Je pense que nous aurons à exposer beaucoup de sujets en commun avec ce que vient de faire Dominique Voynet parce que, effectivement, nous retrouvons les mêmes difficultés, peut-être pas dans les mêmes proportions.
La situation est un peu différente à La Réunion puisque le paludisme a été éradiqué. Nous avons actuellement une épidémie de dengue qui a émergé depuis la toute fin de l'année 2017. Il y a eu une première vague épidémique en 2018 avec 6 700 cas confirmés, 173 hospitalisations et 6 décès. Une seconde vague de plus grande ampleur a été observée à partir de janvier 2019, avec un pic à la mi-avril à plus de 1 600 cas confirmés par semaine, soit environ 3 800 cas cliniquement évocateurs estimés par semaine. À partir d'avril 2019, une dispersion des cas a été observée et le virus s'est progressivement répandu quasiment sur l'ensemble du territoire, après un départ épidémique essentiellement au sud et un peu à l'ouest.
Le bilan pour 2019 est donc important. L'Institut Pasteur a fait une projection qui, fort heureusement, était trois à cinq fois supérieure à ce que l'on n'a pu constater en réalité. On peut peut-être le mettre sur le compte de l'efficacité la lutte antivectorielle. Cela sera analysé ultérieurement. En 2019, il y a donc eu au total 18 000 cas confirmés et plus de 50 000 cas estimés, 1 623 hospitalisations de plus de 24 heures et 14 décès dont 9 directement liés à la dengue.
La situation se modifie entre 2018 et 2019. En effet, nous avions essentiellement à La Réunion des épidémies du sérotype de type 2 de la dengue et c'est ce sérotype qui apparaît effectivement fin 2018. Mais, à la fin de l'année 2018 et surtout au cours de l'année 2019, apparaît un sérotype de type 1. Nous nous retrouvons donc en 2019 avec deux types de dengue qui cohabitent. De plus, à la fin de l'année 2019 et en 2020, un troisième sérotype, de type 3, apparaît à l'est de l'île. Les trois sérotypes circulent en effet dans la zone.
Les projections qui avaient été faites par l'Institut Pasteur ne prenaient en compte pour 2020 que le sérotype de type 2 et ne tenaient pas compte des infections par le sérotype de type 1 qui s'est développé de façon assez massive. À ce moment, les projections montraient donc une diminution assez forte de l'épidémie, voire une vaguelette comme cela a été dit par l'Institut Pasteur qui, malheureusement, n'avait pas pris en compte l'arrivée de ce sérotype de type 1. Les choses se sont donc à nouveau aggravées et tout s'est passé comme si, en particulier dans le sud et dans l'ouest, le sérotype de type 2 était remplacé par le sérotype de type 1. Nous avons donc constaté une nouvelle montée en puissance de l'épidémie de dengue et un maintien à un niveau important au cours de cette année.
Pour vous donner une idée des intervenants et faire un parallèle avec ce que disait Dominique Voynet, durant les années 2018, 2019 et 2020, le nombre maximum d'agents sur le terrain oscille entre 160 et 200. Il diminue à 160 en 2020 et on peut comprendre les raisons pour lesquelles il a diminué en 2020. Il est important de souligner le nombre de périmètres d'intervention contrôlés pendant les années 2018, 2019 et 2020 : pour 2018, 6 200 périmètres, pour 2019, 8 400 périmètres et, pour le début de l'année 2020, 2 300 périmètres. Il s'agit du nombre de terrains sur lesquels nous intervenons. Cela fait un total de 16 960 périmètres, ce qui est un nombre assez important. Nous avons réalisé également 70 500 visites domiciliaires en 2018. En 2019, le nombre de visites est monté jusqu'à 101 000 et, en 2020, nous avons déjà fait 38 000 visites, et ce malgré la crise de Covid-19. Nous avons donc fait un nombre total de visites domiciliaires de 209 500, ce qui montre effectivement une intervention assez massive des équipes pour faire face. Cela peut expliquer le fait que les chiffres constatés sur le terrain, en tout cas pour 2019, sont plus faibles que ce qui avait été annoncé par l'Institut Pasteur.
