Intervention de Philippe Desprès

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Philippe Desprès, professeur et chef de l'unité « Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes » de l'Institut Pasteur :

Vous avez tout à fait raison. Aedes aegypti est vraiment un moustique périurbain. Ce moustique se retrouve en Afrique de l'Ouest, dans les régions silvatiques, mais ce virus vit en proximité de l'Homme. Globalement, les épidémies de dengue constatées en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est sont des épidémies urbaines. Il n'y a pas de réservoirs chez les singes et la transmission se fait entre l'Homme et l'Homme via le moustique Aedes aegypti. Que les épidémies soient à Rio de Janeiro ou à Manille, l' Aedes aegypti vit en promiscuité avec l'Homme. Il est donc tout à fait adapté à l'Homme, et on le retrouve peu dans des régions à moindre densité humaine. Les épidémies massives, qui concernent des millions de cas, sont liées à une adaptation du moustique Aedes aegypti qui est le vecteur de la fièvre jaune, de la dengue et du Zika.

Aedes albopictus, qui est souvent un vecteur peu moins compétent, a une propriété autre qui est beaucoup moins sympathique pour nous. Il est beaucoup plus résistant à des températures plus faibles – jusqu'à 15 degrés – et nous pouvons le retrouver jusqu'à 1 500 mètres d'altitude. Ce moustique, qui vient de l'Asie, s'est propagé dans l'ensemble des continents, du fait des activités humaines, des voyages, des trafics, de la globalisation. Cela a été l'une des raisons de l'épidémie de chikungunya à la Réunion. Quand l' Aedes aegypti a été éradiqué, dans les années 70, en même temps que le moustique vecteur de la malaria,l'anophèle, Aedes albopictus s'est introduit dans des régions, par les voyages, les transports maritimes et les contacts. Il s'est trouvé être un très bon vecteur du chikungunya, alors que celui-ci, qui venait de façon épidémique d'Afrique, n'était pas adapté à albopictus. Nous avons eu une première épidémie en 2004 ;puis en 2005, nous avons eu une flambée inattendue parce que le virus s'est adapté à Aedes albopictus avec une seule mutation. Tout est donc en évolution. Aedes albopictus prend maintenant le dessus pratiquement partout dans le monde. C'est un moustique invasif qui concerne la France continentale, puisque nous avons suivi sa progression à partir de l'Italie où il est passé par le tunnel du Fréjus. Nous avons commencé à le retrouver à Menton, à partir de 2007-2008. Le suivi épidémiologique du moustique correspondait parfaitement aux axes autoroutiers :il était transporté par les camions. Dans les projections du Centre européen de prévention et contrôle des maladies, comprenant les modifications climatiques, l' Aedes albopictus pourrait aller jusqu'en Europe du Nord. Il est présent maintenant en région parisienne. Avec lui, potentiellement, des maladies tropicales vont survenir y compris en France métropolitaine, où on commence à voir des cas autochtones, sans que les personnes infectées aient voyagé dans les zones endémiques. On retrouve maintenant Aedes albopictus en Afrique et dans l'océan Indien. Ce moustique est extrêmement agressif, même si initialement, il n'était pas le meilleur vecteur. Il va donc falloir lutter contre les deux vecteurs, mais nos collègues disent qu'en Afrique de l'Ouest, Aedes albopictus, qui est arrivé, prend le dessus sur Aedes aegypti en termes de propagation, puisque le premier est relativement résistant, même à la lutte antivectorielle.

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