divergences d'interprétation. La Russie exigeait aussi que l'Ukraine échange directement avec les représentants des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, ce que l'Ukraine a toujours refusé de faire.

L'opinion ukrainienne considérait dans sa grande majorité que les accords de Minsk ont été signés par l'Ukraine sous la contrainte. L'objectif premier était de faire cesser les hostilités après une défaite militaire humiliante. L'Ukraine a donc abordé les pourparlers de paix après une défaite militaire et sous la menace d'une intervention russe ; et les Ukrainiens estiment aujourd'hui que les accords sont caducs car impossibles à mettre en œuvre. M. Oleksiy Danilov, secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense ukrainien, disait dans un entretien à Associated Press que « lorsque les accords ont été signés, un pistolet russe sur la tempe – les Français et les Allemands regardant – il était déjà clair pour toutes les personnes rationnelles qu'il était impossible de mettre en œuvre ces accords ».

Au fond, que veut la Russie ? La publication par la Russie des deux projets de traités le 17 décembre dernier dans le cadre de sa négociation avec l'OTAN sur l'architecture de sécurité européenne constitue une manœuvre diplomatique peu habituelle, par laquelle la Russie a ouvertement exprimé ce qu'elle voudrait.

Sur la relation américano-russe, l'article 4 stipule que l'expansionnisme otanien impulsé par les États-Unis vers l'est doit cesser, ainsi que l'utilisation des infrastructures des anciennes républiques soviétiques qui n'appartiennent pas à l'OTAN, ce qui comprend donc l'Ukraine et la Géorgie. Cela revient, en somme, à revenir à l'état des relations entre la Russie et l'OTAN de 1997. Le renoncement à l'activité militaire sur ces territoires, tel que défini par l'article 7, concerne également les forces nucléaires otaniennes, ce qui remet de fait en cause le devenir de la mission otanienne en matière de politique et de dissuasion nucléaire. Sur la relation russo-otanienne, l'article 2 demande la création d'une ligne téléphonique directe. Enfin, l'article 6 met quant à lui fin à l'élargissement et aux activités militaires de l'OTAN en Europe de l'Est, particulièrement en Ukraine et dans le Caucase.

Pourquoi la Russie a-t-elle recours à cette méthode diplomatique et fixe-t-elle de tels objectifs, évidemment hors de portée ? Cette question doit être mise en perspective avec le contexte russe des années 1990. La seconde guerre de Tchétchénie a permis à Vladimir Poutine d'émerger sur la scène internationale. Il a par la suite affirmé sa position lors du discours de Munich en 2007 qui dénonçait l'unilatéralisme américain et l'activisme de l'OTAN. Mais c'est le rejet du traité constitutionnel européen au Pays-Bas et en France en 2005 qui a constitué un tournant important dans la construction de la position des Russes à l'égard de l'Union européenne : c'est là que la donne s'est inversée en Europe selon eux. La guerre de Géorgie en 2008, l'annexion de la Crimée et le conflit du Donbass en 2014 puis l'intervention russe en Syrie en 2015 ont également été des éléments constitutifs de la position russe actuelle.

En matière de politique intérieure, la Russie verra la tenue de ses prochaines élections présidentielles en 2024, dans un contexte où la révision constitutionnelle de 2020 permet notamment à Vladimir Poutine d'effectuer deux nouveaux mandats. Concernant les autres acteurs que sont les États-Unis, l'Allemagne et la France, ils se trouvent chacun confrontés à des enjeux politiques de coalition (pour le nouveau gouvernement allemand) ou d'élection (les élections présidentielles françaises et les midterms américains pour l'administration Biden).

Au regard de la situation actuelle, la Russie recherche trois choses :

– tout d'abord, figer la situation en Ukraine et faire oublier l'épisode de la Crimée, mais aussi la vassalisation à peu près totale de la Biélorussie ;

– ensuite, réintroduire une forme de blocage au sein des institutions internationales ainsi que la notion de sphère d'influence, l'objectif étant de placer la Russie en situation de force et de diminuer l'influence américaine ;

– et enfin, obtenir une victoire symbolique et idéologique contre l'OTAN en faisant de la période 1991-2021 une parenthèse et en montrant que la Russie n'a, en réalité, pas perdu la Guerre froide.

Cette ambition russe soulève toutefois deux problèmes immédiats. Le premier est celui du risque d'escalade entre l'OTAN et la Russie. Si la Russie a jusqu'à présent maîtrisé ce risque, une erreur de calcul peut toujours arriver. Sur ce point, il convient de s'interroger sur le point de conversion, c'est-à-dire le moment à partir duquel l'OTAN devrait réagir. Cette question est d'autant moins évidente que la Russie combine la pression militaire et la pression politique afin de modifier le comportement de l'autre, sans nécessairement recourir à une logique de conquête territoriale. Par ailleurs, le tir de missile antisatellite en novembre 2021 a envoyé un message fort et témoigne des progrès russes dans ce domaine. Cette situation place de plus en plus les Européens dans une position de spectateur au sein d'un dialogue se restructurant entre la Russie et les États-Unis.

Contrairement à la caricature qui peut en être faite parfois, le problème russe illustre une situation plus complexe qu'une opposition entre une tendance russophile et une tendance otanienne. Les relations franco-russes témoignent d'une compréhension de l' establishment russe largement inférieure à la compréhension russe de l' establishment français. Par ailleurs, l'analyse erronée de l'héritage politique du Général de Gaulle par les partenaires européens conduit à une lecture incomplète du positionnement français. En effet, la politique étrangère du Général de Gaulle a historiquement été celle de la simultanéité entre le rapprochement avec les États-Unis, par exemple lors de la crise de Cuba de 1962, avec l'Allemagne, par exemple en 1963 avec le traité de l'Élysée, et avec l'URSS, par exemple avec l'accueil en France de Nikita Khrouchtchev. Les Russes estiment qu'ils ont toujours été constants dans leur refus de l'ingérence étrangère et considèrent que la France a évolué sur ce point, entre le refus de participer à la guerre en Irak en 2003 et l'intervention en Libye en 2011.

En France, la situation géopolitique conduit souvent à se positionner entre les États-Unis et la Russie. Outre l'asymétrie de compréhension entre la Russie et la France sur leurs systèmes respectifs, la situation actuelle souligne également une asymétrie dans les rapports de force. La Russie entretient l'illusion d'un dialogue franco-russe valorisant la France comme une grande puissance, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui exercerait une influence auprès de ses partenaires européens. De ce point de vue, les Russes nous tendent l'image qu'on aimerait avoir de nous-mêmes, c'est-à-dire celle d'une puissance capable de développer un dialogue d'égal à égal avec les grandes puissances alors que la France n'a jamais été perçue comme telle dans la réalité par la Russie, et ce depuis 1944.

