Originaire d'Argentine, je suis physicien de formation. Venu en France une première fois pour faire une thèse à la faculté d'Orsay, j'ai ensuite passé sept ans à Harvard, au sein du laboratoire où a été cristallisé le premier virus. Il faut savoir que les cristaux comme le sel, ou chlorure de sodium, se composent de deux atomes, alors que les virus sont composés par la répétition de milliers d'atomes. Grâce à la cristallographie par des rayons X très puissants, on peut arriver à déterminer la position de tous ces atomes et à analyser la conformation du virus.
Au sein de ce laboratoire, mon projet de recherche consistait à travailler sur la structure d'un flavivirus, l'encéphalite à tiques. Comme il était, en l'espèce, impossible de cristalliser la totalité de ce virus, par ailleurs dangereux compte tenu de sa charge infectieuse, un chercheur de Vienne nous a fait parvenir un échantillon de la protéine de l'enveloppe de surface du virus, découpée grâce à une enzyme, et nous avons cristallisé cet échantillon.
De retour en France, j'ai constitué une équipe au CNRS pour poursuivre cette étude sur ce qui était, à l'époque, la deuxième protéine de surface mise en évidence.
Ces protéines de surface nous intéressent car elles sont responsables de l'entrée de la particule virale dans la cellule qu'il faut infecter. D'une part, elles reconnaissent le récepteur et, d'autre part, elles induisent la fusion de la membrane lipidique du virus avec la membrane de la cellule. Cette fusion est un processus physique, qui s'apparente à celui d'un ressort qui s'enclenche – spring loaded – par lequel la cellule se libère, s'ancre dans la membrane et force la fusion des deux membranes en formant ce qu'on appelle une épingle à cheveux .