À propos des sérotypes et des vagues épidémiques successives, nous sommes actuellement dans une situation nécessitant un peu de temps pour l'analyse. Nous pensons qu'une partie de la population qui a été fortement touchée, en particulier dans le sud et dans l'ouest, a pu s'immuniser vis-à-vis du sérotype de type 2, mais le sérotype de type 1 s'y est ensuite substitué. C'est probablement la raison pour laquelle les estimations de l'Institut Pasteur étaient plutôt optimistes pour l'année 2020. Malheureusement, le sérotype de type 1 circule aux Seychelles, à Mayotte et partout dans la zone, de même que celui de type 3, ce qui leur a permis de se diffuser sur le territoire.
En ce qui concerne les intervenants, je vous ai donné des chiffres, mais je ne vous ai pas dit qui ils étaient. Ce sont des intervenants de l'ARS – 110 agents actuellement dont 47 intérimaires – et 50 membres du SDIS qui nous accompagnent depuis le début de l'année et qui continueront à le faire. Ils ont été amenés à le faire précédemment en 2019 comme ils avaient été amenés à le faire en 2018. Nous avions même eu en 2019 le renfort du RSMA et de la sécurité civile. À ce jour, nous avons une continuité tout à fait appréciable et tout à fait efficace avec le SDIS. Les applicateurs sur le terrain constituent donc un groupe d'environ 150 personnes, qui sont soit des membres du SDIS titulaires du certificat Certibiocide et peuvent donc intervenir, soit des agents de l'ARS, soit des intérimaires qui ont été formés.
Je voudrais aussi souligner le fait que les études qui sont menées pour apprécier l'efficacité des actions ont montré que, dans 70 % des cas, il n'y a pas eu de cas secondaires de dengue dans les périmètres, dans les quarante jours qui suivent une intervention effective à pied des agents de la lutte antivectorielle (LAV). Je pense que c'est un élément important, surtout si on le compare à un autre 70 %, correspondant à l'apparition de cas secondaires lorsque les agents de la LAV n'ont pas pu intervenir. C'est un des éléments qui nous amène à répondre positivement à la demande de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) pour pouvoir analyser de façon plus fine l'efficacité de la lutte antivectorielle. Les résultats militent en faveur de l'efficacité, mais encore faut-il que nous puissions aller plus en finesse. Pour l'instant, en ce qui concerne l'intervention de la LAV et particulièrement les interventions à pied, ces résultats préliminaires sont en faveur des réponses qui sont apportées actuellement à l'épidémie qui est multiple du fait du nombre de sérotypes différents.
En tout état de cause, le sujet qui nous pose le plus de problèmes, c'est le peu d'implication ou l'insuffisance d'implication, peut-être moins criante qu'à Mayotte, des maires et des intercommunalités dans leurs missions de police sanitaire. Ces missions sont prévues, elles sont rappelées chaque année par des arrêtés par les préfets. Il s'agit d'agir pour renforcer l'entretien des sites, renforcer la propreté urbaine, renforcer l'entretien des bâtiments, intervenir dans le domaine privé en cas de refus ou d'absence du propriétaire. Ce sont des éléments qui sont très difficiles à faire passer malgré une action très coordonnée entre la lutte antivectorielle bien sûr, le SDIS et la préfecture.
J'ai oublié de le dire, nous sommes au niveau 3 du plan ORSEC, sous l'autorité du préfet, avec un soutien très fort de la part de la préfecture.
Malgré ces soutiens, malgré ces rappels réguliers, de la part à la fois de la préfecture et de l'ARS, auprès de l'intercommunalité et auprès des mairies, il y a effectivement peu d'interventions de leur part sur les sujets qui devraient être tout à fait prioritaires.
On ne peut pas comparer ce que doivent faire les applicateurs sur le terrain, qui sont, comme nous l'avons dit, 150 répartis sur l'ensemble de l'île et ce que doit faire l'ensemble d'entre nous, la population, les mairies, parfois les intercommunalités, pour nettoyer, pour enlever les gîtes larvaires et pour rendre la situation saine comme elle devrait l'être.