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Eu égard au niveau extrêmement élevé des tensions et au caractère très volatil de la situation à la frontière russo-ukrainienne, tout exercice de prospective quant à l'issue de la crise serait vain. Il est toutefois possible de dresser quelques constats et d'évaluer les risques d'escalade.

L'Union européenne n'a été que très peu, voire pas du tout, associée aux négociations entre les États-Unis et la Russie sur la crise russo-ukrainienne et celles relatives à la nouvelle architecture de sécurité européenne, ce qui ne peut que nourrir l'idée selon laquelle un condominium russo-américain a été rétabli en Europe. Il est inconcevable que l'Union européenne ne soit pas davantage associée aux discussions qui concernent la sécurité de son territoire et de celui de ses voisins immédiats comme l'Ukraine.

Les Européens demeurent encore trop divisés quant aux réponses à apporter aux provocations de la Russie et à la nature du soutien à l'Ukraine. La suspension de la certification de Nord Stream 2, qui est intervenue tardivement, après l'entrée des troupes russes dans le Donbass, apparaît pour le moment comme une mesure temporaire et potentiellement réversible.

Contrairement à ce que l'on peut entendre aujourd'hui, l'Ukraine est en réalité en guerre depuis 2014 et n'a cessé de l'être jusqu'à aujourd'hui. La période actuelle ne constitue en réalité qu'une accélération d'un phénomène ancien que les Occidentaux ont trop ignoré jusqu'à une période récente. Malgré de très nombreuses tentatives de renouer le dialogue avec la Russie, celle-ci refuse dans les faits obstinément de privilégier la voie diplomatique, en dépit des déclarations en ce sens de Vladimir Poutine, et menace l'Europe toute entière, à la fois par l'invasion de l'Ukraine mais aussi par ses activités en mer Noire, en mer d'Azov et en mer Baltique, par sa politique de surmilitarisation de Kaliningrad, par son retrait du traité sur les forces nucléaires intermédiaires, du traité sur les forces conventionnelles en Europe et du traité Ciel Ouvert, et par l'intégration croissante de la Russie et de la Biélorussie sur le plan militaire. L'invasion de l'Ukraine en est le prolongement logique et prévisible, qui s'inscrit dans une stratégie globale de la Russie pour étendre son influence et retrouver le prestige et la puissance qu'elle estime avoir perdue depuis la chute de l'URSS.

Sur le plan diplomatique, la France a fait preuve d'initiative tant au niveau bilatéral qu'au niveau européen, en réactivant différents formats : la rencontre entre le président de la République et Vladimir Poutine le 7 février 2022, le format de Normandie ou encore les réunions du B9, de l'Estonie à la Bulgarie, avec l'adoption d'une position commune (dite « décalogue de Brest ») lors du sommet « Affaires étrangères / Défense » de Brest du 13 janvier 2022 en sont des illustrations. En outre, le président de la République a proposé une ultime tentative de médiation en proposant le 21 février 2022 la tenue à Paris d'un sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine, qui serait ensuite élargi à toutes les parties prenantes et qui porterait sur la sécurité et la stabilité stratégique en Europe. Ces initiatives, à défaut d'avoir enclenché un mouvement de désescalade, ont mis en évidence l'absence de volonté de compromis de la partie russe, qui a maintenu ses demandes irréalistes et a finalement reconnu l'indépendance des républiques séparatistes du Donbass.

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Par ailleurs, les accords de Minsk, qui, certes, constituent à ce jour le seul cadre agréé pour un règlement pacifique du conflit, ont échoué dans leur mission première de rétablir la paix dans le Donbass, et sont désormais caducs, du fait de la reconnaissance de l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk par Vladimir Poutine et de l'entrée de troupes dites de « maintien de la paix » dans la région. Le silence coupable au sujet de la situation en Crimée, qui, rappelons-le une fois encore, a été annexée illégalement par la Russie et qui n'est pas reconnue comme un territoire russe par la communauté internationale, ne peut que renforcer la menace militaire que fait peser la Russie sur l'Europe mais également sur la Méditerranée et sur le Moyen-Orient. Les conflits actuels en Ukraine empêchent de fait toute perspective d'adhésion de cet État à l'OTAN, en rupture avec l'engagement pris par l'Alliance en 2008 lors du Sommet de Bucarest, dans la mesure où l'étude sur l'élargissement de l'OTAN de 1995, qui constitue le fondement juridique du processus d'adhésion à l'Alliance, dispose que l'existence d'un conflit au sein de l'État candidat ou dans son environnement proche rend impossible toute adhésion. Cette disposition, instrumentalisée par la Russie depuis 2014, lui confère de facto un droit de veto sur l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN et encourage l'instabilité dans le pays.

Enfin, il est important que les États membres de l'Union européenne montrent un front uni sur la question des sanctions. À elles seules, comme l'histoire récente le démontre, elles ne constituent pas pour autant un élément de dissuasion suffisant. Si les sanctions ciblées adoptées n'ont pour impact que d'entraîner le déplacement des avoirs financiers de quelques oligarques dans des paradis fiscaux, elles n'infléchiront en rien la détermination de la Russie. En outre, les sanctions commerciales mises en œuvre à l'encontre de Vladimir Poutine n'ont pas prouvé leur efficacité. La Russie s'est d'ailleurs déjà préparée à des sanctions variées, touchant autant à la politique énergétique qu'aux domaines bancaire et financier.

La Russie n'est pas à l'origine de conflits et d'entorses au droit international qu'en Europe : elle sévit également en dehors du territoire européen, et porte atteinte directement aux intérêts français. Le déploiement de mercenaires du groupe Wagner au Sahel, qui, contrairement aux dénégations de Vladimir Poutine, a bien été supervisé et décidé par le Kremlin, explique en partie les difficultés actuelles auxquelles nos armées sont confrontées au Mali. Souhaitons que la reconfiguration du dispositif militaire français au Sahel permettra de faire perdurer l'esprit de Takuba au-delà du Mali.

Le discours prononcé le 21 février 2022 par Vladimir Poutine, suivi par la reconnaissance immédiate de l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, est un tournant dans l'évolution des relations entre la Russie et l'Occident. Lénine, théoricien de la stratégie de la baïonnette, nous éclaire sur la stratégie mise en œuvre depuis 2007 par Vladimir Poutine : une stratégie qui consiste à pousser son avantage partout où il y a un point de faiblesse, jusqu'à ce qu'on lui oppose une résistance.

