Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 9h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE D'ÉVALUER LES RECHERCHES, LA PRÉVENTION ET LES POLITIQUES PUBLIQUES À MENER CONTRE LA PROPAGATION DES MOUSTIQUES AEDES ET DES MALADIES VECTORIELLES

Jeudi 11 juin 2020

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de Mme Jeanine Dubié, députée)

La commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles procède à l'audition de représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) : M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoit Combes, directeur de l'ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l'Entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère Développement durable au sein de l'ADF.

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Nous allons entendre aujourd'hui des représentants de l'Assemblée des départements de France, M. Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'entente de lutte et d'intervention contre les zoonoses (ELIZ), M. Benoît Combes, directeur de l'ELIZ, M. Rémi Foussadier, directeur de l'entente interdépartementale de démoustication (EID) de Rhône-Alpes, et Mme Alix Mornet, conseillère développement durable à l'ADF.

Depuis la loi de décentralisation du 13 août 2004, les départements disposent d'une compétence de principe en matière de lutte contre les moustiques. Le décret du 29 mars 2019 entreprend de recentraliser cette compétence. Qui doit exercer cette compétence ? Qu'en pensent les départements ?

Madame, messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire d'une dizaine de minutes qui précédera notre échange sous forme de questions et de réponses. Je vous remercie également de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, chacun à votre tour, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'ELIZ

J'interviens aujourd'hui au nom de l'ADF, en tant qu'élu départemental dans le Jura. Je suis vice-président en charge des espaces naturels sensibles, de l'agriculture et du laboratoire départemental. J'interviens également en tant que président de l'entente de lutte et d'intervention contre les zoonoses (ELIZ).

Cet organisme, qui est un établissement public, existe depuis 1973. À l'époque lui a été confiée la mission très importante d'éradiquer la rage sur le territoire national, cette maladie, qui atteignait la race vulpine essentiellement, dont les renards étaient les vecteurs et qui, malheureusement, était un terrible fléau, une épée de Damoclès au-dessus de nos populations. Cette mission contre la rage a été menée avec succès par l'ingestion de vaccins oraux mis à disposition des renards, ce qui a éteint la propagation du virus et a permis l'éradication de cette maladie en 2001.

Ensuite, nous nous sommes occupés d'une importante maladie, pas très fréquente, mais très grave, l'échinococcose alvéolaire, transmise par le renard également. C'est une infestation due à un ver présent dans l'intestin du renard qui, à l'état larvaire, provoque une maladie grave chez l'Homme. Les travaux que nous avons menés sur cette zoonose ont été importants pour comprendre que cette maladie, historiquement cantonnée à l'est de la France, s'étendait pratiquement sur tout le territoire national. Ces cartographies que nous avons mises en place nous ont été confiées par plus d'une quarantaine de départements. Nous savons donc travailler avec les départements pour mener des actions efficaces et homogènes.

Nous nous sommes ensuite occupés de la leptospirose. C'est une maladie transmise par essentiellement par les mammifères rongeurs, une maladie des milieux humides. C'est une maladie qui est grave chez l'Homme, qui affecte essentiellement le monde du sport, des baignades et des jeux nautiques, mais aussi les professionnels qui s'occupent des eaux usées et des eaux pluviales pour nos collectivités.

En ce moment, nous nous occupons d'une importante mission : savoir comment est véhiculée la maladie de Lyme. Les vecteurs sont des tiques et des mammifères sauvages. Nous faisons des études sur la faune sauvage pour mieux comprendre comment ces borrélioses – puisque la borrélie est la bactérie qui transmet cette maladie – sont véhiculées au travers de la faune sauvage et essayer de mieux cerner les différentes sortes de borrélies qui existent dans la nature et qui peuvent peut-être expliquer la symptomatologie très diverse de cette maladie. Rappelons que 33 000 nouveaux cas humains sont détectés chaque année en France. C'est un problème sanitaire majeur.

Enfin, on nous a confié depuis 2017 la lutte anti-vectorielle dans six départements d'Ile-de-France. Nous avons donc rempli notre mission, en mettant au service de la lutte anti-vectorielle les importants moyens humains, techniques et scientifiques qu'il fallait mettre en place.

Au fur et à mesure de notre évolution, les départements qui nous ont confié ces missions ont toujours été satisfaits des prestations que nous leur offrions. Je voulais le souligner parce que, aujourd'hui, nous nous trouvons devant une difficulté qui nous évince dans certains départements de la lutte anti-vectorielle et c'est en partie l'objet de nos échanges de ce matin.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Je dirige l'EID Rhône‑Alpes depuis vingt ans. L'EID Rhône-Alpes est la petite sœur de l'EID Méditerranée que vous avez auditionnée en début de semaine. Comme l'EID Méditerranée, l'EID Rhône-Alpes a été fondée par les départements de l'Ain, de l'Isère et de la Savoie entre 1965-66 et 1970. Le département de Haute-Savoie a rejoint l'EID en 2008 pour des problématiques de moustiques de marais, dans un cadre d'aménagement du territoire.

Nous avions toutefois une petite spécificité en Rhône-Alpes puisque nous intervenions, notamment dans le département du Rhône, majoritairement dans la métropole de Lyon qui s'appelait alors la communauté urbaine de Lyon (COURLY), sur des espèces de moustiques qui ne provenaient pas du tout de marais, mais des moustiques du genre Culex qui sont des moustiques qui vivent à proximité des populations humaines et qui créent des nuisances en plein centre-ville. Ils peuvent transmettre le West Nile, et cela a été le cas à New York à la fin des années quatre-vingt-dix.

Nous avons quatre antennes de manière à pouvoir intervenir le plus rapidement possible et, lorsque la direction générale de la santé (DGS) a souhaité mettre en place une surveillance du moustique tigre, nous avons bien évidemment répondu présents. J'ai d'ailleurs retrouvé un courrier de la DGS, daté d'avril 1998, qui sollicitait l'Agence nationale pour la démoustication et la gestion des espaces naturels démoustiqués (ADEGE) pour une réflexion sur la surveillance d' Aedes albopictus au niveau du territoire métropolitain.

De 1998 à 2006, nous avons simplement participé à des réunions avec la DGS, dans les caves du ministère de la Santé. En 2006, au moment de l'épidémie de chikungunya sur l'île de La Réunion, je suis intervenu sur l'île avec des collègues de l'EID Méditerranée pour essayer de former des agents, notamment des militaires, pour la mise en place d'opérations de la lutte adulticide.

Par la suite, nous avons continué à surveiller en Rhône-Alpes. Nous avons eu une apparition d' Aedes albopictus en 2009 et depuis, nous avons une progression. Nous avons géré depuis à la fois la lutte contre la nuisance liée aux moustiques de marais et la lutte contre la nuisance liée à Aedes albopictus qui est un moustique éminemment nuisant. Certains départements, notamment le département de l'Isère, ont d'ailleurs proposé à un certain nombre de communes d'intégrer le dispositif puisque vous savez que la loi de 1964 relative à la démoustication, pour s'appliquer au niveau local, nécessite la mise en place d'un arrêté préfectoral.

