Intervention de Anna-Bella Failloux

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Anna-Bella Failloux, directrice de recherche à l'Institut Pasteur et responsable de l'équipe « Arbovirus et insectes vecteurs » :

C'est une question récurrente. Et cela peut effectivement avoir un lien, toujours du fait de la biologie du moustique. Le moustique est un organisme à sang froid, incapable de réguler sa température interne. Qu'il fasse -10° ou +40° dehors, notre température corporelle est toujours de 37°, ce qui n'est pas le cas de celle du moustique. Lui est obligé de se déplacer pour trouver une température compatible avec son fonctionnement biologique.

En été, lorsqu'il fait très chaud dans le sud de la France, le cycle de développement du moustique se raccourcit. En temps normal, c'est-à-dire avec une température de 23°, il faut environ dix jours pour que l'œuf devienne adulte. Si la température augmente, ce délai se raccourcit à six ou sept jours. La densité de moustiques va donc être plus élevée, puisque le cycle de développement est raccourci. Et le risque épidémiologique sera d'autant plus élevé si, durant cette période, des vacanciers reviennent des pays où ces virus circulent de façon « naturelle ». C'est pour cette raison que, chaque année, il existe des cas autochtones de chikungunya, de dengue et, l'année passée, de Zika. Les cas autochtones sont des personnes qui n'ont pas quitté le territoire, mais qui ont été contaminées par le moustique tigre, lui-même infecté en prélevant du sang d'une personne qui revenait d'un pays où ce virus circule. Les cas autochtones indiquent que notre moustique, en France, est capable d'assurer un cycle de transmission. Le réchauffement climatique diminue donc son cycle de développement, et entraîne ainsi une augmentation importante du nombre de moustiques.

De plus, un autre paramètre est important : il faut un certain nombre de jours entre l'ingestion du virus dans l'estomac de la femelle moustique, et son arrivée dans ses glandes salivaires. Cette durée est appelée la « période d'incubation extrinsèque », et elle est notamment déterminée par la température. Plus il fait chaud, et plus cette durée se raccourcit. Le moustique devient donc infectieux plus rapidement. C'est pour cette raison que ces maladies se retrouvent surtout dans des pays chauds ou tropicaux. Et c'est pourquoi, en France métropolitaine, nous les retrouvons essentiellement pendant l'été.

Le changement climatique va ainsi offrir aux moustiques une aire de distribution beaucoup plus large. Chaque année, le moustique tigre progresse vers le nord. La surface de développement du moustique augmente donc considérablement, ce qui expose davantage de personnes n'ayant jamais été concernées par ces virus.

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