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Dès lors, jusqu'où Vladimir Poutine veut-il aller ? Souhaite-t-il annexer l'intégralité du Donbass, voire d'autres régions ukrainiennes ? Vise-t-il un changement de régime à Kiev, voire une vassalisation complète de l'Ukraine à la manière de la Biélorussie ? Enhardi par des succès trop faciles, visera-t-il, demain, d'autres États non-membres de l'OTAN tels que la Moldavie, la Bosnie-Herzégovine, voire la Finlande ? Plus improbable, mais difficile à exclure totalement, pourrait-il envisager de s'en prendre à des États membres de l'OTAN, à commencer par les pays baltes et la Pologne ? Ces questions ne sont pas illégitimes.

Par conséquent, au terme de nos travaux, nous en sommes parvenus aux conclusions suivantes :

– s'agissant de nos relations bilatérales avec les États polo-baltes, il convient de les renforcer tant au niveau bilatéral qu'au sein de l'Union européenne et de l'OTAN. En particulier, la France doit approfondir tous les domaines de coopération avec l'Estonie, partenaire privilégié, avec lequel la France gagnerait à s'investir davantage, tant dans le domaine de la défense que dans le domaine cyber. La France gagnerait également à approfondir ses relations avec la Pologne, puissance régionale avec laquelle elle peut avoir de nombreuses convergences de vues dans le domaine de la sécurité européenne, tout en ayant un discours ferme sur l'État de droit et les valeurs européennes ;

– s'agissant de notre relation avec la Roumanie, nous ne pouvons que nous féliciter de l'annonce du président de la République relative au déploiement de troupes françaises dans le cadre de l'OTAN. La France n'a que des avantages à tirer de cette coopération, en particulier en tant que nation-cadre. Elle devra toutefois veiller, d'une part, à ce que ce projet soit bien mené à son terme, et d'autre part à s'entourer des États avec lesquels elle pourra coopérer utilement en matière de mutualisation des équipements ;

– s'agissant du dispositif de présence avancée renforcée en Estonie et en Lituanie, le format actuel donne satisfaction. Toutefois, il pourrait être envisagé de muscler le dispositif, à la faveur de la réduction des effectifs dédiés à l'opération Barkhane. Il y a clairement une opportunité à saisir car l'Estonie est très favorable à la présence française sur son territoire. Si la France faisait un tel choix, elle devrait envisager une permanence des troupes et un renforcement au niveau tactique, afin notamment de se préparer plus efficacement à la haute intensité ;

– s'agissant de la politique de sécurité et de défense communes, tout en ayant pleinement conscience de la primauté accordée à l'OTAN par les États polo-baltes, la France gagnerait à persévérer dans ce domaine, notamment en proposant des coopérations adaptées à la taille des États partenaires. De ce point de vue, la coopération structurée permanente et le Fonds européen de la défense sont des exemples à suivre. Le renforcement de la posture de l'OTAN à l'est, synonyme de solidarité pour les États membres du B9, contribue à maintenir l'adhésion et la dynamique autour d'une Europe de la défense ambitieuse ;

– s'agissant du futur concept stratégique de l'OTAN, dont le contenu sera arrêté lors du sommet de Madrid en juin 2022, il est indispensable de veiller au recentrage de l'OTAN sur l'Europe. L'Alliance s'est excessivement concentrée sur la menace représentée par la Chine ces dernières années, au détriment de l'Europe, qui constitue le cœur historique de son action. Si la vigilance de l'Alliance vis-à-vis des desseins de la Chine est pleinement justifiée, l'attaque russe sur le territoire ukrainien rappelle de manière tragique que l'Europe est toujours menacée par le spectre de la guerre, ce que l'OTAN doit clairement acter à l'occasion de la révision de son concept stratégique ;

– s'agissant de la Biélorussie, nous sommes particulièrement inquiets de l'évolution de la situation des droits humains et de l'intégration militaire grandissante avec la Russie. Cette menace directe pour la sécurité de l'Europe devrait être pleinement intégrée dans les réflexions de la boussole stratégique et du futur concept stratégique de l'OTAN. Les leçons de la crise migratoire orchestrée par la Biélorussie devront également figurer dans ces deux documents ;

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S'agissant de l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et à l'UE, la France doit réaffirmer sans ambiguïté le droit plein et entier de l'Ukraine, État souverain, d'adhérer à l'OTAN et à l'UE. Cette perspective ne pourra cependant se concrétiser qu'à la suite d'une révision des critères otaniens relatifs à l'adhésion à l'Alliance, inscrits dans l'étude sur l'élargissement de l'OTAN de 1995, car la situation de conflit actuelle ne permet pas, en l'état, à l'Ukraine de rejoindre l'OTAN. De ce point de vue, la Russie dispose de facto d'un droit de véto inacceptable lui permettant d'empêcher toute adhésion d'un État à l'OTAN ;

– s'agissant des accords de Minsk, dont les dispositions n'ont jamais été respectées par les deux parties, ils sont, du fait de la reconnaissance de l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk et de l'envoi par Vladimir Poutine d'une « mission de maintien de la paix » dans ces territoires, en grande partie obsolètes. Comme il ne saurait être question d'abandonner l'Ukraine dans un tête-à-tête mortifère avec la Russie, il conviendrait d'envisager un cadre de discussion multilatéral s'inspirant du Format de Normandie pour trouver une issue au conflit ;

– s'agissant de la situation en Crimée, la France ne peut se résigner à une politique du fait accompli et doit réaffirmer le caractère illégal de l'annexion de ce territoire par la Russie ;

– enfin, s'agissant de la Russie, tout en saluant les efforts déployés pour tenter de la dissuader de recourir à la force, la France s'honorerait d'adopter une position plus ferme. Les autorités politiques françaises doivent acter le fait que la Russie, en application de sa stratégie de la baïonnette, ne reculera que lorsqu'on lui opposera une résistance, ce qui implique de renforcer la politique de l'OTAN sur l'ensemble du flanc oriental et de rouvrir les discussions sur l'adhésion à l'Alliance d'autres États européens comme la Bosnie-Herzégovine, la Suède, voire la Finlande.

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Aussi douloureux soit-il, nous devons faire le constat que la stratégie diplomatique de la France a échoué en Ukraine. Cet échec doit collectivement nous interroger, car ce n'est qu'en regardant la réalité en face que nous pourrons dresser des perspectives.

