Mon groupe et moi-même partageons, pour partie du moins, le constat de la division de l'Europe sur les sujets géopolitiques et de défense. Les pays de l'Est mettent leur destin dans les mains des États-Unis et de l'OTAN. J'en ai fait moi-même un constat implacable comme président du groupe d'amitié avec la Roumanie. L'Allemagne est quant à elle déchirée entre ses intérêts économiques et ses engagements au sein de l'OTAN. L'Union européenne est bien évidente dépendante de la Russie pour le gaz mais, disons-le, elle est aussi dépendante des États-Unis. Déjà à la tête d'une coalition contre le gazoduc Nord Stream 2, les États-Unis avaient annoncé sans consentement public du chancelier allemand qu'ils arrêteraient le projet en cas d'agression armée russe, pensant sans aucun doute aussi à la vente de leur propre gaz. Nous y sommes ! Comment évaluez-vous cette situation ? La France quant à elle a du mal à faire vivre son indépendance stratégique et diplomatique, refusant de se libérer des chaînes de l'OTAN. Au fond, l'Union européenne, et la France donc, n'est que la simple spectatrice du conflit qui se déroule à ses frontières alors que le conflit la toucherait beaucoup plus que les États-Unis. Par sa dépendance, ne pensez-vous pas qu'elle met ses peuples en danger ? Qui écrivait : « Faites attention à l'Histoire officielle que l'imposture se charge de décrire. » ? C'était Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe. L'Europe devrait y penser si elle veut retrouver une vision claire, non troublée par les contes de fée si bien écrits par les États-Unis érigés en pays de Bisounours. Ne pensez-vous pas qu'il faut modérer notre confiance aux États-Unis qui exagèrent et provoquent des conflits, qui inventent des armes de destruction massive, qui détruisent les pays à la place de les reconstruire, qui donnent la chasse à leurs lanceurs d'alerte ? Vous semblez nier que l'Ouest avait fait la promesse aux Russes de ne pas intégrer les anciens pays de l'Union soviétique à l'OTAN, celle-ci devant être une alliance défensive et non offensive. Or depuis 1996, l'OTAN poursuit une politique systématique d'encerclement de la Russie en multipliant notamment les manœuvres militaires provocatrices dans les pays baltes et en Pologne. Vous l'approuvez, semble-t-il, en approuvant l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Partagez-vous le souhait porté cependant par beaucoup d'observateurs d'un meilleur dialogue avec la Russie, une relation stable avec elle étant la meilleure garantie de la paix ? Pour terminer, vous connaissez mon point de vue sur l'OTAN – je suis sans doute très isolé dans cette commission – qui est selon moi l'instrument des États-Unis et de ses lobbies militaro-industriels qui imposent l'achat de leurs armes et équipements aux membres de l'OTAN, bloquant l'autonomie stratégique européenne avec, notamment, sa réglementation sur le trafic d'armes international (International Traffic in Arms Regulations, ITAR). Je termine en citant cette fois Victor Hugo : « La guerre, c'est la guerre des hommes. La paix, c'est la guerre des idées. » N'êtes-vous pas d'accord qu'il est temps d'ouvrir en France un vrai débat, un large débat, sur ce que doit être une politique de défense et de sûreté assurant la liberté et l'indépendance des peuples dans une Europe de la paix et de la sécurité collective, et donc, selon moi, libérée de l'OTAN ?