Nous sommes donc progressivement intervenus dans de plus en plus de communes pour cette problématique de lutte contre les nuisances, y compris contre Aedes albopictus. Dans le même temps, nous avions mis en place les opérations de lutte adulticide, de lutte anti-vectorielle autour des cas humains et la surveillance entomologique.

Le décret de l'année dernière a transféré cette gouvernance des départements aux agences régionales de santé (ARS). Depuis cette année, nous sommes l'opérateur de lutte anti-vectorielle de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes et de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté. Pour la partie surveillance entomologique en Bourgogne-Franche-Comté, nous sommes en complément avec la Fédération régionale de lutte et de défense contre les organismes nuisibles (FREDON).

En ce qui concerne la lutte contre la nuisance, nous avons un budget d'à peu près deux millions d'euros, qui fluctue d'une année sur l'autre en fonction des impératifs. Pour ce qui concerne la lutte anti-vectorielle, c'est très fluctuant, pas vraiment pour la surveillance entomologique, mais surtout pour les interventions sur des cas humains. Le budget fluctue entre 200 000 et 250 000 euros par an, en fonction du contexte épidémiologique au niveau international et du nombre de retours de patients virémiques sur le territoire régional.

Dans ce budget, nous avons donc une importante partie liée aux interventions contre la nuisance. Toutefois, cette part liée aux interventions dans le cadre de la nuisance était à l'origine consacrée pratiquement à 100 % aux moustiques de marais. Maintenant, nous faisons plutôt les deux tiers de nos interventions sur les moustiques de marais parce que cela nécessite des interventions avec des moyens aériens, des hélicoptères en ce qui nous concerne, mais un tiers de nos interventions sont liées au moustique tigre.

C'est un moustique extrêmement nuisant. Ce que demandent les populations aux municipalités ou aux départements, c'est de régler cette nuisance qui est soudaine. Il n'y a plus de culture, au moins en Rhône-Alpes, sur les gestes de prévention qui permettent d'éviter le développement du moustique tigre. C'est une problématique qui est en augmentation constante.

L'EID a participé au sein de l'ADEGE à un certain nombre de travaux ainsi qu'au Centre national d'expertise sur les vecteurs (CNEV). Nous avons contribué à la rédaction d'un certain nombre de guides, notamment le guide à l'attention des collectivités territoriales, ainsi qu'à un guide sur la mobilisation sociale. Depuis 20 ans qu'existe en France métropolitaine la problématique des Aedes albopictus, l'EID Rhône-Alpes, comme toutes les EID, s'est largement investie dans cette problématique et pas forcément contre rémunération. Je vous rappelle que le CNEV était un consortium bénévole et que les premières réunions que nous avons eues avec le ministère de la Santé avaient aussi lieu dans le cadre du bénévolat. Une convention est arrivée ensuite.

Nous avons participé à la rédaction du plan de lutte contre les arboviroses qui, à l'origine, s'appelait le plan anti-dissémination de la dengue et du chikungunya. Cela démontre que les EID et les opérateurs publics en charge de la lutte contre les moustiques sont quand même, depuis le début, largement investis dans cette problématique de lutte contre Aedes albopictus pour limiter sa propagation et les problèmes que cela peut engendrer.

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

L'ADF s'est saisie de ce sujet depuis 2017, notamment par un courrier de Dominique Bussereau, président de l'ADF, à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé et à Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, pour les alerter sur l'augmentation des moyens qui était nécessaire pour opérer la lutte anti-vectorielle au sein des territoires, sachant que c'était une compétence obligatoire des départements et que, en tant que création de compétences, elle n'avait pas fait l'objet de transfert de charges.

Lors de la concertation sur le projet de réforme de la gouvernance de la lutte anti-vectorielle, l'ADF a créé un groupe de travail ad hoc sur ce sujet, qui est indépendant de la commission environnement dont je m'occupe. Nous avons eu l'occasion d'auditionner et de nous concerter avec la DGS et d'émettre des recommandations qui n'ont pas toujours été prises en compte.

C'est aujourd'hui l'occasion d'en reparler ensemble, notamment du point que nous avions mis en avant en priorité, qui était de ne surtout pas fragiliser les opérateurs qui sont des émanations des départements, de ne fragiliser ni leur savoir-faire ni leur caractère opérationnel dans la mise en œuvre de cette politique publique.

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Par rapport à votre intervention, nous voyons bien qu'il y a d'un côté une compétence nouvelle des départements et, en même temps, une recentralisation avec une mission confiée au niveau des ARS. Comment s'est passé ce moment charnière ? Les départements travaillent-ils en collaboration avec l'ARS ou y a-t-il de la tension ?

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

Cette réforme est toute jeune. Elle est entrée en vigueur dans la majeure partie du territoire au 1er janvier dernier.

Les relations entre les ARS et les départements dépendent bien souvent des ARS, c'est-à-dire que les ARS sont des institutions qui se sont vu confier une mission particulière, très spécifique, sans forcément de montée en compétences et sans moyens humains. Certaines s'appuient sur les opérateurs historiques, sur les savoir-faire de ses opérateurs tandis que d'autres ont peut-être plus de difficultés à entrer en relation et à faire confiance aux professionnels qui étaient chargés de cette politique publique auparavant.

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C'est peut-être, monsieur Foussadier, ce qu'il s'est passé avec l'ARS Occitanie, lors de l'appel d'offres.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé en Occitanie. Nous avons toujours eu avec l'ARS, et même avec les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) à l'époque, de très bonnes relations et ces relations perdurent. Nous avons même mis en place un certain nombre de dispositifs grâce à des financements du fonds d'intervention régional (FIR).

En Occitanie, la fusion de deux régions, dont l'une, le Languedoc-Roussillon, avait la culture du moustique, tandis que l'autre ne l'avait pas, a créé une première difficulté. La deuxième difficulté se trouve plus dans le mécanisme de passation. Que ce soit en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Bourgogne-Franche-Comté, le souhait des deux ARS a été d'avoir un opérateur unique régional pour une mission unique. Ce choix n'a pas été le même en Occitanie où il y avait une gestion départementale.

En tant qu'opérateur public, nous aimons avoir une vision globale et, techniquement, je pense que c'est nécessaire. Pour la nuisance, le niveau départemental et le niveau communal constituent le bon niveau parce que le moustique se déplace peu. Pour la partie lutte anti-vectorielle, ce n'est pas le moustique qui se déplace, mais ce sont les malades et il faut que nous ayons une vision supra-départementale. Il fallait pouvoir travailler au niveau régional.

Pour la surveillance entomologique, il faut suivre l'évolution du moustique dans un grand nombre de territoires. Si on prend l'exemple d'Auvergne-Rhône-Alpes, nous le suivons le long de la vallée du Rhône. Nous venons de nous apercevoir qu'il arrive par l'ouest, par le département du Cantal.

