Intervention de Fabrice Simon

Réunion du jeudi 13 février 2020 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Fabrice Simon :

Je vais essayer de répondre. Les arboviroses sont des maladies virales aiguës, avec une virémie courte contre laquelle on essaie d'agir. Il y a toujours des tentatives de recherche pour développer des antiviraux mais cela prend du temps. Nous essayons toujours d'utiliser des médicaments qui existent déjà pour gagner du temps. C'est le cas notamment de la chloroquine, connue aussi sous le nom de nivaquine. Nous l'avons essayée, cela n'a pas marché mais on la ressort à chaque épidémie. S'agissant de la mise en place d'antiviraux, en général, les fonds sont alloués pour aller tester le virus, mais en pratique, on ne soigne pas le malade. Les laboratoires de recherche sont très réactifs pour aller chercher des budgets pour pouvoir tester telle ou telle molécule sur du virus mais, en pratique pour le malade, les essais cliniques ne sont jamais prêts à temps. Même quand nous nous dépêchons, nous n'arrivons pas à faire les choses en moins de deux ou trois mois. Mais deux ou trois mois, cela peut être la fin d'une épidémie.

C'est ce qui s'est passé. : nous n'avons jamais été prêts. Nous ne sommes pas prêts pour l'aigu. Nous faisons des traitements symptomatiques. À titre indicatif, pour vous donner un ordre d'idée sur la dengue, des travaux ont commencé pour essayer de réduire la mortalité en 1960. Ce n'est guère que dans les années 2000 que l'on a commencé à réduire la mortalité :il a fallu quarante ans. De plus, on ne soigne pas avec des antiviraux. Nous utilisons de « mauvais » traitements simples, c'est-à-dire de la perfusion avec de l'eau, et surtout nous avons une formation des soignants. Voilà ce qui a permis de réduire la mortalité, à tel point que maintenant, le chikungunya est beaucoup plus mortel que la dengue.

Ceci concerne l'aigu. La prise en charge du chikungunya aigu est essentiellement symptomatique. Le traitement consiste en des perfusions… et nous n'avons pas d'antiviral à notre disposition. À mon avis, nous n'en aurons jamais de disponible, en tout cas larga manu.

En ce qui concerne le chronique, le premier point est que nous n'avons pas aujourd'hui déterminé les différents profils de malades. Je vous ai dit qu'il existe deux catégories mais, pour l'instant, nous n'avons pas de données scientifiques qui permettent d'attester formellement de ces deux types de malades. En fait, nous avons tendance à tout regrouper. C'est le « post-chik » : les malades ont mal partout. Nous n'arrivons pas à soigner les gens individuellement puisque nous n'avons pas bien défini qui avait quoi.

Le deuxième point est que, la majorité des gens ayant des tendinopathies, des douleurs d'insertion, un déconditionnement musculaire, il s'agit de médecine extrêmement simple. Ce n'est pas péjoratif de dire de faire de la médecine simple. Cela consiste à écouter quelqu'un, à comprendre sa douleur, à l'entendre. Quantité de personnes se mettent à pleurer dans ma salle de consultation lorsque je leur dis « Mais vous savez, vous avez exactement la même chose que les autres ». Ils se décomposent parce qu'ils souffrent de solitude. Justement, nous les entendons, nous les examinons, nous leur proposons des traitements de manière systématique, bien organisée – comme je vous l'ai dit : antalgiques, anti-inflammatoires externes, des traitements simples. Le seul problème est que ce traitement n'est pas mis en place, et ainsi que nous n'avons pas pu en démontrer l'efficacité.

Si vous demandez un protocole pour tester un anti-inflammatoire, vous ne l'aurez jamais. Par contre, je suis un peu dur, mais si vous voulez demander des millions d'euros pour tester telle ou telle molécule de pointe, vous avez plus de chances de les avoir, surtout si vous avez des laboratoires de recherche qui sont extrêmement rodés à la recherche de fonds. Mais les malades sont en ville. Essayer avec des collègues libéraux, ceux qui voient les malades au quotidien, de faire un protocole de recherche, c'est quasiment impossible. Les défis sont trop grands, ne serait-ce qu'administrativement. En pratique, voilà la réalité.

Mon sentiment est que, plus on soigne tôt les malades chroniques, plus on évite ce déconditionnement, cet enraidissement et cet impact psychique. Mais il faut encore pouvoir le faire ! Actuellement, aucun protocole n'est rédigé pour la prochaine épidémie.

Je ne sais pas si j'ai répondu suffisamment à votre question, mais l'idée est qu'en fait, on a des médicaments simples. On peut les soigner, avec peu de choses. Encore faut-il le faire.

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