C'est vrai que l'argent est le nerf de la guerre dans la recherche. Mais les questions scientifiques et biologiques ne nécessitent pas beaucoup de moyens. Nous avons besoin de chercheurs compétents pour observer ce que la nature nous enseigne. Il faut observer, émettre des hypothèses et ensuite tester en laboratoire. C'est le cheminement classique.
En ce qui concerne les financements, beaucoup d'entre eux sont européens. Ils constituent même la majorité des financements de notre laboratoire. Durant les épisodes d'épidémies de Zika ou de dengue, nous avons beaucoup d'argent parce que l'Union européenne est consciente de la possible aggravation de la menace du moustique tigre. Le travail en consortium est donc important. Les groupes européens travaillant sur les moustiques sont très peu nombreux. Les chercheurs sont très bien et nous nous connaissons quasiment tous. Nous travaillons très bien ensemble, parce qu'il n'y a pas d'enjeu économique, contrairement à d'autres branches de la recherche. Notre enjeu est la progression de la connaissance, qui nous permet d'apporter de nouvelles informations aux politiques et aux opérationnels afin de lutter contre les moustiques. Et cela maintient une collaboration saine entre nous.
Au niveau national, nous avons la possibilité des projets financés par l'Agence nationale de la recherche (ANR). Mais ils représentent une faible source de financement, parce qu'il faut être très compétitif pour pouvoir obtenir un financement. En France, Il faut dire clairement que nous manquons de moyens pour la recherche.
Au niveau des fondations privées, certaines nous aident. Mais cette volonté de nous financer est surtout liée à la sensibilité produite par l'actualité. Or la recherche nécessite des échéances longues. Nous ne pouvons pas trouver un vaccin ou une nouvelle méthode en quelques jours. Cela demande beaucoup de temps et d'anticipation, ce qui n'est pas toujours compris par les donateurs, qui veulent un effet immédiat. Ce type de financements est donc assez incompatible avec nos délais de chercheurs.
Mon travail revient en fait à aller chercher des financements. J'anime une équipe d'une quinzaine de personnes. Je passe beaucoup de temps à essayer de trouver de l'argent pour que nous puissions travailler dans des conditions confortables. Je ne supporte pas qu'on me dise que c'est impossible, parce que nous n'avons pas d'argent. Nous travaillons avec des chercheurs opérationnels sur les territoires ultramarins, puisque l'Institut Pasteur y est implanté. Nous sommes confrontés aux populations locales. Et nous ne pouvons pas aller chez elles chercher des moustiques et leur expliquer qu'ils peuvent transmettre la dengue, sans leur apporter une solution en retour. Nous avons besoin d'être crédibles par rapport à la population.