La France, l'Europe et l'OTAN sont au milieu du gué. Si elles refusent de soutenir l'Ukraine aux plans économique et militaire dans le cadre du conflit actuel, elles enverront le signal clair à la Russie qu'elle peut continuer à pousser impunément son avantage partout où l'Europe et son voisinage présentent un point de faiblesse. On ne peut exclure que des États tels que la Moldavie ou la Bosnie-Herzégovine fassent ainsi demain l'objet de tentatives de déstabilisation avec de graves conséquences pour la stabilité et la paix en Europe.

Notre histoire, nos valeurs, nos principes et nos engagements nous commandent de ne pas emprunter la voie funeste de la lâcheté, que nous finirons tôt ou tard par regretter.

Permettez-moi de finir par une citation que chacun pourra interpréter à sa façon : « Le gouvernement avait le choix entre la guerre et le déshonneur ; il a choisi le déshonneur et il aura la guerre » (Winston Churchill).

Nous vous remercions pour votre attention et sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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Merci pour ce rapport complet que vous avez eu à cœur d'actualiser jusqu'à la dernière minute en réaction à une actualité qui tend à s'accélérer. Sans tarder, je cède la parole aux orateurs de groupe.

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Dans le rapport de l'an dernier consacré à la boussole stratégique de l'Union européenne, nos excellents collègues sénateurs Ronan Le Gleut et Hélène Conway-Mouret ont évoqué le besoin de redimensionnement de l'action de l'Union européenne pour sa sécurité. À ce titre, l'actuelle Commission européenne, qui se veut très géopolitique dans son action, veut notamment mobiliser la puissance économique de l'Union au service de sa stratégie globale. Le groupe de Visegrád (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) rassemble des États de l'Europe de l'Est censés avoir des intérêts communs sur certaines politiques européennes. S'agissant de la défense, leur confiance se porte avant tout sur bouclier de l'OTAN et non, vous l'avez évoqué, sur la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Cependant, ces quatre États n'ont pas une vision commune sur la Russie. Si la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ont des liens économiques importants avec ce pays, la Pologne est plus méfiante, pour des raisons historiques. Dans le cadre de vos auditions, avez-vous relevé des éléments qui permettraient de redonner confiance à ces États dans les capacités de la PSDC à les protéger ?

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Votre mission d'information est au cœur de l'actualité. Ma question concerne les pays baltes. Ces trois pays sont membres de l'Union européenne et ils craignent l'escalade à laquelle nous assistons en Ukraine et au-delà, dans la région. Le président américain a annoncé le redéploiement de forces américaines dans ces trois pays. Avez-vous ressenti une forte inquiétude de la part des dirigeants de ces pays à propos de la Russie ? Ces pays attendent-ils de l'Union européenne une intervention diplomatique pour empêcher une crise générale qui pourrait toucher leur pays, comme des sanctions économiques ? Ou misent-ils surtout et avant tout sur les États-Unis et l'OTAN pour assurer leur protection ?

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Puisque c'est la dernière réunion de cette session ordinaire, je voudrais commencer par remercier tous les rapporteurs qui se sont succédé à ces micros pour la qualité constante de leurs rapports et pour ces échanges, qui sont toujours dans la recherche de l'intérêt général plus que dans une posture médiatique, sans doute à cause de la fréquence des huis clos. Merci à vous tous, mes chers collègues, au nom du groupe Démocrates, pour ces réunions de commission. Le rapport qui vient de nous être présenté est à nouveau à la hauteur des enjeux. Il doit faire réfléchir. Chacun et chacune, devant son écran, doit prendre conscience des tenants et des aboutissants. J'aurai trois questions, avant de revenir sur la boussole stratégique européenne. Premièrement, au début de votre introduction, vous avez dit qu'un de vos homologues estoniens avait affirmé que la Russie interviendrait pendant les Jeux olympiques en février 2022. Qu'avez-vous fait de cette information ? A-t-elle été reprise ? Comment, le cas échéant ? Deuxièmement, vous avez évoqué la crise migratoire en Biélorussie. N'est-elle pas un prélude, une répétition, avant une action similaire de plus grande ampleur engagée par Vladimir Poutine ? Troisièmement, vous avez évoqué très justement la stratégie dite « de la baïonnette », qui veut qu'on continue à pousser tant qu'on ne rencontre pas de résistance. Quelle forme de résistance efficace doit-on opposer pour faire cesser les agissements de Moscou ? En conclusion, cher Charles de la Verpillière, je ne reprendrai pas les mots de Winston Churchill mais la guerre, si elle n'est là aujourd'hui le sera demain ! Avec votre hauteur de vue et votre expertise, comment voyez-vous notre avenir et dans quel délai ?

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J'ai trois questions. Premièrement, la boussole stratégique ne représente-t-elle pas une chance pour l'Union européenne de se positionner au centre d'une nouvelle architecture de sécurité européenne et internationale ? La France, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, pourrait-elle devenir la chef de file et organiser une nouvelle conférence européenne permettant la révision de conditions de la sécurité en Europe, actualisant ainsi le traité d'Helsinki de 1975 ? Enfin, à la lumière de la crise ukrainienne, quelle est selon vous la véritable menace ? Autrement dit, quel est le combat de demain auquel une défense commune doit nous préparer ?

