Intervention de Frédéric Tangy

Réunion du lundi 24 février 2020 à 17h15
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Frédéric Tangy :

C'est un domaine qui n'attire pas réellement les compagnies, et Sanofi a pour une grande part construit son programme grâce à des financements extérieurs, même s'ils ont financé une usine mais qui, au bout du compte, risque de ne pas leur servir. L'industrie pharmaceutique préfère investir dans des vaccins contre le cytomégalovirus (CMV) ou l'herpès, car elle sait qu'ils seront vendus dans les pays où est l'argent. C'est ce qui explique que le vaccin contre la dengue traîne depuis cinquante ans car, en plus des difficultés biologiques, virologiques et médicales, il se heurte au problème de la répartition des financements entre le Nord et le Sud.

Pour en revenir aux cas de dengue autochtones, il est clair que la dengue ne sera jamais une pathologie métropolitaine. Il fait trop froid chez nous et, contrairement aux coronavirus ou aux virus grippaux qui aiment le froid pour se multiplier dans le système respiratoire superficiel, le virus de la dengue aime la chaleur et a besoin de moustiques que l'on retrouve davantage à la Guadeloupe et à La Réunion, même s'il y a des Aedes albopictus dans le sud de la France. Je pense que mes collègues seront d'accord avec moi pour avancer que nous ne connaîtrons jamais dans les pays tempérés de pandémie de dengue, même si des voyageurs peuvent importer le virus, puis le transmettre ; cela n'ira jamais très loin, alors que nous aurons d'autres coronavirus.

Reste que la dengue est un problème pour un tiers de la population du monde. Au-delà des Antilles françaises, elle touche le Brésil, le nord de l'Argentine, l'Inde, l'Asie du Sud-Est… ce qui représente potentiellement un énorme marché pour un vaccin. Donc, au-delà de la question des financements, je ne comprends pas que l'industrie pharmaceutique ne s'y intéresse pas davantage.

Cela étant, l'exemple de la grippe montre que le vaccin ne résout pas tout, même à titre préventif : malgré le vaccin, nous avons, en France, 2,5 millions de cas de grippe et quinze mille morts par an, alors que c'est une maladie qu'on connaît depuis longtemps. Nous n'avons qu'à croiser les doigts pour que la dengue ne débarque pas, mais c'est déjà une catastrophe pour les pays dans lesquels elle sévit. Et il faudra du temps, sans doute plusieurs générations de vaccins, pour parvenir à la bonne formulation – tout comme pour le vaccin contre la grippe, qui est encore loin d'être idéal. Nous n'en sommes même pas à la première génération, donc ce n'est pas demain la veille, hélas.

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