Intervention de Roger Genet

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 14h10
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Roger Genet, directeur général de l'Anses :

Si vous me permettez, une remarque finale.

Je pense que votre question est importante parce qu'elle touche au cœur de la raison de ce transfert. C'est-à-dire que c'est très difficile de faire de la recherche interdisciplinaire et de faire travailler ensemble, en co-construisant un objet de recherche, des scientifiques de disciplines différentes. Nous nous sommes tous essayés à cela. Nous faisons souvent du pluridisciplinaire ou du multidisciplinaire chacun dans notre coin en essayant de recoller les morceaux, mais essayer de construire ensemble un programme de recherche dans une vision interdisciplinaire est très compliqué.

Par contre, l'expertise collective repose sur une vision pluri- et interdisciplinaire. Nous mettons ensemble des gens de disciplines différentes et nous les faisons réfléchir, chacun avec son prisme, à une question qui leur est posée.

Chez nous, l'expertise se construit comme cela. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles nous avons transféré cette expertise à une agence qui repose sur des collectifs d'experts, de façon à sortir d'un cadre qui est restreint par les compétences des unités de recherche qui composaient le CNEV.

La difficulté est qu'il n'y a pas de scission entre les deux. C'est-à-dire que nos comités d'experts ne peuvent porter une appréciation et faire des recommandations que par rapport à un état qui est publié dans la littérature. Pour cela, il faut que les équipes de recherche publient.

Nous avons pu avoir le sentiment, au moment du transfert, qu'il y avait un risque de désappropriation des gens qui avaient été à l'initiative du CNEV, qui disaient : « mais nous, organisme de recherche, avons contribué à créer ce pool d'expertise et maintenant, on nous dit que c'est l'Anses ».

Une convention avec le vectopole Sud s'est structurée. Nous soutenons leurs travaux de recherche. Dans cette convention, nous avons prévu des moyens pour organiser un colloque annuel de façon à animer cette communauté scientifique, à les soutenir parce que nous avons besoin de leurs travaux, parce que c'est comme cela que nous éclairons.

De la même façon, nous avons besoin de financer la recherche. J'étais dans un autre rôle en 2006 pour la crise du chikungunya. À l'époque, les quatre experts qui avaient été mandatés avaient fait des propositions qui ont été mises en œuvre, dont la création de ce centre de recherche et de veille de l'océan Indien qui devait être étendu aux Antilles. Finalement, la crise est passée, nous sommes passés à autre chose, la pression est moins forte sur ces sujets-là. Il ne faut pas oublier que ces crises reviennent régulièrement et qu'il faut soutenir des moyens de veille épidémiologique, des outils de production de connaissances sur les maladies, sur les vecteurs.

Cela a été très bien dit par Philippe Quenel, nous avons besoin d'une approche qui intègre les sciences économiques et sociales dans cette dynamique-là. Il y a des travaux sur ces sujets pour savoir comment les citoyens vivent cette lutte anti-vectorielle et quels sont les meilleurs outils pour qu'elle soit mise en œuvre.

Nos moyens restent très limités sur notre capacité à financer des travaux de recherche, soit par des conventions de recherche et développement, soit dans le cadre du programme national de recherche en environnement santé-travail. On voit une montée des offres, les lettres d'intention ont plus que doublé en deux ans.

Dans le projet de loi de programmation pour la recherche, l'ANR devrait avoir dans les trois ans qui viennent une augmentation très conséquente de son budget d'appels à projets. Il est très important que les agences de financement nationales prennent en compte cette question des vecteurs dans toutes leurs dimensions de santé humaine, animale et végétale, dans les priorités de leurs programmes de recherche.

Seule une masse critique suffisante d'équipes de recherche nous rend capables de construire des programmes européens et internationaux. C'est très important que le soutien à la recherche dans ce domaine ne vienne pas que lorsqu'il y a une crise sanitaire, mais soit pérennisé.

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