Intervention de Benoît Combes

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 9h40
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Benoît Combes, directeur de l'ELIZ :

En Ile-de-France, l'ELIZ a été déclarée opérateur public de démoustication en 2017 pour pouvoir œuvrer en 2018 et en 2019 dans plusieurs départements.

L'origine de cette décision vient de la découverte du moustique tigre sur des îles au bord de la Marne, dans le département du Val-de-Marne ; l'EID Méditerranée, qui était chargée de la surveillance de l'apparition de ces moustiques dans les autres départements, a ensuite trouvé ce moustique dans des communes des Hauts-de-Seine. L'Ile-de-France est très urbanisée, ce qui favorise énormément la présence du moustique tigre. Il est tout à fait adapté au milieu urbain et y passe la majeure partie de son existence, si ce n'est la totalité.

Depuis 2017, six départements nous ont confié ce rôle de lutte. Je crois qu'ils nous l'ont confié, car, du fait des jeux Olympiques de Rio en 2016, on craignait une arrivée massive de Zika sur les territoires d'Île-de-France suite au retour des gens qui étaient allés voir les Jeux olympiques ou y participer éventuellement. Les départements ont donc été contraints par la préfecture de région de créer une entente interdépartementale de démoustication, à l'instar des ententes existantes comme l'EID Méditerranée, l'EID Rhône-Alpes ou l'EID Atlantique.

Le budget envisagé par la préfecture était très conséquent. Parmi les départements, trois étaient adhérents à l'entente et avaient déjà mené un certain nombre d'actions sur les pathologies dont le président a parlé précédemment. Notre réputation de savoir coordonner les travaux à l'échelle interdépartementale, puisque nous sommes arrivés à coordonner et à faire exactement la même chose dans une quarantaine de départements sur les différents sujets qui ont été abordés, a incité les départements d'Ile-de-France à nous confier cette mission.

Nous sommes donc devenus en 2017 un opérateur public de démoustication et nous avons travaillé bien évidemment de façon très régulière avec les ARS, chacun étant chargé de sa partie. Le suivi des cas humains, notamment, était parfaitement mené par l'ARS, parfois avec un temps de retard dans l'arrivée de l'information sur l'apparition de certains cas humains. Nous nous chargions de gérer la surveillance du moustique tigre, la constatation de son développement dans différentes communes et de veiller à suivre ces cas humains comme l'a détaillé M. Foussadier précédemment.

L'année dernière en Ile-de-France, 42 cas de personnes ont nécessité la visite de plusieurs sites pour contrôler la présence du moustique tigre. Nous avons effectué très peu de traitement, trois traitements.

Je voudrais signaler à ce propos l'intérêt de la prévention et de la diffusion de la communication qui est réalisée par les équipes sur le terrain. Quand nous avons un signalement d'un cas humain, l'équipe va prospecter autour du domicile, autour de tous les lieux où la personne a résidé pendant suffisamment longtemps pour pouvoir être piquée par un moustique tigre. Si nous trouvons la présence de moustique tigre adulte, nous lançons une opération de traitement. Auparavant, nous passons auprès de toutes les maisons, de tous les lieux de résidence. Nous mettons des affiches, nous expliquons à toutes les personnes qu'il est très important de faire cette lutte. Nous faisons une vraie communication locale, de terrain qui est vraiment très importante, qui est un facteur majeur de réussite de l'opération. En effet, nous faisons le traitement avec un produit adulticide et, même si la nébulisation effectuée par les machines que nous utilisons permet de bien disperser dans l'air l'insecticide, nous ne pouvons pas atteindre tous les sites qui seraient potentiellement favorables aux moustiques. C'est aux personnes habitant autour de ce cas humain de se débarrasser de tous les sites qui peuvent permettre à des femelles de pondre. Cette prévention est vraiment très importante.

L'opération nécessite également une coopération avec l'ARS, qui intervient auprès de la préfecture pour nous faire donner l'autorisation d'intervenir dans le périmètre que nous avons proposé. Enfin, nous faisons un compte rendu à la préfecture et à l'ARS dès la fin de l'opération.

Cette relation, en tout cas en Île-de-France, fonctionnait bien. Depuis 2020, nous sommes confrontés à une nouvelle situation. Il faut travailler au niveau régional ; l'ARS lance un marché alloti, c'est-à-dire avec autant de lots que de départements. Sur ce, nous nous retrouvons dans la situation sanitaire actuelle que nous connaissons tous et qui a freiné toutes les opérations. Alors que l'opérateur public de démoustication géré par les départements était prêt et avait des moyens suffisants pour démarrer les opérations le moment venu, l'ARS a énormément traîné pour finalement classer sans suite l'appel d'offres.

Ensuite, l'ARS est revenue nous chercher pour nous confier seulement cinq départements, et non les huit départements d'Ile-de-France. Nous nous sommes alliés avec la FREDON Île-de-France pour gérer cette opération de la façon la plus fonctionnelle et opérationnelle possible. Nous n'avons pas très bien compris pourquoi certains des départements qui nous étaient confiés l'année dernière et les années précédentes ont été confiés un opérateur privé, ce qui crée évidemment quelques complications.

Nous savons qu'il y a du moustique tigre puisque nous suivons les signalements sur le site adapté, mais nous n'avons pas encore pu commencer cette opération. Nous allons devoir travailler dans des départements où nous ne travaillions pas les années précédentes, ce qui ne pose aucun problème technique, mais la mise en place sera un peu plus longue le temps d'appréhender les territoires. Nous ne savons pas très bien pourquoi l'attribution a été faite ainsi, alors que tout se passait plutôt bien, à la satisfaction de tout le monde. Il n'y a eu aucun cas autochtone déclaré en Île-de-France.

Parallèlement, dans la région Grand Est, l'ARS a confié six territoires départementaux sur dix à un opérateur privé qui se trouve à 1 000 kilomètres du Grand Est.

Il y a donc un petit problème de compréhension avec ce nouveau rôle de l'ARS. Les départements se sentent certes dégagés financièrement du problème du coût de cette action, mais, du point de vue de la réactivité, un opérateur qui se trouve à 1 000 kilomètres est peut-être moins compétent que nous pour agir. Je ne fais de récrimination d'aucune sorte, ni même sur la compétence technique de l'opérateur privé, mais je trouve que le raisonnement fait par les ARS nous échappe un peu. Je crois qu'on perd en réactivité et en efficacité en confiant cette mission aux ARS.

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