Il faut donc avoir cette vision globale. À partir du moment où les allotissements de marchés sont faits soit par mission, soit par département, un opérateur qui a l'habitude de travailler à une échelle beaucoup plus grande pour cette lutte anti-vectorielle n'arrive pas à se fondre dans le moule. Je pense que c'est une partie des difficultés : d'une part cette absence de culture d'une partie de cette nouvelle grande région, d'autre part cette gestion très administrative d'un dossier qui aurait peut-être nécessité d'avoir une vision plutôt au niveau régional.

C'est pour cela que dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), l'EID Méditerranée est l'unique opérateur de l'ARS PACA : le marché a été passé au niveau régional, et non au niveau départemental.

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Depuis la loi de décentralisation du 13 août 2004, les départements disposent d'une compétence de principe en matière de lutte contre les moustiques. Le cadre législatif autorise toutefois une intervention de l'État, notamment en matière de lutte contre les moustiques vecteurs. Dans quelle mesure les départements exercent-ils aujourd'hui leurs compétences ?

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

La loi de décentralisation de 2004 a simplement transféré aux départements une compétence correspondant à la lutte anti-vectorielle qui appartenait auparavant à l'État. Les départements, notamment les départements de l'EID Rhône-Alpes et les anciens départements de l'EID Atlantique, exerçaient déjà une compétence facultative sur les nuisances de moustiques.

Ils continuent dans ces zones où il y avait un opérateur historique. Ainsi, par exemple, le département de Charente-Maritime continue, malgré la disparition de l'EID Atlantique, à assumer ces actions en régie.

Un certain nombre de départements ont souhaité mettre en place un opérateur public, tel que les EID dont nous venons de parler, ou confier des missions à l'ELIZ. Ils sont toujours dans cette dynamique. Il n'y a pas vraiment eu de rupture. La seule chose nouvelle a été cet article 72 de la loi du 13 août 2004 et le décret d'application qui sont venus modifier le décret d'application de la loi de 1964 relative à la lutte contre les moustiques. Ils ont confié cette nouvelle compétence au département. Il a fallu que les départements s'en saisissent puisque le moustique tigre arrivait et qu'il y avait de plus en plus de cas.

Toutefois, pour ce qui concerne la compétence de démoustication et non de lutte anti-vectorielle, les départements qui en ont besoin continuent à assurer cette mission, que ce soit pour des moustiques de marais ou, comme l'Isère, pour intégrer de plus en plus de communes dans ce dispositif pour répondre à une nuisance. Il n'y a pas eu de discontinuité.

Par contre, le décret est venu perturber la situation puisque les opérateurs historiques dans lesquels les départements avaient confiance se sont vu retirer cette compétence de la lutte anti-vectorielle. Nous y reviendrons peut-être plus tard, on peut disjoindre un peu les deux, mais il y a quand même des synergies, notamment en termes de technicité, qui sont importantes entre la lutte de confort et la lutte anti-vectorielle.

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Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'ELIZ

Je voulais ajouter que, en 2004, lorsque le premier cas de moustique tigre a été détecté sur le territoire national, cette loi est venue, un peu dans l'urgence, confier légitimement aux départements les compétences de la démoustication et de la lutte anti-vectorielle. C'est vrai qu'il faut bien distinguer les deux volets de cette lutte contre les moustiques : la lutte dite de confort qui vient d'être largement expliquée par M. Foussadier et la lutte anti-vectorielle où il y a un danger pour la santé publique, avec une transmission de plusieurs virus que nous connaissons aujourd'hui bien et peut-être demain d'autres virus qui pourront apparaître.

Cette mission de santé publique est normalement une mission régalienne de l'État. Elle a été confiée en 2004 aux départements, lesquels ont complètement réussi leur mission en s'entourant d'opérateurs publics de démoustication qui étaient fiables, qui ont su mettre sur le terrain leurs apports de sérieux, de savoir-faire. En ce qui concerne notre établissement public de l'ELIZ, notre savoir-faire était déjà démontré et redémontré. Ces opérateurs ont aussi su mettre de la technicité et surtout de la réactivité parce que, dans ce contexte sanitaire, la réactivité est essentielle pour pouvoir être efficace.

Les départements ont su faire. Ils ont su aussi financer : pour leurs finances, c'était quelque chose de très conséquent. Ils ont financé toutes ces opérations, que ce soient les luttes de confort ou les luttes anti-vectorielles.

Aujourd'hui, avec la nouvelle gouvernance de la lutte anti-vectorielle, je pense que les départements voient d'un assez bon œil cette recentralisation, du fait de ne plus devoir financer cette action qui incombait à l'État.

En tout cas, de 2004 à 2020, les départements ont su exercer cette compétence pleinement, en s'entourant d'établissements publics de démoustication et ces établissements publics, que je sache, ont partout donné satisfaction.

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Benoît Combes, directeur de l'ELIZ

En Ile-de-France, l'ELIZ a été déclarée opérateur public de démoustication en 2017 pour pouvoir œuvrer en 2018 et en 2019 dans plusieurs départements.

L'origine de cette décision vient de la découverte du moustique tigre sur des îles au bord de la Marne, dans le département du Val-de-Marne ; l'EID Méditerranée, qui était chargée de la surveillance de l'apparition de ces moustiques dans les autres départements, a ensuite trouvé ce moustique dans des communes des Hauts-de-Seine. L'Ile-de-France est très urbanisée, ce qui favorise énormément la présence du moustique tigre. Il est tout à fait adapté au milieu urbain et y passe la majeure partie de son existence, si ce n'est la totalité.

Depuis 2017, six départements nous ont confié ce rôle de lutte. Je crois qu'ils nous l'ont confié, car, du fait des jeux Olympiques de Rio en 2016, on craignait une arrivée massive de Zika sur les territoires d'Île-de-France suite au retour des gens qui étaient allés voir les Jeux olympiques ou y participer éventuellement. Les départements ont donc été contraints par la préfecture de région de créer une entente interdépartementale de démoustication, à l'instar des ententes existantes comme l'EID Méditerranée, l'EID Rhône-Alpes ou l'EID Atlantique.

Le budget envisagé par la préfecture était très conséquent. Parmi les départements, trois étaient adhérents à l'entente et avaient déjà mené un certain nombre d'actions sur les pathologies dont le président a parlé précédemment. Notre réputation de savoir coordonner les travaux à l'échelle interdépartementale, puisque nous sommes arrivés à coordonner et à faire exactement la même chose dans une quarantaine de départements sur les différents sujets qui ont été abordés, a incité les départements d'Ile-de-France à nous confier cette mission.

Nous sommes donc devenus en 2017 un opérateur public de démoustication et nous avons travaillé bien évidemment de façon très régulière avec les ARS, chacun étant chargé de sa partie. Le suivi des cas humains, notamment, était parfaitement mené par l'ARS, parfois avec un temps de retard dans l'arrivée de l'information sur l'apparition de certains cas humains. Nous nous chargions de gérer la surveillance du moustique tigre, la constatation de son développement dans différentes communes et de veiller à suivre ces cas humains comme l'a détaillé M. Foussadier précédemment.

L'année dernière en Ile-de-France, 42 cas de personnes ont nécessité la visite de plusieurs sites pour contrôler la présence du moustique tigre. Nous avons effectué très peu de traitement, trois traitements.

