Oui, la préférence d'hôte est une caractéristique génétique qui est variable et donc évolutive. Elle est susceptible d'évoluer. Cela a été très bien documenté pour le moustique Aedes aegypti. C'est à l'origine un moustique africain qui vivait dans les jungles tropicales et qui ne piquait pas l'Homme jusqu'à son expansion récente. On pense justement qu'il y a eu un phénomène que l'on appelle domestication : une population d' Aedes aegypti a développé une préférence pour l'Homme et pour l'environnement humain de manière générale, c'est-à-dire à la fois pour les gîtes larvaires dans des récipients artificiels qui sont associés à l'Homme et le fait de prendre ses repas sanguins sur l'Homme et exclusivement sur l'Homme. C'est ce qui lui a permis de se répandre à travers la planète, au début grâce au commerce triangulaire de l'Atlantique et ensuite par les moyens modernes.
Cette préférence a évolué et il y a même des travaux récents extrêmement minutieux qui ont pu reconstituer l'évolution d'un récepteur d'odorants dans les antennes du moustique, qui est associé à sa préférence pour l'Homme. Il existe encore à l'heure actuelle des populations de moustiques en Afrique qui n'ont pas une préférence très forte pour l'Homme, comme on pense que c'était le cas à l'origine dans les populations ancestrales. En les comparant avec les populations très anthropophiles, nous sommes arrivés à identifier ce récepteur d'odorants qui donne au moustique une très forte préférence pour certaines molécules volatiles et qui lui permet de repérer son hôte pour un repas sanguin. Nous savons qu'il y a eu évolution de ce récepteur, ce qui a sûrement conféré un grand avantage évolutif aux moustiques. Avec l'expansion démographique de la population humaine, le développement des zones colonisées par l'Homme et l'urbanisation qui va avec, tous ces environnements étaient extrêmement bénéfiques pour les moustiques qui avaient cette préférence.