En ce qui concerne la formation, c'est malheureusement un peu confidentiel. C'est une recette assez simple : bien examiner, mais encore faut‑il avoir bénéficié d'un tutorat, d'un compagnonnage pour voir quelles sont les zones à examiner, pour trouver les zones qui sont des cibles thérapeutiques. Nous avons mis en place en Guadeloupe un certain nombre de formations, mais je pense que la formation sur le post-chikungunya n'est pas suffisante au regard du nombre de cas. En Guadeloupe, on pense qu'il y a plus de 20 000 cas chroniques actuellement. La Martinique est dans la même situation.
Il y a une vraie réflexion sur la mise à disposition d'une formation. Nous y travaillons et l'organisation panaméricaine de la santé, qui envisage de faire un cours en ligne, un massive open online course (MOOC),, mais cela n'avance pas très vite. Nous avons un projet à l'hôpital Laveran de Marseille, avec un budget du service de santé des armées et de donateurs, pour faire des films à mettre en accès libre. Un des objectifs est de mettre ces tutoriels en ligne pour que les gens puissent voir comment examiner. Effectivement, je dirais que les gens ne sont pas assez formés. Mais j'ai beaucoup de respect pour mes confrères de terrain, généralistes, qui doivent apprendre tout et tout le temps. Je ne peux pas être critique.
Pour l'après-épidémie, nous avons probablement été un peu en retard. Mais je ne peux pas dire que les autorités publiques n'ont pas compris. Sinon elles ne nous auraient pas alloué cette possibilité de faire un vrai programme de soins à la Guadeloupe. C'est un programme expérimental, pas dans le mauvais sens du terme, mais dans le sens pionnier pour mettre en place quelque chose qui soit reproductible.
Ce qui me paraît important est de comprendre que toute épidémie a des conséquences et que nous ne pouvons pas traiter les épidémies dans l'instantanéité ; là est la difficulté. De même, pour la recherche, on débloque des fonds et je dois dire que, de ce point de vue, le chikungunya a payé le prix du Zika. Le Zika est arrivé au même moment et a eu un très fort impact émotionnel, que je ne critique absolument pas. Soyons clairs, des familles ont vécu le drame d'avoir un enfant microcéphale ou atteint du syndrome de Guillain-Barré et je ne fais aucun reproche. Mais la réponse médiatique, émotionnelle et financière s'est portée sur le Zika et nous avons perdu l'opportunité de construire quelque chose pour le chikungunya. Je pense que nous n'avons pas eu la possibilité de faire un travail de fond. En 2020, nous sommes encore, pour la prise en charge des cas, dans une situation qui est proche de celle de 2008-2009.