Je voudrais signaler à ce propos l'intérêt de la prévention et de la diffusion de la communication qui est réalisée par les équipes sur le terrain. Quand nous avons un signalement d'un cas humain, l'équipe va prospecter autour du domicile, autour de tous les lieux où la personne a résidé pendant suffisamment longtemps pour pouvoir être piquée par un moustique tigre. Si nous trouvons la présence de moustique tigre adulte, nous lançons une opération de traitement. Auparavant, nous passons auprès de toutes les maisons, de tous les lieux de résidence. Nous mettons des affiches, nous expliquons à toutes les personnes qu'il est très important de faire cette lutte. Nous faisons une vraie communication locale, de terrain qui est vraiment très importante, qui est un facteur majeur de réussite de l'opération. En effet, nous faisons le traitement avec un produit adulticide et, même si la nébulisation effectuée par les machines que nous utilisons permet de bien disperser dans l'air l'insecticide, nous ne pouvons pas atteindre tous les sites qui seraient potentiellement favorables aux moustiques. C'est aux personnes habitant autour de ce cas humain de se débarrasser de tous les sites qui peuvent permettre à des femelles de pondre. Cette prévention est vraiment très importante.

L'opération nécessite également une coopération avec l'ARS, qui intervient auprès de la préfecture pour nous faire donner l'autorisation d'intervenir dans le périmètre que nous avons proposé. Enfin, nous faisons un compte rendu à la préfecture et à l'ARS dès la fin de l'opération.

Cette relation, en tout cas en Île-de-France, fonctionnait bien. Depuis 2020, nous sommes confrontés à une nouvelle situation. Il faut travailler au niveau régional ; l'ARS lance un marché alloti, c'est-à-dire avec autant de lots que de départements. Sur ce, nous nous retrouvons dans la situation sanitaire actuelle que nous connaissons tous et qui a freiné toutes les opérations. Alors que l'opérateur public de démoustication géré par les départements était prêt et avait des moyens suffisants pour démarrer les opérations le moment venu, l'ARS a énormément traîné pour finalement classer sans suite l'appel d'offres.

Ensuite, l'ARS est revenue nous chercher pour nous confier seulement cinq départements, et non les huit départements d'Ile-de-France. Nous nous sommes alliés avec la FREDON Île-de-France pour gérer cette opération de la façon la plus fonctionnelle et opérationnelle possible. Nous n'avons pas très bien compris pourquoi certains des départements qui nous étaient confiés l'année dernière et les années précédentes ont été confiés un opérateur privé, ce qui crée évidemment quelques complications.

Nous savons qu'il y a du moustique tigre puisque nous suivons les signalements sur le site adapté, mais nous n'avons pas encore pu commencer cette opération. Nous allons devoir travailler dans des départements où nous ne travaillions pas les années précédentes, ce qui ne pose aucun problème technique, mais la mise en place sera un peu plus longue le temps d'appréhender les territoires. Nous ne savons pas très bien pourquoi l'attribution a été faite ainsi, alors que tout se passait plutôt bien, à la satisfaction de tout le monde. Il n'y a eu aucun cas autochtone déclaré en Île-de-France.

Parallèlement, dans la région Grand Est, l'ARS a confié six territoires départementaux sur dix à un opérateur privé qui se trouve à 1 000 kilomètres du Grand Est.

Il y a donc un petit problème de compréhension avec ce nouveau rôle de l'ARS. Les départements se sentent certes dégagés financièrement du problème du coût de cette action, mais, du point de vue de la réactivité, un opérateur qui se trouve à 1 000 kilomètres est peut-être moins compétent que nous pour agir. Je ne fais de récrimination d'aucune sorte, ni même sur la compétence technique de l'opérateur privé, mais je trouve que le raisonnement fait par les ARS nous échappe un peu. Je crois qu'on perd en réactivité et en efficacité en confiant cette mission aux ARS.

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Si j'ai bien compris, les départements n'ont pas rencontré des difficultés dans l'interprétation et la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires de la loi de 2004. Mais avez-vous connaissance des difficultés spécifiques rencontrées par les territoires ultramarins ?

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

L'organisation ultramarine est beaucoup plus hétérogène que l'organisation en métropole.

À La Réunion et la Guadeloupe, la lutte anti-vectorielle repose sur l'État au moyen des ARS et est complètement financée par l'État.

En Martinique, c'est un système hybride où la collectivité territoriale dispose d'un groupement d'intérêt public (GIP) en commun avec l'État et le financement de cette politique publique est partagé.

La difficulté est plutôt pour la collectivité territoriale de Guyane, qui a un service de démoustication complètement en régie. Elle finance à 100 % sa politique de démoustication qui est très importante.

J'ajoute que le décret du 29 mars 2019 prévoit une entrée en vigueur différenciée, notamment pour ces deux derniers territoires, la Martinique et la Guyane. Ce financement via les ARS ne sera effectif qu'à partir du 1er janvier 2023. Ces territoires peuvent légitimement interpréter cette différenciation comme une rupture d'égalité, et je pense que c'est une difficulté.

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À votre avis, peut-on séparer l'exercice d'une compétence de démoustication de confort de l'exercice d'une compétence de lutte contre les vecteurs ?

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Oui, comme je le disais tout à l'heure, il existe une différence, ne serait-ce qu'en termes de territoire.

En ce qui concerne Aedes albopictus, la problématique du confort se pose à l'échelon communal, voire à l'échelon du quartier, parce que c'est un moustique qui se déplace peu. Quand nous intervenons dans ces communes pour le compte du département, nous n'intervenons pas forcément de la même façon dans tous les quartiers parce que la problématique n'est pas exactement la même.

Toutefois, ce même insecte engendre une problématique de lutte anti-vectorielle et cette problématique de lutte anti-vectorielle est à voir à une échelle différente, à l'échelle régionale, tout simplement pour pouvoir suivre la surveillance entomologique.

Une surveillance entomologique aussi pointue n'est pas nécessaire pour la lutte de confort parce que nous avons la population. Ainsi, l'EID Rhône-Alpes travaille avec la population. Nous mettons en place des formations dans les écoles, au niveau du périscolaire, nous travaillons avec des associations de jardiniers ou autres.

Nous ne faisons pas ainsi pour la lutte anti-vectorielle parce que, dans le cadre de la lutte anti-vectorielle, soit vous faites de la surveillance, soit vous avez un cas humain. À ce moment-là, il faut intervenir, venir vite, rapidement et fort, mais sur un point particulier. Vous connaissez le protocole, nous intervenons dans un rayon de 150 mètres.

Pendant la période de confinement, comme des personnes sont revenues de zones de circulation de dengue, nous avons eu des cas de dengue. Nous intervenons vraiment à l'endroit concerné et ensuite, nous n'y reviendrons plus. S'il y a besoin de faire des traitements dans la foulée, nous vérifions dans les 48 heures qui suivent qu'il n'y a plus de moustiques adultes, sachant qu'il n'y a pas, dans le cas du chikungunya et du Zika, de transmission des pathogènes de la femelle moustique à sa descendance. Nous vérifions donc simplement qu'il n'y a plus de moustiques adultes puis nous nous en allons.