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Mon groupe et moi-même partageons, pour partie du moins, le constat de la division de l'Europe sur les sujets géopolitiques et de défense. Les pays de l'Est mettent leur destin dans les mains des États-Unis et de l'OTAN. J'en ai fait moi-même un constat implacable comme président du groupe d'amitié avec la Roumanie. L'Allemagne est quant à elle déchirée entre ses intérêts économiques et ses engagements au sein de l'OTAN. L'Union européenne est bien évidente dépendante de la Russie pour le gaz mais, disons-le, elle est aussi dépendante des États-Unis. Déjà à la tête d'une coalition contre le gazoduc Nord Stream 2, les États-Unis avaient annoncé sans consentement public du chancelier allemand qu'ils arrêteraient le projet en cas d'agression armée russe, pensant sans aucun doute aussi à la vente de leur propre gaz. Nous y sommes ! Comment évaluez-vous cette situation ? La France quant à elle a du mal à faire vivre son indépendance stratégique et diplomatique, refusant de se libérer des chaînes de l'OTAN. Au fond, l'Union européenne, et la France donc, n'est que la simple spectatrice du conflit qui se déroule à ses frontières alors que le conflit la toucherait beaucoup plus que les États-Unis. Par sa dépendance, ne pensez-vous pas qu'elle met ses peuples en danger ? Qui écrivait : « Faites attention à l'Histoire officielle que l'imposture se charge de décrire. » ? C'était Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe. L'Europe devrait y penser si elle veut retrouver une vision claire, non troublée par les contes de fée si bien écrits par les États-Unis érigés en pays de Bisounours. Ne pensez-vous pas qu'il faut modérer notre confiance aux États-Unis qui exagèrent et provoquent des conflits, qui inventent des armes de destruction massive, qui détruisent les pays à la place de les reconstruire, qui donnent la chasse à leurs lanceurs d'alerte ? Vous semblez nier que l'Ouest avait fait la promesse aux Russes de ne pas intégrer les anciens pays de l'Union soviétique à l'OTAN, celle-ci devant être une alliance défensive et non offensive. Or depuis 1996, l'OTAN poursuit une politique systématique d'encerclement de la Russie en multipliant notamment les manœuvres militaires provocatrices dans les pays baltes et en Pologne. Vous l'approuvez, semble-t-il, en approuvant l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Partagez-vous le souhait porté cependant par beaucoup d'observateurs d'un meilleur dialogue avec la Russie, une relation stable avec elle étant la meilleure garantie de la paix ? Pour terminer, vous connaissez mon point de vue sur l'OTAN – je suis sans doute très isolé dans cette commission – qui est selon moi l'instrument des États-Unis et de ses lobbies militaro-industriels qui imposent l'achat de leurs armes et équipements aux membres de l'OTAN, bloquant l'autonomie stratégique européenne avec, notamment, sa réglementation sur le trafic d'armes international (International Traffic in Arms Regulations, ITAR). Je termine en citant cette fois Victor Hugo : « La guerre, c'est la guerre des hommes. La paix, c'est la guerre des idées. » N'êtes-vous pas d'accord qu'il est temps d'ouvrir en France un vrai débat, un large débat, sur ce que doit être une politique de défense et de sûreté assurant la liberté et l'indépendance des peuples dans une Europe de la paix et de la sécurité collective, et donc, selon moi, libérée de l'OTAN ?

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Je salue le travail des rapporteurs et aussi, la contribution du groupe Agir ensemble, singulièrement aujourd'hui, puisque cet après-midi nous entendrons le rapport de notre collègue Thomas Gassilloud sur la résilience, ainsi que, comme député du Cher, les aviateurs de la base d'Avord qui, avec les AWACS, contribuent aux missions de réassurance dont vous avez parlé. Il y a eu beaucoup de citations, celles de notre excellent collègue Charles de la Verpillière, celles de l'orateur du groupe précédent, et moi je vais citer un écrivain ukrainien de langue russe, Andreï Kourkov, qui, dans un roman paru récemment, Les Abeilles grises, disait ceci : « tous les bruits discrets qui ne suscitent pas d'agacement, ni ne font se retourner, deviennent au bout du compte des éléments du silence. Il en était ainsi autrefois du silence de la paix. » Malheureusement, maintenant, c'est le bruit de la guerre qui surgit. Ce sera sans doute celui des canons mais aussi celui, plus discret, de cette guerre hybride – vous avez parlé des migrants, de l'énergie. Mais je crois que le cyber sera aussi un enjeu de défense important dans ce conflit. Pouvez-vous nous faire quelques commentaires sur cet enjeu crucial à mon sens ?

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Vous avez évoqué la participation de la France à la protection de la Roumanie. Il y a environ 4 000 soldats sur place et les États-Unis souhaiteraient une augmentation d'environ mille soldats. Qu'en est-il de notre présence sur place et que pouvons-nous envisager comme augmentation ?

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Nous voyons comment la disparition progressive des zones tampon entre le pôle occidental et celui de la Russie exacerbe les tensions en Europe de l'Est où nous devons tout faire pour qu'une solution diplomatique soit trouvée. Le président du Conseil européen faisait part récemment d'une supposée vertu unificatrice de ces tensions du point de vue de l'OTAN, saluant « un sursaut de force et d'unité qui nous a amenés à agir ensemble avec une qualité de coopération que l'on n'avait pas vue depuis de nombreuses années ». Partagez-vous cet avis ? Selon vous, l'OTAN sortira-t-elle vraiment renforcée de cette crise ?

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Ma question est conjointe avec ma voisine Sereine Mauborgne qui doit partir dans quelques minutes. Je fais le porte-parole ! La population ukrainienne semble s'inquiéter de la présence de troupes tchétchènes massée à la frontière par Poutine. Quelle vision avez-vous du rempart contre l'islamisme dont parle le président Poutine ?

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Pour prolonger les interrogations de notre collègue Philippe Meyer, pouvez-vous nous faire part de vos analyses, de vos constats et réflexions sur le positionnement de la Finlande et de la Suède ?

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Dans ce conflit, l'information et la désinformation jouent un rôle important. Comme le dit le chef d'état-major des armées, maintenant, la guerre se fait « avant la guerre ». Gagner les cœurs et les esprits à travers la sphère informationnelle est un enjeu important. Quel regard portez-vous sur cette nécessité pour les pays européens de pouvoir émettre leur propre vision des choses ? La nature ayant horreur du vide, les Européens ne laissent-ils pas le champ libre à certaines perceptions ?

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Je vais d'abord répondre à notre collègue Jacques Marilossian sur les nuances entre les pays de l'Est de l'Europe, et leur vision de l'OTAN et de la PSDC. J'ai coutume de dire et de répéter qu'il n'y a pas de petits pays en Europe. Il n'y a pas de petits alliés. Parfois, on l'oublie un peu. Il est pour moi essentiel de cultiver nos relations avec ces pays, qui ont leur sensibilité, afin de les entraîner dans une dynamique positive. Il faut leur donner confiance, au fond. Cela n'a pas toujours été le cas. Très modestement, les déplacements que nous avons faits y contribuent, afin de mieux nous comprendre et de mieux nous connaître. Nous n'avons pas vu d'hostilité de principe à la PSDC, et même une forme d'adhésion, si ce n'est d'enthousiasme, à l'égard de l'exercice de la boussole stratégique. Les pays baltes participent activement à la PSDC, à la coopération structurée permanente (CSP) au travers de nombreux projets, à la task force Takuba et à la mission de formation de l'Union européenne au Mali ( European Union Training Mission Mali ou EUTM Mali ) ; l'Estonie, singulièrement. La crainte exprimée est celle d'une duplication entre les initiatives de l'Union européenne et celles de l'OTAN. Il me semble qu'il faut insister sur la complémentarité totale entre le renforcement d'un pilier européen de l'OTAN et ce que nous pouvons faire au niveau de l'Union européenne. D'ailleurs, l'un ne peut pas aller sans l'autre. Si nous voulons que ces pays participent avec enthousiasme et motivation à l'exercice de la boussole stratégique et dans les missions de l'Union européenne, il faut aussi que nous donnions un certain nombre de gages sur notre volonté de nous impliquer au sein de l'OTAN. Et c'est ce que nous faisons ! La crise actuelle nous y amène. Quand nous sommes présents au travers de la mission Lynx en Estonie, quand nous renforçons très significativement notre présence en Roumanie, nous rassurons ces pays, nous leur donnons confiance et nous leur donnons aussi envie d'Europe.

