Intervention de Philippe Desprès

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Philippe Desprès, professeur et chef de l'unité « Interactions Moléculaires Flavivirus-Hôtes » de l'Institut Pasteur :

Le conseil régional de La Réunion a accepté, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité, d'apporter des financements des fonds FEDER pour la période 2015-2020. Nous ne savons pas pour la années à venir. Il avait accepté de mettre une partie d'une enveloppe dans l'aide à la recherche. Nous avons donc pu déposer des projets. Ce sont des enveloppes tout à fait intéressantes qui ont été mises à disposition, même si elles sont très complexes, pour la région Réunion, à mettre en place, parce qu'elle n'avait pas une habitude d'évaluation de projets de recherche. Ils étaient plus habitués à financer des projets de travaux publics, comme actuellement la route du littoral, qu'à financer des programmes de recherche en biologie moléculaire. Il a fallu qu'ils s'adaptent, mais maintenant, c'est fait. Par exemple, le programme ZIKAlert a été financé sur le Zika, avec trois volets, dont un volet recherche et un volet recherche et développement. L'une des règles d'utilisation des fonds FEDER est que nos recherches doivent permettre de déboucher surune plus-value, y compris au niveau local ; cela ne peut être uniquement de la recherche fondamentale. Nous avions donc ce triptyque : étudier le virus, mais développer des candidats vaccins, ce que nous avons fait, ainsi que la formation. Cette enveloppe était d'environ 700 000 euros, ce qui est une somme importante.

Mais se pose toujours les problèmes ultramarins que je voudrais soulever aussi. Dans notre cas, nos commandes de réactifs et de produits passées à l'international sont sujettes à l'octroi de mer. Il y a un surenchérissement de tout ce que l'on commande d'environ 50 %. On divise ainsi par deux les équipements par rapport à la métropole. Cette question de l'octroi de mer est extrêmement sensible et dépasse nos problèmes de scientifiques, mais nous regrettons que la commande de réactifs biologiques pour nos travaux soit assujettie à un octroi de mer, surtout qu'il s'agit, à la base, de protéger la production locale et dans ce cas, le risque est quand même très limité. C'est un problème qui est beaucoup plus global, mais que je tiens à souligner.

Les financements sont importants. À PIMIT, nous avons eu de deux à trois millions d'euros sur différents projets, aussi bien sur la leptospirose que sur le suivi de nouveaux virus dans le cadre des chauves-souris. Quatre ou cinq programmes sont financés par la région ou les fonds du programme Interreg, puisqu'ils sont en collaboration avec Madagascar, Mayotte ou les Seychelles.

Parmi les grands bailleurs de fonds, je vous ai cité le programme Horizon 2020. Au niveau de l'Union européenne, nous sommes partenaires du programme ZIKAlliance qui a cinquante partenaires dans le monde et qui est piloté par l'Inserm. Nous sommes partie prenante pour une partie du projet autour du Zika. En termes de financements de l'ANR, nous avons eu la visite des représentants de l'Agence qui ont fait le tour de France et nous avons pu évoquer les difficultés, pour nous, de soumettre des projets ANR. Sans faire la langue de bois, il est très difficile pour nous, en tant qu'ultramarins, de soumettre des projets qui sont en compétition avec ceux de très grandes structures métropolitaines. Lorsque les représentants de l'ANR nous ont présenté la répartition des financements en France, nous avons pu constater que la région parisienne absorbe 75 % des financements. Nous n'avons pas plus de financements ANR à La Réunion que nous en avons dans certaines régions de France. C'est un problème global d'une réorientation ; ils en sont conscients. Je leur avais suggéré de faire des appels d'offres un peu orientés vers l'ultramarin.

On nous demande, à 11 000 kilomètres, de monter des recherches, des programmes, d'être au niveau international, mais il faut nous aider un peu, puisque nous avons un contexte de recherche qui n'est pas celui que l'on peut retrouver dans les grands axes comme la région parisienne, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la région de Toulouse ou de Bordeaux. On est un petit territoire, comme à Mayotte ou aux Antilles. On ne demande pas un fléchage, mais une certaine colorisation. En matière financière, on peut toujours trouver, mais ce sont aussi les jeunes que l'on forme. Que ce soit aux Antilles, à Mayotte, en Polynésie, il y a des jeunes formés, mais il faut les aider à trouver des postes. Nous demandons bien sûr de garder l'excellence et la sélection. Je crois qu'il serait très dommageable de faire des exceptions, mais il faut peut-être avoir une oreille ou un regard un peu plus attentif, avec des parcours qui sont pour nous remarquables, mais qui sont dans la moyenne haute de ce que l'on peut retrouver en métropole. C'est une décision, à mon avis, politique que l'on a évoquée ouvertement.

Les grands bailleurs de fonds internationaux, comme la Bill & Melinda Gates Foundation, nous n'en sommes pas là. Je l'espère dans le futur ; nous avançons étape par étape. Une équipe qui a été créée il n'y a cinq ans arrive seulement à avoir une reconnaissance internationale. Nous avons publié énormément, nous sommes dans des instances.

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