Au contraire, dans le cadre de la lutte de confort, nous ne traitons pas les moustiques adultes. Nous traitons au niveau des larves et, auparavant, nous faisons ce que nous appelions autrefois les gestes de bonnes pratiques que nous renommons actuellement les gestes barrières : vider, couvrir, ranger. Ce sont les trois gestes importants.

Nous utilisons donc des échelles différentes. Lors d'une information aux populations, dans le cadre de la lutte de confort, nous ne leur parlons pas de la maladie parce qu'elles n'y sont pas confrontées, mais nous leur parlons de la nuisance qu'elles rencontrent au quotidien. Par contre, dans le cadre d'une personne qui revient d'une zone de circulation et qui a la dengue, nous faisons du porte-à-porte pour vérifier la présence du moustique ou pas, nous expliquons qu'il y a un cas de dengue dans le voisinage et que nous venons pour vérifier.

De la même façon, nous utilisons des traitements adulticides dans le cadre de la lutte anti-vectorielle pour éviter la transmission, mais nous ne les utilisons pas pour la lutte de confort. Nous faisons plutôt de la mobilisation sociale avec de la lutte physique contre les gîtes, éventuellement du piégeage.

Nous avons donc des techniques différentes et des échelles différentes. Ce n'est pas antinomique d'avoir des structures différentes qui font, dans un cas, de la lutte anti-vectorielle et, dans d'autres cas, de la lutte de confort. Ceci étant dit, nous avons besoin d'avoir des entomologistes. Avoir la même structure qui fait les deux, comme c'est le cas chez nous, permet tout de même une synergie de moyens puisque n'importe qui n'est pas capable d'aller frapper à la porte d'une personne en disant : « Bonjour, Madame, nous venons chez vous pour voir s'il y a du moustique tigre. » Même si la finalité n'est pas la même, nous le faisons aussi bien dans la partie lutte anti-vectorielle que dans la partie lutte de confort. Ce ne sont pas deux fonctions radicalement différentes, mais cela aide lorsque c'est une même et unique structure qui le fait.

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Sur la question des ARS, je pense que cela dépend énormément des personnes. D'une ARS à l'autre et d'un président de département à un autre, ce ne sont pas du tout les mêmes rapports. En revanche, je pense que nous ne pouvons pas envisager de lutter efficacement contre les maladies vectorielles l'un sans l'autre. Même s'il est de bon ton en ce moment pour certains élus de collectivités territoriales de vouloir récupérer des compétences des ARS, l'interface avec les grandes compétences de Santé publique France, qui sont finalement assez rares en France et doivent donc être partagées sur le territoire, me paraît être un point à souligner, typiquement dans le cadre des maladies vectorielles. Il y a intérêt, à mon sens, à ne pas trop régionaliser ni les compétences ni in fine les actions.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

J'ai personnellement une grosse crainte liée à une régionalisation excessive. Nous avions, du temps de la convention avec la DGS, une supervision de l'ensemble et une organisation permettant de suivre au niveau national l'apparition de résistances. Nous avions une coordination nationale qui permettait à chaque opérateur de voir ce qu'il se passait ailleurs.

Je parlais tout à l'heure du Cantal ; ce n'est pas anecdotique. Je ne m'attendais absolument pas à voir l'apparition du moustique tigre dans la commune de Maurs, dans le Cantal, à l'extrémité ouest de la région Auvergne-Rhône-Alpes. C'est tout simplement parce qu'il arrive depuis le Lot par des circuits de circulation.

Le transfert de la charge financière des départements à l'État est, je pense, une bonne chose. Toutefois, les choses auraient pu être montées différemment parce que d'autres espèces exotiques envahissantes sont déjà présentes. Aedes japonicus est déjà installé en France et Aedes koreicus en Belgique, qui n'est pas très loin. La compétence vectorielle de ces moustiques n'est pas très claire et jusqu'à présent, comme je le disais en propos liminaires, l'État s'est beaucoup appuyé sur les opérateurs publics pour réfléchir et pour monter les dispositifs. Dans le dispositif actuel, nous risquons une perte de compétences extrêmement importante, d'autant plus importante que ce ne sont plus les opérateurs publics qui ont la charge de la lutte anti-vectorielle et donc, au niveau de chacun des opérateurs, nous avons cette perte de compétences, mais nous avons aussi une perte parce que je n'ai pas encore compris comment s'organisait la coordination nationale dans le dispositif avec les ARS.

Nous sommes dans un entre-deux et c'est cet entre-deux qui m'inquiète.

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La semaine dernière, dans le cadre d'une table ronde, la délégation aux collectivités territoriales du Sénat a présenté un bilan très critique de la coordination entre les collectivités territoriales et les ARS. Quelles interactions les départements ont-ils avec les ARS en matière de lutte anti-vectorielle, avec les communes et avec les préfets ?

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Les départements ont un peu de mal à se positionner actuellement entre la loi du 16 décembre 1964, qui reste écrite telle qu'elle l'était en 2019, et le transfert réglementaire de la compétence de la lutte anti-vectorielle. Cette lutte anti-vectorielle ne constitue qu'une partie du 2° du premier article de la loi de 1964. Il y a aussi la partie communication. Comment communique-t-on ? Comment fait-on des actions de formation ? Tout cela n'est pas évoqué.

Les départements ont donc un peu de mal à se positionner sur l'articulation entre le schéma législatif qui continue à exister et le schéma réglementaire qui est apparu avec le décret du 29 mars 2019.

Ensuite, dans l'ancien dispositif, nous avions des cellules de gestion qui étaient coprésidées par le département et le préfet. Ce n'était peut-être pas le dispositif le plus efficace, mais c'était au moins un lieu d'échanges, de discussion. Je ne sais pas si ces cellules de gestion continuent à exister.

Je vais assister à la réunion de la cellule de gestion de la Côte d'Or la semaine prochaine ; à mon sens, elle ne sera plus présidée que par le préfet. Nous perdons donc cette relation entre le département et le préfet, ne serait-ce que par cette disparition du copilotage de la cellule de gestion. Cette cellule de gestion était quand même censée organiser l'action – pas les actions ponctuelles autour d'un cas bien sûr – au niveau du territoire départemental.

Cela permettait de faire discuter les services de l'État, la préfecture et l'ARS, les services du département et également, un certain nombre d'invités, tels que des opérateurs privés particuliers… Je pense par exemple à l'Ardèche où la cellule invitait l'association des établissements de loisirs de plein air, c'est-à-dire les campings. Dans d'autres cellules, étaient invitées des communes qui étaient très colonisées. Où est cette instance d'échange maintenant ? Personne n'en sait rien.

Dans le 3° du premier article de la loi du 16 décembre 1964, les départements peuvent mettre en place des actions de démoustication qui sont liées à un arrêté préfectoral. Il reste quand même une discussion entre le département et l'ARS, ne serait-ce que quand les départements souhaitent mettre en place des opérations de démoustication sur un territoire identifié ; mais, dans le cadre de la lutte anti-vectorielle, nous avons perdu cette relation qui se faisait au travers de la cellule de gestion.