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Je vais répondre à notre collègue Philippe Meyer ainsi qu'à d'autres points soulevés par plusieurs collègues et notamment le président Chassaigne. Notre collègue Philippe Meyer nous a demandé ce que les pays baltes attendaient de l'OTAN ou de l'Union européenne et s'ils se sentaient menacés. Oui, les pays baltes se sentent menacés. Ils sont en première ligne, si je puis dire. Ils mettent surtout leur confiance dans l'OTAN. Je ne peux que constater – même si cela ne me réjouit pas particulièrement – que l'affirmation selon laquelle l'OTAN était en « état de mort cérébrale » s'est révélée fausse. Au contraire, cette crise a remis en selle l'OTAN – que cela nous réjouisse ou pas. C'est un constat : l'OTAN en sort renforcée.

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Peut-être ! Mais c'est certain. Cela ne veut pas dire qu'il faut faire preuve de naïveté. Le président Chassaigne a raison de dire que l'OTAN, ce sont d'abord les États-Unis. Néanmoins, cela veut dire pas qu'il faille faire preuve de naïveté. Le Président Chassaigne a raison de dire que l'OTAN c'est d'abord les États-Unis. Les États-Unis sont évidemment un grand allié pour l'Europe mais ils poursuivent aussi des objectifs qui sont les leurs, notamment en termes de ventes d'armements. Comment pourrait-on leur en vouloir ? Il faut avoir d'autres moyens de développer notre industrie d'armement et d'en faire valoir sa qualité. Par ailleurs, les États-Unis en parlant de l'OTAN, ne perdent jamais de vue leur propre stratégie, qui est désormais plutôt orientée vers la Chine. Cela peut expliquer un comportement parfois plus accommodant que ce que l'on souhaiterait par rapport à ce qui arrive en Europe. Il s'agit d'un constat face auquel il ne faut pas faire preuve de naïveté.

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En réponse à Monsieur Blanchet, oui, l'information selon laquelle la Russie envahirait l'Ukraine en février circulait. Elle nous a été donnée lors de nos échanges en Estonie, mais également en Pologne. Elle a été reprise dans la presse et partagée par un certain nombre d'alliés. Les autorités françaises en avaient bien sûr connaissance. Au-delà de cette circulation de l'information, son usage illustre une communication assez nouvelle autour des plans d'invasions russes. Au fond, et pour répondre à la question de Monsieur Jacques, c'est la situation inverse de celle qui a prévalu en Crimée ou dans le Donbass en 2014. En effet, la Russie a annoncé ses plans à travers un certain nombre de discours et de prises de positions. Le camp occidental a quant à lui adopté dans un premier temps un plan de désescalade, dans le cadre duquel la France est sûrement le principal représentant et dont les efforts diplomatiques ont permis de gagner du temps. Puis dans un second temps, une communication assez étonnante du Royaume-Uni et des États-Unis consistant à révéler les plans russes avant leur mise en œuvre. Il semble que cela ait permis de retarder l'invasion. Il s'agit donc d'une nouvelle stratégie de l'information et de guerre de communication, qui s'oriente davantage vers une communication consistant à confronter les visions afin de contrecarrer les projets de l'adversaire.

S'agissant de la crise migratoire orchestrée par la Biélorussie, il s'agit évidemment d'une nouvelle forme de guerre hybride, qui peut se reproduire. Je rappelle que la Turquie, dans une logique relevant davantage du chantage, a également utilisé l'arme migratoire en 2015. La guerre hybride fait désormais partie des moyens utilisés par des pays n'ayant pas les mêmes vues que les nôtres.

Quelle force de résistance doit-on proposer face à la stratégie de la baïonnette ? Nous avons désormais dépassé le stade de la dissuasion car les troupes russes sont actuellement dans le Donbass. Il nous a semblé, et nous l'avons établi clairement, que la France ne peut pas ne pas réagir à ce qui se déroule actuellement en Ukraine. La France peut fournir une assistance économique mais aussi une assistance militaire, à la fois en termes de formation et d'armement. Il faut poser ces questions sur la table. Ensuite, nous l'avons évoqué, nous renforçons actuellement la posture défensive de l'OTAN ; alliance strictement défensive. Ce que nous faisons en Estonie et en Roumanie avec le renforcement des effectifs présents, a un caractère dissuasif. Cela contribue et participe à la logique de coup d'arrêt face à d'éventuelles menées russes qui pourraient aller plus loin. Au fond, la France est au milieu du gué. Souhaite-t-on avoir une posture encore plus ferme pour stopper la baïonnette, sans quoi, le risque que la Russie choisisse de s'enfoncer plus loin et d'aller piquer ailleurs sera élevé ? Comme vous l'aurez compris, nous plaidons pour une posture de fermeté.

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Le Président Chassaigne s'est fait l'écho d'une information selon laquelle en 1997, l'OTAN se serait engagée à ce qu'il n'y ait plus d'élargissement et que l'Ukraine, qui n'est pas membre de l'OTAN, ne rejoigne pas l'Alliance. Cette information a circulé mais elle n'a pas de base juridique. Il n'y a aucun texte dans lequel l'OTAN, les États-Unis ou tous les États pouvant prendre un tel engagement juridique, le signifient. Il n'y a aucun texte juridique au sein duquel cet engagement aurait été pris.

Deuxièmement, nous avons parlé de la perspective d'un déploiement français dans le cadre de l'OTAN en Roumanie. Le président de la République a annoncé la disponibilité de la France pour déployer une présence avancée renforcée sur le modèle du dispositif qui existe en Estonie. Cependant, en Roumanie nous aurions un rôle plus éminent puisque nous serions nation-cadre. Si le projet voit le jour, il impliquera de déployer plusieurs centaines de militaires français, voire un millier. Les discussions sont en cours. Nous aurions là un rôle plus important que celui que nous avons en Estonie où nous sommes simplement intégrés dans un bataillon britannique, les Britanniques exerçant le rôle de nation-cadre. En Roumanie cela serait l'inverse.

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En réponse à notre collègue Monsieur Favennec-Bécot, la boussole stratégique est un exercice ambitieux, qui peut être une chance si elle prend bien en compte les leçons de la crise et si elle articule correctement les questions concomitantes. D'ailleurs, il y a deux exercices parallèles entre l'UE et l'OTAN avec, d'une part, la boussole stratégique, et d'autre part, le concept stratégique de l'OTAN. Je pense qu'il s'agit d'un élément clé. Si l'on veut emmener avec nous nos partenaires, il faut que nous menions ces deux exercices ensemble, et de manière complémentaire afin de se renforcer mutuellement sur les deux volets.

