Je vais peut-être rappeler la genèse de l'ARS. Jusqu'au 1er janvier 2020, je pense que les relations entre l'ARS et les communes étaient assez peu développées. Je me suis employée à renforcer ces relations avec les maires et avec les élus, avec la difficulté évidemment liée au fait qu'ils étaient en campagne pour les élections municipales et ont eu, pour certains d'entre eux, du mal à se projeter dans les mois ou années à venir avec les directeurs généraux des services (DGS) et les services.
Je considère personnellement que les DGS, les directeurs, les chefs de service et les agents des communes sont des relais naturels de la lutte antivectorielle et que nous devons les former, les mobiliser, les sensibiliser et les accompagner dans les actions de terrain qui sont conduites par les communes et par les CCAS. C'est une organisation toute récente à Mayotte, où le département date seulement de 2011 et où beaucoup de communes se sont dotées de CCAS dans les années qui viennent de s'écouler. L'idée d'intervenir plus particulièrement pour protéger des personnes vulnérables, des personnes âgées et des personnes isolées nous a conduits à privilégier ces contacts avec les CCAS dans la perspective de la construction du réseau de santé communautaire que j'évoquais.
Certains maires sont très sensibilisés à la question mais se sentent un peu démunis. La compétence du ramassage des déchets et de l'élimination des déchets a été confiée à des syndicats intercommunaux et c'est un euphémisme d'affirmer que ces syndicats ne fonctionnent pas très bien. Quiconque vient à Mayotte en ce moment serait choqué de voir que, depuis la fin de la saison des pluies et depuis le confinement, nous avons énormément de déchets partout, en dépit des efforts qui ont été déployés par l'ARS et la DREAL avec la préfecture et certaines communes pour ramasser les encombrants. Un site a été ouvert sur une ancienne décharge pour permettre de collecter à distance des habitations, en dehors des communes donc, des volumes absolument considérables d'encombrants qui sont abandonnés d'habitude dans les rues.
J'espère pouvoir, à l'occasion du deuxième tour des élections municipales, prendre langue avec les nouveaux élus, les convaincre de la nécessité de travailler ensemble, d'anticiper avant la prochaine saison des pluies. Le fait que l'épidémie de dengue soit actuellement en train de refluer fortement ne doit pas nous rassurer exagérément. Nous devons être prêts, avec un kit de mobilisation des communes adapté aux territoires.
Dans ce contexte, le logiciel Arbocarto qui a été décrit tout à l'heure doit nous aider à anticiper et à voir où sont les sites sur lesquels le moustique se plaît, se reproduit et risque de revenir dès les prochaines pluies.
Vous avez évoqué, madame, le fait que les communes étaient fortement mobilisées pour certaines d'entre elles. Ce que je constate personnellement, c'est que beaucoup de maires n'osent pas prescrire aux propriétaires des terrains les mesures d'entretien de leurs mares ou de leurs fossés. On risque d'être dans un système où ou le serpent se mord la queue parce que, en proposant que l'intervention du maire soit limitée à une simple obligation de signalement des situations à risque à l'ARS, l'ARS va se retrouver en situation de dire au maire : « Mon ami, voilà une responsabilité qui vous incombe au titre de la police sanitaire. »
Nous signaler le problème alors que nous n'avons pas l'autorité pour agir ne résout pas le problème. C'est ce qu'a très bien montré finalement la mise en œuvre du plan d'organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles (ORSAN) pour les arboviroses à Mayotte. Si le préfet ne met pas en demeure les maires de faire, ils ne font pas. Ce qu'on doit obtenir, c'est que les maires soient désormais convaincus que c'est une part importante de leurs responsabilités, comme pour d'autres nuisibles sur lesquels ils peuvent être parfois un peu plus actifs.