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Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'ELIZ

Les ARS ont une mission totalement légitime qui est la surveillance épidémiologique de ces zoonoses, de ces maladies transmises par des vecteurs. C'est leur fonds de commerce et c'est leur raison d'être sauf que, dans la crise sanitaire que nous vivons actuellement, nous avons quand même connu des problèmes de réactivité, pour les prises de décision urgentes. Je pense à nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec des tests que nous attendions pour nos soignants et qui n'arrivaient pas par manque de décision, par manque de réactivité.

C'est pourquoi, tout en concédant aux ARS la surveillance épidémiologique d'une infection, la surveillance entomologique, pour le cas du moustique tigre qui nous intéresse, devrait à mon sens être confiée à des opérateurs de terrain, de proximité.

J'entends bien, comme l'a dit M. Foussadier, que l'échelle départementale n'est pas la bonne échelle pour la lutte anti-vectorielle parce que ce sont les patients qui peuvent véhiculer les maladies et qu'ils ne s'arrêtent pas aux limites départementales. Par contre, pour tout ce qui est lutte de confort, l'échelle départementale est complètement pertinente. Qui mieux qu'un département connaît son territoire en matière de moustiques, d'inconfort pour ses habitants, pour ses touristes, pour ses loisirs de nature ? Le département est complètement compétent pour continuer à assurer cette compétence.

Par contre, pour le citoyen, il y aura sans doute un manque de lisibilité évident. Si les ARS continuent d'exercer la compétence lutte anti-vectorielle tandis que les départements peuvent continuer celle de la lutte de démoustication, il ne sera pas évident pour le citoyen de se repérer pour savoir qui doit s'occuper de quoi. C'est pourquoi cette compétence scindée, partagée doit être efficacement menée par des opérateurs publics ou privés.

Quand les opérateurs publics n'existent pas, il n'y a pas de raison pour que les opérateurs privés ne puissent pas se mettre sur ces marchés. Mais quand les opérateurs publics existent, qu'ils fonctionnent bien et que leurs missions sont correctement remplies, je pense qu'on fait un pas en arrière en concédant la mission à des opérateurs privés, a fortiori des opérateurs privés qui ont parfois de faibles capacités en termes de ressources humaines ou de proximité. Je ne parle pas de la technicité ni de la compétence scientifique, mais je trouve qu'on rebat des cartes qu'il n'y a peut-être pas lieu de rebattre en termes d'efficacité et de réactivité.

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L'EID Atlantique a été dissoute au 1er janvier 2020, comme vous le savez, au motif notamment que la coordination était rendue difficile par l'appartenance des membres à trois régions différentes, donc trois agences régionales de santé différentes. Disposez-vous d'informations supplémentaires à ce sujet ? Quel regard portez-vous sur cette dissolution ?

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

Je pense que plusieurs facteurs l'expliquent. Il y a l'impact psychologique de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) qui a fait une large place aux intercommunalités pour l'exercice de la compétence de démoustication. Certains départements de l'EID Atlantique ont considéré que cette compétence pouvait revenir aux intercommunalités.

Ensuite, il y a l'impact du décret du 29 mars 2019 qui a dessaisi les départements de leurs compétences obligatoires en matière de lutte anti-vectorielle, ce qui a poussé les départements à quitter cette entente.

De plus, les départements sont contraints par le « Pacte de Cahors » à un objectif d'évolution de dépenses réelles de fonctionnement de 1,2 %. Cela contraint la majorité d'entre eux, les moins aisés, à réinterroger les compétences qu'ils exercent de façon facultative. Je pense que ce facteur a conduit les départements à se désolidariser de cette entente.

Ce n'est pas vrai pour tous les départements, puisque la Charente et la Charente-Maritime continuent d'avoir une politique de démoustication, mais les autres n'ont pas fait ce choix.

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J'ai une question à poser, notamment à vous, Monsieur Foussadier et Monsieur David. Dans le cadre de vos missions, quelle est votre articulation avec les agences nationales ? Je pense à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), à Santé publique France. Je voudrais savoir si, dans le cadre de vos travaux, vous avez des liens avec des organismes qui sont chargés de santé environnementale.

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Benoît Combes, directeur de l'ELIZ

L'Anses, notamment sa délégation nancéenne qui est l'ancien centre d'études sur la rage, est notre collaborateur pour la plupart des actions que nous avons menées sur les différents sujets qui ont été abordés. Actuellement, nous avons aussi des relations de coopération avec l'Anses de Maisons-Alfort pour le programme sur les maladies vectorielles, notamment sur la maladie de Lyme sur laquelle nous travaillons. Le lien avec l'Anses est donc présent et permanent depuis l'existence de l'un et de l'autre de ces établissements.

Nous travaillons aussi en relation avec toutes les universités et les grands centres de recherche – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Centre national pour la recherche scientifique (CNRS), l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) – avec lesquels nous sommes impliqués conventionnellement.

Concernant les relations avec l'État, les départements unis au sein de l'ELIZ travaillent donc en permanence en coopération. C'est à chaque fois spécifiquement sur des sujets particuliers, mais c'est en permanence en relation avec les institutions nationales et les institutions réglementaires.

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Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'ELIZ

Les recommandations de l'Anses au sujet de la modification de la gouvernance de la lutte anti-vectorielle étaient, chaque fois que les opérateurs publics existaient sur les territoires, de continuer de leur confier les missions qu'ils avaient auparavant. Je pense que cela a été largement exprimé au cours de l'année 2019.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Sur la partie augmentation de l'Anses, je souscris tout à fait à ce que M. le président a dit, mais j'ai un vécu un petit peu différent.

Les EID se sont beaucoup investies dans le Centre national d'expetise sur les vecteurs (CNEV). Lors de sa dissolution, les missions du CNEV ont été reprises par l'Anses qui a mis en place un groupe sur les vecteurs. Il y a eu un appel à candidature d'experts pour participer à ce groupe de travail et toutes les candidatures émanant des EID ont été rejetées au motif que nous étions juge et partie.

Lors de la première présentation des travaux de ce groupe de travail, en Martinique, il y a deux ou trois ans, j'avais d'ailleurs fait une sortie un petit peu véhémente parce que les opérateurs publics avaient tout simplement été oubliés dans l'exposé.

Je pense quand même que les opérateurs publics ont beaucoup contribué à la lutte. Nous avons eu des cas autochtones de dengue, de chikungunya ou de West Nile en France métropolitaine, mais, si on compare à ce qui s'est passé en Italie, en Lombardie ou plus récemment dans le Latium, nous sommes quand même sur des niveaux de transmission nettement plus faibles. Je pense que nous le devons au dispositif mis en place par le ministère de la Santé, au plan de lutte contre les arboviroses, mais nous le devons aussi aux opérateurs publics.

