Les décrets sont sortis donc il n'est plus temps de s'inquiéter. Il faut maintenant voir comment gérer cela. Pourquoi pas ? J'espère que ce choix n'est pas dogmatique, qu'il s'appuie sur des éléments permettant d'augmenter l'efficience et l'efficacité. Il y a plusieurs niveaux : les opérateurs historiques, les EID, par exemple, ont quarante ans et connaissent très bien leur métier. Ils ont été formés, ils ont du matériel, ils ont déployé des agences dans chaque département : ils peuvent intervenir. Les opérateurs privés, pour le moment, sont de taille modeste : ils doivent se construire. Tout dépend donc de ce qu'on va leur demander. Si on leur demande de lutter sur un unique foyer de dengue, de Zika ou de chikungunya, je pense qu'ils utiliseront les techniques habituelles : pièges et insecticides ; cela peut marcher. En cas de multiplication des foyers – cela va se produire –, va-t-on passer par cinq opérateurs privés à cinq endroits différents, ou deux, ou un seul, ou bien mobiliser les opérateurs historiques et les opérateurs privés ? Nous allons perdre de la cohérence. Dans l'intitulé de votre commission d'enquête, j'ai relevé trois fois le mot « évaluation ». Ce sujet recouvre beaucoup de choses : est-ce que c'est opportun, nécessaire, cohérent, efficace, efficient ? Y a-t-il des impacts ? C'est tout cela qu'il va falloir suivre avec les opérateurs privés et les opérateurs historiques.
Par ailleurs, les décrets ne sont pas très clairs : ils sont parfois trop détaillés – il faut mettre un piège tous les cinquante mètres : pourquoi pas cinquante-cinq ou soixante ? –, parfois pas suffisamment détaillés – quels seront les moyens récurrents ? Si une épidémie survient, je ne suis pas tout à fait sûr que de jeunes opérateurs privés pourront assurer le service. Il faut mener une vraie réflexion.
Par ailleurs, le risque serait d'intervenir à chaque fois que l'on détecte un cas autochtone, sans vérifier auparavant s'il y a un risque de propagation. Il y aurait alors une multiplication des interventions, lesquelles auraient un coût financier et environnemental et entraîneraient des perturbations sociales – vous savez bien comment cela se passe : quand on intervient trop, avec les gyrophares, les gens s'inquiètent. Je n'ai pas de recette miracle mais je pense que cette nouvelle donne, avec les décrets parus cette année sur les opérateurs privés, mérite qu'on y réfléchisse très sérieusement.
Enfin, il faudrait être attentif à ne pas surutiliser les insecticides : pour le Bacillus thuringiensis israelensis (Bti), qui tue les larves, je ne suis pas trop inquiet. En revanche, la deltaméthrine, un pyréthrinoïde qui tue les adultes, génère de la résistance extrêmement rapidement ; de plus, ce n'est un secret pour personne que la deltaméthrine tue aussi les papillons et les abeilles. Si on le fait bien, on n'en tue pas beaucoup, mais c'est tout… C'est plus une recommandation qu'une inquiétude : il va falloir définir des critères d'évaluation assez stricts.