À ma connaissance, des progrès ont été faits et j'ai la faiblesse de croire que la création du CNEV n'y est pas pour rien, parce que des acteurs très différents ont pu y échanger. Mon métier n'est pas de lutter contre les moustiques, mais d'étudier les moustiques et de proposer, grâce à de nouvelles connaissances, des mécanismes permettant de mieux lutter contre eux. Au sein du CNEV, j'ai rencontré les opérateurs et j'ai découvert les aspects techniques de leur travail, qui sont très différents d'un lieu à un autre. Au sein du CNEV, les gens ont confronté leurs difficultés. Or la principale difficulté, c'est désormais la résistance des moustiques. Que ce soit en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane française, les moustiques sont très résistants : il va donc falloir renoncer aux insecticides et trouver des stratégies alternatives.
Les choses ont évolué et nous sommes aujourd'hui beaucoup plus efficients – ce qui signifie que le rapport entre coût et efficacité progresse. Je l'ai dit, l'épidémie de chikungunya a suscité une prise de conscience et une envie d'agir, qui ont été renforcées par la pression sociale – les Français étaient mécontents.
Les améliorations ont été si grandes, que la France est aujourd'hui un modèle pour ses partenaires européens – même si nous pouvons et si nous devons faire mieux. Nous avons une expérience sur tous les continents, mais nous ne devons pas nous satisfaire de cela, parce que les moustiques évoluent et que le monde et le climat changent. Nous continuerons d'être confrontés à ces problèmes : l'océan Indien continuera de connaître des épidémies de dengue, de Zika et de chikungunya chaque année, comme l'Hexagone connaît des épidémies de grippe. Ce qu'il faut, c'est les gérer le mieux possible, avec de nouvelles stratégies de lutte contre les moustiques. Tant mieux si nous avons un jour des vaccins, mais je vous rappelle que la fièvre jaune fait toujours des milliers de morts chaque année, alors qu'il existe un vaccin depuis 1937. Il protège bien la Guyane française et Mayotte, mais il ne suffit pas.
La lutte antivectorielle sera toujours nécessaire mais elle n'empêchera ni les épidémies, ni les foyers. En France métropolitaine, nous aurons de plus en plus de foyers de dengue et, probablement, dans cinq ou dix ans, de Zika et de chikungunya. Et je ne parle que des fameux virus transmis par Aedes albopictus et Aedes aegypti. Mais vous n'ignorez pas l'existence des virus Usutu et West Nile, qui sont transmis par d'autres moustiques, sans compter le paludisme, à Mayotte et en Guyane française.