Intervention de Xavier de Lamballerie

Réunion du lundi 17 février 2020 à 10h55
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Xavier de Lamballerie, directeur de l'unité mixte de recherche des virus émergents :

Généralement, le virus Zika provoque une arbovirose assez bénigne. Certains cas sont sévères – atteinte du système nerveux central, atteinte du développement du fœtus, syndrome de Guillain-Barré –, mais leur pourcentage est relativement faible.

Il existe différents projets de développement d'un vaccin, mais ils n'ont pas été « priorisés » par les organismes internationaux. L'Institut Pasteur, des sociétés privées ont mis au point des candidats-vaccins qu'ils poussent actuellement dans le tuyau laborieux de l'habilitation. Il n'y a pas d'obstacle technologique majeur à la mise au point d'un vaccin, et il sera sans doute possible d'en obtenir un contre le virus Zika ; ce qui pose problème, c'est la compréhension de ce qu'il faut faire de ce vaccin et de ses effets éventuellement délétères.

En effet, dans la mesure où le virus Zika ressemble beaucoup à celui de la dengue – au point que les personnes infectées par l'un sont testées positives à l'autre –, on a beaucoup craint que là où la dengue avait circulé, des formes plus graves de Zika ne surviennent. Ces craintes reposaient sur le fait que, dans le cas de la dengue, qui est transmise par quatre virus différents, les formes sont plus sévères chez les personnes primo-infectées par un autre des virus. Sachant que l'immunité acquise, lorsqu'elle entre en interaction avec un autre virus, peut donner lieu à des complications, on redoutait un mécanisme équivalent et que des personnes immunisées contre la dengue fassent des formes de Zika plus graves.

Bonne surprise, il n'en a rien été ; des études ont même montré qu'une primo-infection pouvait conférer une certaine protection. Certes, cela n'a pas empêché l'épidémie de se propager – plus de 90 % des personnes infectées en Guadeloupe et en Martinique avaient été infectées auparavant par le virus de la dengue – mais les formes cliniques sont plutôt moins graves, et cela se vérifie chez le singe.

Pourtant, le doute subsiste s'agissant des infections par le virus de la dengue se produisant après une infection par le virus Zika. Chez le singe, il semble que les formes de dengue soient plus graves ; chez l'homme, les premiers résultats produits par Eva Harris, grande spécialiste de la dengue, suggèrent que, dans ses cohortes du Nicaragua, les formes de dengue sont plus symptomatiques, cliniquement plus sévères.

Il faut donc faire preuve de prudence et se poser la question d'une possible interaction du vaccin anti-Zika et de la dengue. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas développer le vaccin, mais que l'on doit avancer doucement et bien évaluer les avantages et les inconvénients.

Comme pour tous les vaccins contre les arboviroses, la question qui se pose est celle des destinataires : vacciner les populations potentiellement concernées avant que l'épidémie ne survienne suppose d'inclure des milliards de personnes, avec les coûts afférents ; vacciner uniquement en cas d'épidémie oblige à mettre au point des stratégies. La communauté internationale développe actuellement un virus contre le chikungunya – qui est à un stade très avancé ‑, mais le plus grand flou règne sur la manière dont il sera employé et qui en bénéficiera.

Ces questions, bien qu'importantes, ne doivent absolument pas nous dissuader d'avancer sur la recherche de vaccins efficaces. La communauté internationale s'accorde à dire que le vaccin nécessaire serait un vaccin combiné qui protégerait contre tous les pathogènes transmis par Aedes aegypti – dengue, chikungunya, Zika. Techniquement, nous en sommes très loin. Par ailleurs, vous connaissez les difficultés de la vaccination contre les quatre sérotypes de la dengue.

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