Intervention de Philippe Quenel

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 14h10
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Philippe Quenel, président du groupe de travail Vecteurs de l'Anses :

Au-delà des recommandations émises par les experts, il me semble qu'il y a un point important à souligner.

Il est souvent attendu du groupe d'experts que je préside d'apporter des réponses opérationnelles pratiques à des questions de terrain. C'est souvent l'attente des opérateurs et aussi du ministère.

Il me semble que l'enseignement à tirer des principales expertises que nous avons menées jusqu'à ce jour est qu'avant de pouvoir proposer des réponses opérationnelles et pratiques sur le terrain, il y a une étape absolument fondamentale qui n'a jamais été menée au bout, aussi bien en France qu'à l'étranger, qui est l'évaluation de l'efficacité réelle des mesures de lutte anti-vectorielle pour contrôler les phénomènes épidémiques. Je vous parle essentiellement aujourd'hui des arboviroses.

En outre-mer, que ce soit dans les Amériques, dans l'océan Indien, dans le Pacifique, en métropole dans le sud de la France, un certain nombre d'actions sont conduites en s'appuyant sur des lignes directrices telles qu'elles ont été proposées par l'OMS, par l'ECDC ou par d'autres structures internationales, mais ces lignes directrices n'ont jamais été formellement évaluées quant à leur efficacité sur le terrain.

Récemment, au sein de notre groupe de travail, une équipe de recherche a fait le bilan de la littérature internationale sur cette question, dans une revue qui a été publiée en 2018, selon un comité de lecture qui traduit bien la qualité des résultats, qui souligne l'absence très importante d'essais contrôlés menés sur le terrain pour évaluer toutes ces questions. Nous avons pu mesurer cette difficulté quand nous avons été saisis par le ministère pour répondre en urgence à l'évaluation de la stratégie telle qu'elle avait été menée à La Réunion fin 2017 et début 2018 pour faire face à la première vague épidémique de dengue et savoir quelles recommandations il fallait faire pour une deuxième vague probablement attendue suite à l'été austral.

Énormément d'actions avaient été menées, énormément de moyens avaient été mobilisés par l'agence régionale de santé (ARS), par ses partenaires, les collectivités territoriales, aussi bien dans la lutte anti-vectorielle que dans la mobilisation sociale, mais nous n'avions aucune évaluation réelle de ces activités quant à leur efficacité. Fort de ce constat, la priorisation qui a été donnée au sein du GT, a été de travailler à l'élaboration de ce qui a été évoqué par Mme Fite, soit un outil qui permettrait effectivement aux opérateurs de pouvoir autoévaluer leur stratégie. Une stratégie de LAV c'est un ensemble d'actions de lutte contre les vecteurs, de lutte contre les LAV, lutte physique, lutte chimique, de mobilisation sociale, d'animation aussi des collaborations intersectorielles et intra sectorielles. La stratégie, c'est l'ensemble de toutes ces composantes. Pour cela, nous avons besoin de référentiels qui vont permettre d'évaluer précisément quelles sont les actions qui sont les plus performantes, dont le coût est le plus efficace.

Nous avons lancé un travail depuis plus de six mois pour lequel nous pensons avoir besoin d'encore environ douze mois, qui va être de proposer aux opérateurs un guide d'évaluation conjointe, c'est-à-dire avec une première phase d'autoévaluation par les opérateurs, de leur stratégie au regard de la situation locale, avec la prise en compte à la fois de la situation entomologique, de la situation épidémiologique, de la situation économique et de la situation environnementale, pour inscrire leur stratégie dans la réalité locale. C'est fondamental de leur donner les outils pour évaluer par eux-mêmes leurs actions et confronter cette évaluation avec une évaluation externe par un groupe d'experts, de façon à arriver à un diagnostic conjoint et à une évaluation commune qui va permettre, d'une certaine manière, de conduire progressivement à une amélioration continue de la qualité des actions.

Comme cela a été dit, la démarche du groupe de travail est vraiment de s'appuyer sur les connaissances scientifiques et sur le développement de méthodes scientifiquement fondées qui vont permettre de fournir aux opérateurs les outils dont ils ont besoin pour identifier les meilleures stratégies et les faire évoluer au cours du temps. C'est un point qu'il me semblait important de souligner parce qu'il me semble que nous sommes parfois un peu trop sollicités pour apporter des réponses rapides, opérationnelles, auxquelles il est très difficile de répondre tant que nous n'avons pas développé tous ces outils.

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