Intervention de Fabrice Chandre

Réunion du lundi 17 février 2020 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Fabrice Chandre, directeur de recherche à l'IRD :

Nous avons mené cette étude car chaque année, avant l'été, de nombreux reportages, notamment à la télévision, étaient consacrés aux méthodes de lutte contre les moustiques ; l'un d'entre eux évoquait ce système de piégeage autour des habitations, dont l'efficacité n'avait cependant jamais été réellement évaluée. Il pouvait tout aussi bien s'agir d'une opération marketing. Avec des collègues du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, nous nous sommes donc attelés à l'évaluation de cette méthode, de manière indépendante, en comparant des maisons qui étaient protégées par ce système et d'autres qui ne l'étaient pas.

Le principe est simple : des pièges sont placés tous les cinq mètres autour du périmètre protégé, et sont reliés à un système de diffusion de dioxyde de carbone (CO2) combiné à un attractif composé notamment d'acide lactique – qui augmente le degré d'attractivité –, permettant d'attirer les moustiques. Le test a montré qu'après cinq ou six semaines, la population de moustiques chutait complètement à l'intérieur du périmètre protégé.

Ce système de piégeage a l'avantage de ne pas faire intervenir de molécule chimique de synthèse qui pourrait entraîner une pollution de l'environnement ; et aussi de piéger spécifiquement des moustiques, et très peu d'insectes bénéfiques. On peut parfois y retrouver d'autres insectes, mais en de très faibles proportions puisque ce sont surtout les moustiques qui sont attirés par le CO2. Dans les endroits où le test a eu lieu, il s'est donc avéré efficace contre le moustique tigre à partir de quelques semaines d'utilisation.

Cependant, il ne s'agissait que d'une étude à échelle réduite, réalisée sur un petit nombre de maisons ; nous souhaiterions désormais la généraliser à une échelle plus importante, afin de pouvoir énoncer des préconisations. Avec des collègues qui travaillent au service de démoustication de la collectivité territoriale de Martinique, nous avons construit un petit projet que nous avons soumis à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), mais la concurrence est rude et l'argent n'est pas extensible à l'infini, si bien que le projet n'a pas été sélectionné. Cependant, si nous voulons aller plus loin, il faut mettre en œuvre des études dans différents contextes pour savoir dans lesquels la méthode est efficace. Son principal inconvénient est son coût : l'installation du système revient environ à 10 000 euros, et n'est donc pas accessible à tous les particuliers. Mais il pourrait être intéressant pour les lieux qui accueillent du public et où la nuisance est devenue tellement forte que leurs abords deviennent pratiquement infréquentables. Pourraient être concernés notamment certaines crèches – où les enfants ne peuvent plus aller à l'extérieur sans se faire dévorer par les moustiques –, des hôpitaux, des écoles, des résidences pour personnes âgées ou, pour le secteur touristique, des campings. Les résultats sont prometteurs mais il faut au préalable que le système soit testé de manière plus systématique ; je recommanderais donc de continuer les études sur ce type de pièges.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.