Intervention de Frédéric Tangy

Réunion du lundi 24 février 2020 à 17h15
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Frédéric Tangy :

En effet. Nous perdons ainsi une industrie entière dans le domaine du médicament alors que nous avions des fleurons : Rhône-Poulenc, Roussel-Uclaf, Sanofi, c'était tout de même la France ! Nous ne faisons plus d'essais cliniques chez nous parce que c'est trop compliqué et que tout le monde veut se protéger.

Il faut un sponsor, un promoteur d'essais cliniques. Pendant des années, l'Institut Pasteur a refusé d'en faire en raison de l'épée de Damoclès du procès lié au scandale sanitaire de l'hormone de croissance – on craignait une condamnation – mais alors, dans les années quatre-vingt, l'ANSM n'existait pas, ni les pharmacies des hôpitaux. Les types broyaient le cerveau sur la paillasse ! Les cerveaux arrivaient de Roumanie sans que nous connaissions la transmission de la maladie de Creutzfeldt-Jakob par le prion. Le monde a changé ! L'Institut Pasteur craint de promouvoir un essai clinique parce qu'il a peur de la réglementation, mais la recherche a besoin de réaliser des essais cliniques. À défaut, elle part dans les pays où ils sont possibles.

Une harmonisation européenne s'impose donc, de même que la France doit reprendre sa place en matière d'essais cliniques et pour tout ce qui va avec : le manufacturing, les compagnies qui s'occupent de la gestion, très complexe, des niveaux réglementaires de qualification. Pour qualifier un vaccin ou un virus que nous cultivons, vous n'imaginez pas le nombre de pages qui sont nécessaires ! Au final, cela coûte presque plus cher que la fabrication d'un Airbus A350.

Pourtant, nous savons le faire. Je connais des types au talent fou, qui étaient chez Sanofi, qui ont pris leur retraite. À l'Institut Pasteur, nous avons créé le cours de vaccinologie à leur demande car, nous ont-ils dit, si nous ne le faisons pas, plus personne ne saura le faire en France après eux. Sanofi nous envoie des élèves tous les ans pour suivre ce cours – mais ils font ensuite les essais ailleurs !

En France, l'organisation de la recherche clinique est problématique. Nous disposons de petits programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) ; l'AP-HP organise de petits essais qui coûtent 200 000 euros mais, alors que dans le privé, un essai de phase 1 coûte 6 millions ! Je ne vois pas comment il est possible, en France, de réaliser un essai de 250 000 euros quand aucune entreprise n'est prête à mettre 6 millions compte tenu du coût du produit, de sa qualité, des Contracts Research Organisation (CRO) qui établiront les bases de données, les analyses statistiques, etc.

Cela représente de l'argent mais, en même temps, c'est une manne industrielle. En ce moment, les chiffres d'affaires des compagnies qui manufacturent ces produits sont colossaux, les prix augmentant chaque jour. En France, cela nous passe sous le nez alors qu'il s'agit historiquement d'une ancienne industrie nationale. Il faut remettre les choses à l'endroit. Pour nous, développeurs de vaccins, c'est un problème.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.