Intervention de Fabrice Chandre

Réunion du lundi 17 février 2020 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Fabrice Chandre, directeur de recherche à l'IRD :

À la base, les recherches de l'IRD portent plus sur les vecteurs du paludisme, notamment l'anophèle, que sur les vecteurs d'arbovirose, ce qui nous conduit à collaborer de manière régulière avec des équipes du Sud : ainsi notre unité travaille-t-elle depuis longtemps avec des équipes du Burkina Faso, de Côte d'Ivoire, du Bénin, du Cameroun et du Gabon. À l'heure actuelle, l'un des piliers de la lutte contre le paludisme consiste dans l'utilisation de moustiquaires imprégnées, un procédé testé pour la première fois dans les années 1980 par des chercheurs de l'IRD travaillant en collaboration avec d'autres scientifiques dans le cadre du centre Muraz, au Burkina Faso.

Je citerai également le cas de l'une de nos collègues, qui a obtenu des financements pour ses recherches portant sur l'utilisation de médicaments systémiques administrés au bétail pour renforcer l'efficacité de la lutte contre le paludisme ; lorsqu'ils ne peuvent se nourrir sur l'Homme parce qu'il est protégé par des moustiquaires imprégnées, certains anophèles se nourrissent en effet sur les animaux.

Pour ce qui est de la collaboration avec les pays du Nord, nous travaillons beaucoup avec la Liverpool School of Tropical Medicine et la London School of Hygiene and Tropical Medicine et, à ce titre, nous avons à la fois une présence commune dans certains pays et une présence complémentaire dans d'autres – historiquement, ces institutions étaient plutôt présentes en Afrique de l'Est, tandis que nous l'étions en Afrique de l'Ouest. Nous avons mené certains projets en commun, notamment ceux portant sur la nouvelle génération de moustiquaires, qui sont bitraitées – l'utilisation conjointe de deux insecticides vise à en augmenter l'efficacité –, lesdits projets impliquant de porter une attention particulière aux phénomènes de résistance.

Le contexte international s'est un peu modifié au cours des dernières années, avec l'apparition et la présence de plus en plus importante de la Fondation Bill & Melinda Gates dans les programmes de recherche. Cette fondation, dont l'action se concentrait initialement sur la recherche portant sur la lutte contre les vecteurs de paludisme, finance l' Innovative Vector Control Consortium (IVCC), basé à proximité de la Liverpool School et mis en place par sa directrice, le professeur Janet Hemingway, une grande spécialiste de la lutte contre les vecteurs et de la résistance aux insecticides. Pour ce qui est des aspects relatifs à l'évaluation des projets sur le terrain, l'IVCC est associé à la London School ainsi qu'à une université californienne.

Ce consortium draine la totalité de l'argent de la fondation Gates destiné à la lutte contre les vecteurs du paludisme, et la recherche opérationnelle de l'IVCC est essentiellement confiée à la London School. Il nous est donc très difficile de bénéficier de financements dans ce cadre : pour ce qui est de la recherche sur les moustiques, j'irai jusqu'à dire que nous sommes en concurrence avec la London School, même si nous collaborons avec cette institution. En revanche, certains de nos collègues qui font des recherches sur la mouche tsé-tsé réussissent parfois à obtenir des financements de la Fondation Bill & Melinda Gates, du fait que la concurrence anglo-saxonne n'est pas très forte dans ce domaine.

En dehors de la Fondation Bill & Melinda Gates, nous obtenons certains financements de l'Europe, et nous participons d'ailleurs au projet ZIKAlliance – piloté par le professeur Xavier de Lamballerie, que vous allez entendre tout à l'heure –, portant sur le phénomène de résistance ainsi que sur la TIS. Le projet REVOLINC (Révolutionner la lutte contre les insectes) peut également bénéficier de ce type de financements, ainsi que certains projets ponctuels soutenus, par exemple, par la Norvège.

Je n'ai pas en tête la liste complète des financements dont nous avons bénéficié, mais je dirai que, pour le moment, le financement ne constitue pas un gros problème pour nous : nous réussissons régulièrement à obtenir des fonds, même s'ils ne proviennent généralement pas de la fondation Gates, celle-ci destinant la quasi-totalité de ses financements à la Liverpool School pour ce qui est de la recherche sur les moustiques – les travaux relevant de la recherche fondamentale restant à la Liverpool School, tandis que ceux relevant de la recherche opérationnelle vont plutôt à la London School.

La Fondation Bill et Melinda Gates finance des idées originales, ayant notamment pour objet de mettre au point de nouveaux produits, mais jusqu'à présent elle ciblait les vecteurs du paludisme plutôt que ceux des arboviroses – je précise que les choses sont en train de changer et qu'elle commence à s'intéresser également aux seconds.

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