S'agissant de la conférence de sécurité et du rôle de la France au regard de ladite conférence, la France a eu une action diplomatique extrêmement active. Elle doit rester à être à l'initiative et un fer de lance dans le jeu diplomatique, qui a joué son rôle et continuera certainement à le jouer dans les semaines à venir, même si la phase que nous voyons actuellement est plutôt une phase militaire, en particulier en vue du règlement du conflit. La France doit continuer à jouer son rôle et à être ferme face à la Russie qui, je le répète, a refusé la diplomatie, ou l'a pratiquée d'une manière totalement hypocrite. Les demandes posées par le président Vladimir Poutine à l'Occident étaient conçues pour ne pas pouvoir offrir de réponse acceptable. La France doit donc continuer à jouer son rôle.

En qui concerne les menaces de demain, rappelons tout de même que la menace est constituée principalement par l'activité de la Russie en Ukraine mais aussi dans d'autres zones, comme expliqué dans le rapport, comme la mer Noire, et demain, qui sait, dans des pays instables ou potentiellement instables tels que la Moldavie ou la Bosnie-Herzégovine. Il faut donc faire montre d'une grande vigilance car la menace peut s'étendre si nous ne mettons pas un coup d'arrêt suffisamment ferme.

Ensuite, pour répondre à la question de Loïc Kervran, d'abord, il convient de rappeler que la guerre cyber a lieu tous les jours en Ukraine. Les guerres hybrides prennent différentes formes : déstabilisation politique, guerre informationnelle ou encore déstabilisation liée à des crises migratoires. Il y a quelques partenaires privilégiés qui peuvent nous permettre de développer une expertise supplémentaire sur ces questions. Nous travaillons avec l'Ukraine mais je pense aussi à l'Estonie qui a été un partenaire extrêmement allant en matière de cybersécurité, et ce, pour des raisons évidentes car la menace russe est à ses frontières. L'Estonie a renforcé ses capacités dans le domaine du cyber depuis 2007. La relation bilatérale gagnerait à être renforcée dans ce domaine. D'ailleurs lors de nos auditions, l'idée d'un partenariat avec Saint-Cyr sur les questions cyber a été évoquée. Vous pourrez la retrouver dans le rapport.

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Pour répondre à notre collègue Monica Michel, s'agissant de la réaction des Européens, nous voyons que les réactions ont varié. Les États baltes sont évidemment en première ligne et ont fait front, de manière unanime. Ils se sont plutôt tournés vers l'OTAN. En revanche, pour l'Allemagne, comme l'a indiqué le Président Chassaigne, sa position est liée à sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. L'Allemagne, à tort ou à raison, s'est privée de l'énergie nucléaire et dépend maintenant totalement du gaz, qui, en grande partie, provient de Russie. Sa dépendance a une influence logique sur sa position.

Par ailleurs, en effet, l'OTAN, qui n'est pas en état de mort cérébrale, sort renforcée de la crise. Elle est revenue sur le devant de la scène à la faveur de cette crise : c'est incontestable.

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Pour répondre à Madame Ballet-Blu et à Madame Mauborgne, Vladimir Poutine a des postures et des positions à géométrie variable sur la question. Évidemment, si l'on écoute, Vladimir Poutine, la Russie dit lutter contre le terrorisme. On voit qu'elle l'utilise aussi comme prétexte quand il s'agit de justifier une politique parfois agressive ou certaines opérations militaire comme en Syrie. Mais peut-elle être considérée comme un rempart contre le terrorisme ? Je crois que ce n'est pas la vision de ses partenaires, ni non plus celle du camp occidental et de la France. Au contraire, en intervenant dans certaines crises, ou en les réglant à sa manière, la Russie a pu contribuer à l'expansion du terrorisme et de l'islamisme. On pourrait d'ailleurs élargir cette question à la question africaine. La présence du groupe Wagner en Afrique est-elle vraiment une garantie pérenne et efficace dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et l'islamisme ? Il est permis d'en douter, notamment au vu de l'expérience en République Centrafricaine.

S'agissant de la question de Monsieur Gwendal Rouillard sur la Suède et la Finlande, il est nécessaire que les opérations de Vladimir Poutine en Ukraine soient coûteuses, afin de la dissuader et de le stopper. Cela peut-être un coût politique, ou militaire si l'option militaire se dessinait de manière plus nette en Ukraine. Il nous semble que l'un des coûts politiques qui marquerait un coup d'arrêt à l'entreprise générale de Vladimir Poutine d'affaiblissement de l'OTAN serait que la conséquence de son action en Ukraine aboutisse à un renforcement significatif de l'Alliance ; non seulement par le développement de la posture à l'Est évoqué, de l'Estonie à la Roumanie, mais aussi, pourquoi pas, par l'adhésion de nouveaux partenaires. Quelle est la maturité de ces discussions en l'état ? Il y a un débat interne en Suède assez vif et, dans un degré moindre, en Finlande. Il s'agit évidemment de décisions souveraines de ces pays, qui ont une tradition historique de non-alignement, pour des raisons parfaitement compréhensibles liées au contexte de la Guerre froide. Tout va dépendre de l'évolution de la situation, mais la crise en Ukraine ne peut qu'inciter ces pays à réfléchir de plus en plus sérieusement à une telle adhésion à l'OTAN.

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Je souhaiterais revenir sur un sujet qui est sous-jacent à quasiment l'ensemble des questions posées : quel est l'interlocuteur que la Russie privilégie ? À qui le Président Poutine veut-il parler ? Ce n'est pas au Président Emmanuel Macron, ni à l'Union européenne, ni même à l'OTAN, mais c'est au Président Biden que le Président Poutine souhaite parler, pour deux raisons. La première raison est une question de prestige : parler au Président Biden signifie un retour au duopole diplomatique de la Guerre froide. Il y a aussi une raison de fond : le président Poutine peut penser, à tort ou à raison, que les États-Unis, qui ont une vision plus distanciée à l'égard de la Russie que les acteurs européens et qui sont davantage tournés vers la Chine, feront preuve de plus de souplesse.

