Intervention de Fabrice Chandre

Réunion du lundi 17 février 2020 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Fabrice Chandre, directeur de recherche à l'IRD :

À l'heure actuelle, il n'existe pas en France de dispositif de financement de la recherche spécifiquement dédié à la lutte contre les vecteurs. Pour obtenir des crédits de recherche, il faut déposer des projets, essentiellement à l'Agence nationale de la recherche (ANR) ; on peut aussi en déposer à l'ANSES ou auprès de certaines collectivités territoriales qui sont concernées par la prolifération des moustiques, comme la région Occitanie. Mais en matière de lutte contre les moustiques, il n'existe pas un organisme particulier auquel s'adresser pour financer un projet.

L'ANR s'intéresse principalement aux projets qui se placent sur le plan de la recherche fondamentale ; ce sont ceux pour lesquels nous parvenons à trouver des crédits – c'est par exemple le cas des travaux sur les mécanismes de résistance, qui s'attachent à caractériser les gènes concernés et à observer leur évolution au sein des populations de moustiques ; mais aussi de ceux qui étudient les interactions entre les gènes du moustique et le développement des bactéries endosymbiontes, notamment la Wolbachia, qui peuvent être utilisées car elles entraînent des phénomènes d'incompatibilité cytoplasmique, donc de stérilisation de la descendance des femelles ; de la même façon, un travail sur les gènes impliqués dans la transmission vectorielle pourra être aisément financé.

Les projets de recherche appliquée sont plus difficiles à faire financer par l'ANR, d'abord parce qu'ils coûtent très cher – les essais de recherche opérationnelle coûtent en général plusieurs millions d'euros –, ensuite parce qu'ils ne constituent pas la priorité de l'agence. L'ANSES a davantage vocation à financer de tels programmes, mais n'a pas les moyens de les financer à elle seule, puisque ses crédits s'élèvent en général à 100 000 ou 200 000 euros, ce qui n'est pas suffisant.

Il n'existe donc pas en France de dispositif spécifiquement consacré à la recherche sur la lutte contre les vecteurs. Cependant, de nombreuses équipes de recherche sont impliquées dans ce domaine et travaillent plus ou moins directement sur les vecteurs. Notre unité, l'UMR Mivegec, constitue un des pôles d'entomologistes les plus importants à l'échelle nationale, et est très actif sur ce sujet. Mais d'autres unités contribuent à la recherche en la matière, notamment auprès des Instituts Pasteur, des écoles vétérinaires, de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), et du CIRAD – qui travaillent en particulier sur les vecteurs de maladies animales. Il y a donc en France de nombreuses personnes dont les travaux tournent autour de la lutte contre les vecteurs. Nous nous attachons d'ailleurs à regrouper ces personnes au sein d'un réseau appelé le réseau national vecteurs, mis en œuvre sur la base d'un mandat que nous a confié l'ANSES cette année. Nous allons ainsi lancer un site web et une lettre d'information pour essayer de fédérer les experts travaillant sur les vecteurs en France.

Je préconise donc la poursuite de cet effort initié par l'ANSES mais aussi, en son temps, le CNEV, qui consiste à faciliter les échanges entre les chercheurs et à encourager une collaboration étroite – c'était une des forces du CNEV – avec les opérateurs publics de lutte. Ceux-ci ont souvent en leur sein des chercheurs qui sont capables de faire de la recherche opérationnelle et connaissent le terrain ; travailler avec eux s'avère très productif et leurs compétences entrent en complémentarité avec les nôtres.

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