Intervention de Didier Fontenille

Réunion du lundi 24 février 2020 à 14h00
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Didier Fontenille, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement :

Exactement. Il y a les objets, les champs, ainsi que les moyens et les compétences. Les moustiques tigres ne sont pas les seuls vecteurs. Après ma liste à la Prévert de maladies, je pourrais décliner celle des arthropodes : les tiques, les puces, les poux, les triatomes responsables de la maladie de Chagas, les moustiques, les phlébotomes, etc. – je ne vais pas vous faire un cours ! Voilà les problèmes auxquels nous pouvons être confrontés.

Tout comme il existe une communauté d'intérêts entre la santé humaine et la santé animale, il doit également y avoir une composante « santé animale » et « santé environnementale ». Les impacts sociaux et environnementaux doivent vraiment être pris en compte dans la lutte contre les vecteurs de maladies humaines ou animales. Il faut associer les différentes maladies possibles sur les différents territoires européens, y compris tropicaux, avec les différentes disciplines : la chimie pour les insecticides, l'entomologie pour les insectes, la santé publique, les sciences sociales, l'économie – si l'on évalue assez mal combien coûte une campagne de lutte antivectorielle, on évalue encore plus mal combien coûte une épidémie. Et il y a tous les aspects indirects : à l'île de La Réunion, le tourisme a chuté lors de l'épidémie de chikungunya et les familles ont dépensé beaucoup d'argent en tortillons et répulsifs : cela n'a jamais été vraiment chiffré. La composante « sciences sociales » est donc nécessaire : elle porte sur l'économie, l'anthropologie, la sociologie, la santé publique, la recherche, qui peut être très fondamentale, sur les nouveaux outils de lutte antivectorielle, voire de lutte contre les maladies car cela est complémentaire : nous ne sommes pas complètement déconnectés des médicaments et des vaccins. La santé publique, c'est un ensemble de stratégies qui vont dans la même direction, même si l'accent est mis tantôt sur le vaccin, tantôt sur la lutte contre les vecteurs.

Il faut donc associer l'ensemble de ces partenaires. L'idée n'est pas d'avoir un centre physique avec cent chercheurs : ce n'est pas possible, même si c'est un rêve pour tout le monde. Cela existe dans les universités américaines mais elles sont soutenues par des fondations : la fondation Rockefeller ou la fondation Bill & Melinda Gates financent ce type de centres. Si on arrive à convaincre Bill Gates d'en financer un en Europe, je suis candidat pour être directeur ! Mais je n'y crois pas…

L'Union européenne a des fonds, elle peut financer. Il y a un centre européen de biologie moléculaire à Heidelberg en Allemagne : c'est cela, l'esprit. Il y a des laboratoires mais également des partenaires partout en Europe : nous pouvons donc créer ce type de réseau, avec un endroit physique où les gens se regroupent, où se trouvent les permanents, et constituer un réseau avec des universités, des opérateurs et des décideurs. J'insiste beaucoup sur ce dernier point : la lutte contre les vecteurs est réalisée par des opérateurs et décidée par des décideurs. Les chercheurs, comme moi, font en sorte que cela se passe le mieux possible en proposant des alternatives. C'est ce que nous avons fait avec la technique de l'insecte stérile à l'île de La Réunion : tout est parti de recherches très fondamentales de génétique des populations, d'éthologie pour le comportement des vecteurs, et nous réaliserons, probablement en juin ou juillet, le premier lâcher de moustiques mâles stérilisés à l'île de La Réunion. Et cela va marcher ! La seule question, c'est : est-ce que cela va marcher bien, ou très bien ? Je croise les doigts pour que cela marche très bien. Ensuite, la question sera : à quel coût ? Il faut l'évaluer : si ça marche bien et que ça coûte une fortune, il faudra réfléchir ; si ça marche très bien et que ça ne coûte pas trop cher, il faudra le faire partout !

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