Intervention de Louis Lambrechts

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 11h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Louis Lambrechts :

C'est une très grande question de recherche justement : savoir à quel point les virus sont capables de changer d'hôte.

L'émergence de pathogènes provient très souvent d'un saut d'espèces. La dengue, par exemple, était à l'origine un virus de primates dans la forêt tropicale qui est passé chez l'Homme. Maintenant, elle ne circule que chez l'Homme. Le virus s'est même adapté à l'Homme. En tout cas, ce sont des souches différentes qui circulent chez l'Homme. C'est la même chose pour le virus Zika, pour le virus de la fièvre jaune. Le virus Ebola vient d'une chauve-souris ou d'un animal que nous ne sommes pas sûrs de connaître, comme le coronavirus qui fait beaucoup parler de lui actuellement.

Dans la grande majorité des cas, ce sont des virus dits zoonotiques, c'est-à-dire qui viennent d'un autre animal et qui passent chez l'Homme, parfois à travers une adaptation. On sait ainsi que le virus Ebola s'est adapté à l'Homme lors de la grande épidémie qui a eu lieu en Afrique de l'Ouest en 2014-2015. Le virus chikungunya, quant à lui, s'est adapté aux vecteurs, c'est-à-dire que c'était un virus qui était principalement transmis par Aedes aegypti. Lors de l'épidémie de 2005-2006 sur l'île de La Réunion, on pense que ce virus a acquis une mutation qui lui permettait d'être mieux transmis par le moustique tigre Aedes albopictus, qui était le moustique dominant sur l'île de La Réunion, puisque Aedes aegypti y est quasiment absent. Cette mutation lui a permis de se répandre dans des zones où le moustique tigre était prédominant. C'est encore une sorte de saut d'espèce puisque, même si le moustique était déjà un vecteur de chikungunya, il est devenu un bien meilleur vecteur grâce à cette mutation. Dans beaucoup de cas, on voit qu'il y a une évolution pour passer d'une espèce à l'autre ou s'améliorer dans une espèce, que ce soit chez les vertébrés ou les invertébrés.

Pour revenir à la question plus précisément, oui, c'est possible. Nous connaissons des exemples. Nous ne savons pas si c'est la règle, parce que nous ne connaissons que les exemples les plus spectaculaires. Dans la grande majorité des cas, les tentatives de saut d'espèce sont sûrement vouées à l'échec Mais la grande adaptabilité de ces virus, combinée avec le changement environnemental, fait que nous allons peut-être avoir de plus en plus d'évènements de ce type-là, et il faut les étudier en laboratoire.

C'est très difficile à prédire. Comme le disait quelqu'un, il est extrêmement difficile de faire des prédictions, surtout à propos du futur. Il est très difficile de reconstituer dans une expérience de laboratoire une situation réelle et donc de prédire avec certitude ou, au moins, de quantifier la probabilité qu'a un virus de passer à une autre espèce. S'agissant du virus de l'encéphalite japonaise, c'est en théorie possible mais nous ne pouvons pas quantifier la probabilité que cela ait lieu.

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