C'est une question difficile. À La Réunion, deux personnes ont été infectées dans la période 2016-2017. Elles travaillaient pour des compagnies aériennes, elles étaient fébriles ; elles y ont tout de suite pensé et se sont mises elles-mêmes en quarantaine. À Mayotte comme à La Réunion, nous sommes confrontés à des problèmes de dengue ;il faut rester prudent. Si on a une introduction de Zika, les formes cliniques sont très confondantes. À La Réunion, nous sommes maintenant à plusieurs dizaines de milliers de cas, mais nous n'avons que 20 % de cas symptomatiques et 80 % de cas asymptomatiques. À partir du sérotype 2 qui a été introduit des Seychelles, nous avons maintenant d'autres sérotypes qui peuvent amener des conséquences sur des formes sévères. Si nous avons une introduction de Zika, il peut être confondant dans des signes cliniques. En cas d'épidémies, les gens ne vont pas forcément consulter, y compris en Mayotte, et pensent qu'ils font une dengue. Si le Zika est là, dans les régions où il y a une co-circulation des arbovirus – dans l'océan Indien, il n'y a pas que la dengue, il y a aussi le West Nile – il va falloir faire des études de prévalence, avec les outils les plus sophistiqués possible ; c'est l'une des priorités que l'on essaie de lancer, Le diagnostic classique est extrêmement confondant. Pour faire un diagnostic de forme aiguë, on peut faire une amplification en chaîne par polymérase ( polymerase chain reaction, PCR). La personne est malade, on le voit, mais il faut penser à préciser le diagnostic. Sinon, il faut voir la circulation.
Je peux vous donner un exemple. Nous avons travaillé avec nos collègues en Pacifique Sud où existe un « cousin » du chikungunya qui s'appelle le virus de Ross River, qui est en Australie. Nous avons fait, grâce à nos outils, une étude générale de la circulation de ce virus. La majorité de la population de Tahiti était séroconvertie pour le Ross River, alors qu'il n'y avait aucun signe clinique.
Il y a deux possibilités de faire une telle étude systématique. A La Réunion, cela a été lancé par mes collègues responsables d'unité Patrick Mavingui et Olivier Meilhac, avec, on l'espère, le soutien du conseil départemental. On peut faire une étude soit à partir des donneurs de sang, une population que l'on peut suivre à partir d'une sérologie, soit à partir d'une population à La Réunion, avec une populationun peu plus générale qu'en ciblant les donneurs de sang, qui appartiennent à une tranche d'âge et sont volontaires. L'idée est d'avoir une cohorte qui permettrait de voir quel type de virus circule : le Zika est peut-être là, mais on l'a peut-être confondu et il ne pose pas de problème. Le Zika circule aussi en Afrique australe, mais l'hôte ne s'est peut-être pas implanté, on n'en sait rien. Et à partir de là, il faut prendre en compre l'incidence de la comorbidité et des problèmes des maladies métaboliques, comme le diabète. Nous voudrions savoir ce qu'il en est en termes de diabète, en termes de problèmes spécifiques, surtout insulaires, de l'océan Indien, par rapport aussi aux risques de propagation, de diffusion et de persistance. Les questions seront peut-être différentes de celles des pays occidentaux ou en France continentale et devront être adaptées.
En résumé, je pense que l'une des priorités d'intervention serait de savoir ce qui circule actuellement : cela ne peut être fait que par la sérologie et avec des outils suffisamment performants, ce que l'on pense pouvoir disposer. C'est une volonté politique, en termes de moyens, une coopération avec les différentes agences. Ensuite, nous voudrions tirer profit de ces populations pour faire une étude un peu plus globale de l'incidence de ces maladies, dans un contexte de comorbidité par rapport à des maladies du métabolisme ; comme vous savez, le diabète est un problème très important dans l'océan Indien.