Considérer que, parce que nous sommes un établissement qui s'investit dans la lutte anti-vectorielle, nous ne pouvons pas être experts au niveau de l'Anses parce que nous sommes juge et partie, c'est quand même un peu fort de café. Il y a également eu un groupe de travail sur la résistance et j'ai reçu une proposition, je n'ai tout simplement pas répondu au dossier parce que je me suis dit que ce n'était pas la peine.

Ceci étant dit, nous avons d'autres relations. Le ministère de la Santé a mis en place, il y a un certain nombre d'années, un site de signalement « signalement-moustique » qui a été repris par l'Anses et qui s'appuie sur les sciences participatives. Il s'agit de veille citoyenne et ce site permet de compléter avantageusement la surveillance entomologique. L'Anses nous a questionnés pour faire évoluer le site. Nous avons répondu, mais j'ai trouvé que ce rejet de nos candidatures pour faire partie du groupe de travail sur les vecteurs était quand même un petit peu fort.

Du temps du CNEV, il y avait des rapports réguliers sur un certain nombre de dispositifs. Le dispositif à destination des collectivités territoriales et des communes pour les aider à gérer la problématique du moustique tigre était un élément important, tout comme celui sur la mobilisation sociale. Ce transfert me semble donc être préjudiciable.

Ceci étant dit, par l'intermédiaire de financements attribués par l'Anses à des travaux de recherche, nous travaillons avec l'université de Grenoble sur un certain nombre de travaux financés. Nous avons de bonnes relations, mais le fait de nous avoir envoyé une fin de non‑recevoir quand nous avons voulu continuer à nous investir dans les thématiques sur lesquelles nous nous nous étions investis pendant vingt ans, cela restera toujours une tâche. Je le dis comme je le pense.

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Je rebondis, Monsieur Foussadier, sur ce que vous venez de dire concernant le transfert de compétences du CNEV à l'Anses. Ma question concerne ce qui se passe dans les territoires d'outre-mer, où les départements ont à gérer deux épidémies en même temps, la dengue et la Covid-19 sachant que, dans la majorité des territoires, en tout cas dans l'océan Indien, la dengue a impacté la population plus que le Covid-19. Pensez-vous qu'une structure comme le CNEV, une agence quelconque qui s'occupe des arboviroses en général, serait plus utile ?

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Je ne sais pas. Il y a un besoin, c'est évident. Est-ce sous forme d'une agence dissociée ou sous forme de l'Anses ? Je ne sais pas. Je pense que la force de frappe qui faisait le CNEV semble manquer.

À l'époque du CNEV, même si c'est compliqué de toujours faire référence au passé, nous avions des rapports beaucoup plus réguliers. Actuellement, ne serait-ce que pour les travaux du groupe de travail sur les vecteurs de l'Anses, nous avons une présentation une fois par an, qui doit durer une demi-heure. C'est à peu près tout. J'ai voulu retrouver d'anciens rapports du CNEV sur le site de l'Anses et j'ai eu du mal. J'ai aussi eu du mal à trouver les nouvelles productions de l'Anses : peut-être que ces productions ne sont pas publiques, tout simplement.

Nous avions une habitude de travail. Je pense que cet aspect collaboratif est extrêmement intéressant. Une autre structure a été mise en place, mais, sans parler d'évaluation en tant que telle, j'ai du mal à dire quel travail elle fait. Pour moi, cela reste un peu opaque, en dehors d'un coup de fil lié au site de signalement ou d'une présentation d'une demi-heure ou de trois quarts d'heure une fois par an.

Ceci étant dit, je pense qu'il y a un vrai besoin de travail sur la lutte anti-vectorielle et sur les vecteurs en France, pas seulement sur les moustiques, mais aussi sur la maladie de Lyme par exemple. Je crois que l'Anses a un département extrêmement développé sur les vecteurs en santé du végétal. Le Vectopole à Montpellier est aussi quelque chose d'extrêmement intéressant. Il fonctionne sous forme d'un consortium, comme l'Anses. Il est certain que la France, pour ses territoires ultramarins, mais pour la métropole aussi, a besoin de renforcer ses compétences.

Je rebondis sur la problématique des compétences. Compétences signifie qu'il faut avoir des gens formés et nous ne pouvons que regretter qu'il n'y ait plus de master en entomologie médicale. Je crois que c'est une remarque que le professeur Anna-Bella Failloux vous a déjà faite. Nous sommes clairement dans une situation dans laquelle nous sommes en train de perdre un certain nombre de compétences.

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Je souhaiterais connaître la position de l'ADF sur la nouvelle répartition des compétences proposée par le texte adopté au Sénat en première lecture en janvier.

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

Concernant ce texte, la position de l'ADF est de maintenir une compétence facultative, uniquement ciblée sur la démoustication de confort, qui ne fasse pas partie d'un dispositif global de démoustication et de lutte anti-vectorielle.

C'est une position qui n'est peut-être pas judicieuse du point de vue de l'efficacité d'une politique publique. En revanche, financièrement, c'est la position que nous devons soutenir parce que, en l'état actuel des principes généraux de compensation des charges financières, ces politiques publiques ne seront pas financées par l'État.

La démoustication de confort sur du moustique tigre est très coûteuse puisque cela demande énormément de moyens en personnel, et c'est ce qui coûte le plus cher. C'est un moustique urbain. C'est une lutte de confort qui est tout à fait spécifique et onéreuse.

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Je reformule pour être sûre d'avoir bien compris. Vous nous dites que les départements se positionnent plutôt pour que l'ensemble de la compétence, que ce soit la lutte anti-vectorielle ou la lutte de confort, soit totalement sorti du champ de compétences des départements et transféré à l'État. Est-ce cela ?

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

En fait, ce n'est pas ce que nous disons. Je pense que la problématique d'aménagement, la problématique de lutte de confort faite par les départements de façon facultative sont une compétence à laquelle beaucoup de départements tiennent.

En revanche, la dichotomie entre la démoustication de confort et la démoustication liée à la lutte anti-vectorielle est une dichotomie relativement théorique. S'il faut agir sur la densité de moustique tigre, de moustiques vecteurs, je ne suis pas sûre que beaucoup de départements aient envie de se voir attribuer une compétence obligatoire qui naîtrait d'un dispositif global de lutte anti-vectorielle. Est-ce plus clair ?

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Les départements souhaitent donc conserver la compétence sur la lutte de confort, de façon facultative et, par contre, que la partie lutte anti-vectorielle soit transférée complètement à l'État. Est-ce cela ?

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Alix Mornet, conseillère en développement durable de l'ADF

Absolument. Je souligne que les départements ont mis en place des outils, des opérateurs, des services dans lesquels se trouvent des savoir-faire et des compétences très particulières, qui ont également un caractère très opérationnel et il ne faut pas les fragiliser. Ils sont le soutien de cette politique publique depuis le commencement. Je pense qu'il faut s'appuyer sur ces compétences.

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La démoustication de confort a un coût également et ce coût serait supporté par le département.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Oui, le coût est supporté par les départements, mais le coût supporté par chacun est adapté à sa politique.

