Intervention de Didier Fontenille

Réunion du lundi 24 février 2020 à 14h00
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Didier Fontenille, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement :

N'étant pas juriste, je ne veux pas trop m'étendre sur les questions juridiques, de peur de dire des bêtises.

À partir du moment où un insecte transmet un agent pathogène, il devient un vecteur. À l'époque de la publication du rapport, j'avais dit qu'un moustique nuisant – le moustique qui vous pique la nuit – est un vecteur qui s'ignore. Cette phrase avait fait le buzz mais n'avait pas été très bien comprise. Permettez-moi donc de l'expliquer.

Lorsqu' Aedes albopictus est arrivé en France métropolitaine, c'était juste un moustique qui empêchait de boire l'apéritif à dix-huit heures – l'heure où il pique. Au départ, il était seulement désagréable, mais il s'est mis à transmettre les virus de la dengue, du Zika et du chikungunya – et il est capable d'en transmettre d'autres. À La Réunion et à Mayotte, il était déjà un vecteur avant de devenir un nuisant : vous connaissez donc très bien ces questions, madame la rapporteure. Cette distinction entre « nuisant » et « vecteur » apparaît clairement dans la loi de 1964 relative à la lutte contre les moustiques. Cette loi visait essentiellement à lutter contre les moustiques qui nuisaient au développement touristique : elle en confiait la responsabilité aux collectivités. Le maire avait par ailleurs l'obligation de maintenir sa commune propre et de veiller à la salubrité, en limitant la présence des moustiques nuisant.

Dès lors que certains moustiques, comme Aedes albopictus, se mettent à transmettre des agents pathogènes, on entre dans le domaine de la santé publique, qui relève de l'État. J'ai cru comprendre que deux propositions de loi avaient été déposées sur cette question, l'une au Sénat, l'autre à l'Assemblée nationale, après la publication du décret que vous avez évoqué : il me semble que ce n'est pas l'ordre habituel mais, encore une fois, je ne suis pas juriste...

Si j'ai bien compris, ces propositions de loi entendent confier à l'État tout ce qui relève de la santé publique. La proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale prévoit par ailleurs d'autoriser les agents de la lutte antivectorielle à pénétrer dans des propriétés privées, lorsqu'un foyer important a été identifié : c'était l'une des préconisations du rapport. De mon point de vue, il est important que l'État prenne ses responsabilités, mais il doit le faire jusqu'au bout : il ne devrait pas déléguer la lutte antivectorielle à des opérateurs qui n'auront peut-être pas les moyens d'agir face à des épidémies majeures. Mes propos concernent surtout la France métropolitaine, parce que les territoires ultramarins, notamment tropicaux, sont déjà rodés. Je connais moins bien la situation de Mayotte, mais je sais, pour m'y être rendu, que La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane sont bien préparées, parce qu'elles connaissent ce problème depuis très longtemps.

Je répète que je ne suis pas très à l'aise sur ces questions juridiques mais ce qui est certain, c'est qu'il faut faire preuve de bon sens : on veut que ça marche et ça peut marcher. Les moustiques résistent toujours mieux et font preuve d'ingéniosité pour survivre, mais nous avons des outils et des compétences. Dans toutes les régions que je viens de citer, nous avons des équipes qui connaissent leur métier. Il est évident qu'il faut continuer à améliorer la formation, mais aussi s'adapter aux nouvelles données, par exemple à la pollution. Il va bien falloir se passer des insecticides : de toute façon, les moustiques y sont devenus résistants. En métropole, les ententes interdépartementales pour la démoustication (EID) ont quarante ans d'existence et j'espère qu'elles pourront continuer à mettre leur expérience au service de la population métropolitaine et à conseiller les partenaires, par exemple à travers l'ADEGE.

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