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S'agissant de la question de Monsieur Trompille sur la Roumanie, les prémisses d'une action de la France avec l'OTAN dans ce pays ont été posées dès 2017. L'idée sous-jacente était de couvrir l'ensemble du B9, des pays baltes jusqu'au flanc Sud Est, dans un contexte où la mer Noire s'imposait comme un enjeu de plus en plus saillant. Dans le cadre de la crise actuelle, il s'agit de renforcer les relations bilatérales, déjà excellentes avec la Roumanie, aux côtés de l'OTAN. Des discussions sont en cours pour que la France devienne soit nation-cadre dans ce pays. Nous sommes en mesure de dégager des moyens et des effectifs supplémentaires, de l'ordre d'un millier, en raison de la réduction de nos effectifs en Afrique. Au regard des tensions en mer Noire, de nos excellentes relations avec la Roumanie, ainsi que de la situation difficile de pays frontaliers tels que la Moldavie – avec la Transnistrie qui pourrait être un des leviers utilisés demain par Vladimir Poutine pour déstabiliser la région – il nous semble nécessaire de poursuivre ce renforcement. Naturellement, il ne faut pas que celui-ci se fasse au détriment de notre présence dans les États baltes, mais qu'il soit complémentaire. Ce qui est envisagé aujourd'hui, c'est ainsi a minima de maintenir notre posture dans le cadre de la mission Lynx et de renforcer notre présence en Roumanie. Nous proposons en outre dans notre rapport un renforcement de notre présence en Estonie dans le cadre d'une posture permanente et non plus rotationnelle.

Pour répondre à la question de Monsieur Jacques relative aux enjeux informationnels, le premier point à souligner est que les Russes ont posé des exigences diplomatiques inacceptables de manière ouverte. Plus largement, dans le cadre de la crise actuelle, la nouveauté réside dans le caractère très ouvert de la communication, comme l'illustre le fait que le ministère de la défense britannique ait diffusé sur Twitter des plans très précis d'invasion de l'Ukraine. L'idée sous-jacente de cette politique informationnelle est que le meilleur moyen de lutter contre des plans annoncés d'invasion est d'assurer la publicité de ces derniers. Cette contre-communication a certainement contribué à retarder le calendrier prévu par les Russes. De la même manière que nos efforts diplomatiques et la mise en scène qui a été faite de ce dialogue diplomatique ont permis de gagner un peu de temps.

En outre, l'ensemble des pays de l'Est, de l'Estonie à l'Ukraine, font l'objet d'une guerre informationnelle perpétuelle, qui cherche à jouer sur les dissensions entre les minorités russophones et à instrumentaliser les initiatives d'actions agressives. Il nous faudra être très vigilant sur ces questions relatives aux origines des agressions, car le jeu du blame game ne fait que commencer et la mauvaise foi de la Russie à ce titre sur ces questions est totale. La question de l'attribution des actions peut ainsi se poser en cas de bombardement d'un hôpital, d'une cyberattaque ou encore d'attaques chimiques. Sur ce dernier aspect, il est intéressant de relever que les médias russes accusent depuis plusieurs mois l'Ukraine de développer des capacités chimiques et même, plus récemment, un arsenal nucléaire ; et ce alors que l'emploi récent d'armes chimiques par les Russes est avéré et qu'il n'est pas du tout avéré que les Ukrainiens aient cette capacité. Quant à la capacité des Ukrainiens de disposer d'armes nucléaires tactiques opérationnelles, elle est évidemment plus que douteuse. Cela fait donc partie d'une guerre informationnelle, qui cherche à inverser la position de l'agresseur et de l'agressé. Notre devoir est de lutter contre cette désinformation et de contribuer à rétablir la vérité.

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Ne pensez-vous pas que le renforcement des relations militaires avec la Roumanie est en réalité une conséquence d'un accord implicite sur le fait que l'Ukraine ne rentrera pas dans l'OTAN, ce qui impose la nécessité de renforcer militairement les pays tampons ?

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Il n'a échappé à personne que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN n'est pas à l'ordre du jour de l'agenda diplomatique de la plupart des parties prenantes. Je pense cependant que les deux éléments que vous évoquez sont disjoints et qu'il ne faut pas considérer le renforcement des relations militaires avec la Roumanie comme le fruit d'un compromis qui serait déjà arrêté concernant l'Ukraine. En revanche, il s'agit certainement de construire avec les pays qui sont aujourd'hui dans l'OTAN un rempart, dans le cadre d'une alliance strictement défensive. Les forces positionnées de l'OTAN n'ont pas vocation à « défendre » un territoire au sens opérationnel du terme, même si la VJTF (Very High Readiness Joint Task Force), avec ses 1 500 hommes, peut se déplacer d'un point chaud vers un autre. L'enjeu n'est pas de défendre en tant que tel un territoire, mais de signifier que si vous attaquez un pays de l'Alliance, vous attaquez tous les membres de l'Alliance : c'est ce qu'on fait en Estonie, en Lituanie, en Lettonie, en Pologne, ainsi qu'en Roumanie. Il y a par ailleurs bien sûr d'autres enjeux, en termes de renseignement, de positionnement de capteurs et de présence.

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Pour répondre à la question du Président André Chassaigne sur l'éventualité d'une adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, il faut savoir qu'il y a une règle qui figure dans l'étude sur l'élargissement de l'OTAN de 1995, aux termes de laquelle on n'intègre pas un État qui est menacé ou en conflit. Pour entrer à l'hôpital, il faut donc être en bonne santé.

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De ce point de vue, la stratégie de Vladimir Poutine de mise sous pression de l'Ukraine et d'invasion est le meilleur moyen de garantir de facto que l'Ukraine ne rentrera jamais dans l'OTAN, à tout le moins si nous ne changeons pas nos règles. C'est la raison pour laquelle nous interrogerons dans le rapport la pertinence du maintien d'une telle règle.

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Merci mes chers collègues pour cet excellent travail, réalisé dans des conditions qui n'étaient pas faciles et qui nous éclaire sur le contexte si particulier de la crise en Ukraine.

La commission de la défense nationale et des forces armées autorise à l'unanimité le dépôt du rapport d'information sur les enjeux géopolitiques et de défense en Europe de l'Est en vue de sa publication.

La séance est levée à dix heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Françoise Ballet-Blu, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Catherine Daufès-Roux, M. Rémi Delatte, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Christophe Leclercq, M. Gilles Le Gendre, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Meyer, Mme Monica Michel-Brassart, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Josy Poueyto, M. Bernard Reynès, M. Gwendal Rouillard, Mme Nathalie Serre, M. Stéphane Trompille, M. Charles de la Verpillière

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Bernard Bouley, M. Christophe Castaner, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marie Fiévet, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean Lassalle, M. Patrick Mignola, Mme Isabelle Santiago, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, M. Aurélien Taché, Mme Alexandra Valetta Ardisson