Je prends deux exemples, ceux du conseil départemental du Rhône et du conseil départemental de l'Isère, que je connais. En maintenant cette compétence facultative sur la lutte de confort et en l'assumant pleinement, le conseil départemental de l'Isère a dans un premier temps souhaité intégrer dans le dispositif et donc faire financer par les collectivités, par l'intermédiaire du dispositif de la loi de finances pour 1975, les opérations menées par l'EID. Le conseil départemental du Rhône, parce que le bassin concerné est plus étendu, souhaite plutôt positionner son opérateur comme un opérateur d'assistance technique auprès des communes et renforcer le rôle des communes. Dans les deux cas, le département ne se dessaisit pas de la compétence facultative, mais il adapte cette compétence facultative à la spécificité du terrain.

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Quelle est l'articulation entre le département et les communes, puisque les communes sont aussi dans le dispositif ?

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

Quand le dispositif utilisé consiste en un arrêté préfectoral, l'articulation est relativement simple. C'est l'article 65 de la loi de finances pour 1975 qui dit que le département doit prendre au minimum 50 % à sa charge et que le solde est réparti au niveau des communes.

Quand nous sommes hors de ce dispositif, comme le département est l'opérateur, le département finance l'opérateur et c'est lui qui fixe les règles de financement quand il y a un financement par l'intermédiaire des communes. Il a la possibilité de fixer la règle comme il le souhaite. Ensuite, c'est un dialogue entre le département et les communes, une discussion au niveau local.

Par exemple, le département du Rhône a souhaité l'année dernière mettre en place et financer des journées de formation du personnel communal ; cela va être reconduit cette année. Je vous parlais du périscolaire où nous étions intervenus ; nous avions développé aussi des animations dans le cadre des collèges : nous avions été cofinancés par l'ARS.

Les départements ont la capacité d'adapter leurs politiques locales, mais, même s'il s'agit du moustique tigre, on reste dans la lutte de confort. De toute façon, dans cette montée en charge du département, il y a aussi un lien fort puisque les populations soumises à la nuisance ne vont pas d'emblée se plaindre au département : elles se plaignent à la commune et c'est la commune qui voit avec le département comment nous pouvons mettre en place quelque chose. Le lien entre la commune et le département est fort.

Il y a également un lien, qui est moins fort, par la notion d'intercommunalité puisque, notamment dans les grands ensembles urbains, il peut y avoir migration de moustiques d'une commune à une autre. Il faudrait trouver le moyen, je ne sais pas comment, d'intégrer dans la boucle l'intercommunalité. En fait, nous avons d'un côté les pouvoirs de police et de salubrité publique du maire ; de l'autre côté les pouvoirs conférés au département par la loi du 15 décembre 1964. Entre les deux, il y a l'intercommunalité et, pour l'instant, ce ne relève pas la compétence de l'intercommunalité, sauf en ce qui concerne les biens qu'elle gère, puisque l'obligation de limitation de la prolifération des moustiques s'applique aux particuliers et aux collectivités publiques. D'ailleurs, les autorisations d'accès concernent les propriétés publiques et privées.

Jusqu'à présent, les intercommunalités sont un peu en dehors du dispositif, mais le lien entre le département et les communes existe depuis le début et, à la limite, le moustique ne fait que renforcer ce dispositif par le dialogue.

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Avez-vous d'autres observations à nous soumettre ?

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Franck David, vice-président du conseil départemental du Jura et président de l'ELIZ

Je voulais compléter ce qui vient d'être dit à propos du dialogue entre les départements, les communes et l'intercommunalité. Je prendrai l'exemple de mon territoire, c'est-à-dire celui du Jura, où le dialogue est permanent entre le département, les communes et surtout les intercommunalités. Ces dernières disposent de la compétence environnement et, en particulier sur certains secteurs qui sont bien définis, connaissent des problèmes de pullulation de moustiques alors que, dans d'autres endroits du département, il n'y en a pas.

L'intercommunalité est vraiment le bon relais pour prendre en main les opérations de démoustication, si elles ont besoin de l'être, tout en assurant un dialogue permanent. C'est ce que nous appelons le bloc territorial entre les communes, l'intercommunalité et le département. En tout cas chez nous, cela ne pose aucun problème en matière de dialogue et d'actions à mener.

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Rémi Foussadier, directeur de l'EID Rhône-Alpes

J'ai trois remarques.

La première est la problématique de la coordination nationale. Je pense qu'il faut vraiment y réfléchir.

La deuxième est qu'il me semble, depuis vingt ans que je travaille sur la problématique du moustique et de la lutte anti-vectorielle, qu'un grand absent, systématiquement, était l'Éducation nationale. Même actuellement, la mallette pédagogique à destination des écoles primaires que nous avons développée avec l'ARS sera utilisée dans le cadre du périscolaire. Pourtant, la thématique peut être raccordée avec les programmes nationaux sur les insectes, sur l'environnement, sur la biodiversité. À chaque fois, ce qui est étonnant est la difficulté que nous avons à faire porter le message. Bien évidemment, en primaire, l'objectif n'est pas forcément de parler de la maladie, mais de parler du moustique. Pourtant, à chaque fois, nous faisons au cas par cas, territoire par territoire, ou parce que nous avons de bons contacts personnels avec telle ou telle personne. Il me semble que l'Éducation nationale est un acteur qui manque de manière importante.

Troisième chose, je regrette que, au moment où on a pensé à faire évoluer la gouvernance de la lutte anti-vectorielle, on ne soit pas mis autour d'une table avec les départements qui géraient cette lutte anti-vectorielle pour leur demander comment construire ensemble l'avenir. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les opérateurs publics et les départements se sont investis pendant vingt ans, même sans contrepartie financière. Je pense que les collectivités qui ont géré la lutte anti-vectorielle et leurs opérateurs ont montré leur état de maturité.

Construire ensemble l'avenir, c'est indispensable. Je le disais tout à l'heure, d'autres espèces exotiques, d'autres espèces vectrices vont arriver sur le territoire national. Le professeur Anna-Bella Failloux et le professeur Didier Fontenille vous ont, je crois, parlé d' Aedes aegypti. Avec les changements climatiques, il n'est pas impossible qu'apparaissent des populations plus ou moins permanentes de cette espèce, avec d'autres problématiques.

La France a la chance d'avoir un certain nombre d'opérateurs qui sont reconnus internationalement. Je pense qu'il y a eu un loupé et nous aurions pu construire quelque chose. Ce ne sont pas les opérateurs privés qui viendront apporter des conseils ou aider le ministère de la Santé à construire le prochain plan pour la lutte contre Aedes aegypti en métropole ou pour aider à lutter contre Aedes japonicus ou Aedes koreicus.

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Benoît Combes, directeur de l'ELIZ

J'exprime aussi un petit regret par rapport à la parution de ce décret : on ne connaît rien de l'évaluation des différents acteurs qui seront engagés ou qui sont engagés à partir de maintenant dans la lutte anti-vectorielle sur les territoires selon les décisions de l'ARS. On ne sait rien de l'évaluation du travail. Cela n'est pas mentionné.

Nous ne savons pas comment cette évaluation peut être faite. Les opérateurs publics de démoustication soumis aux difficultés des finances des départements ont une conscience, une déontologie de l'action publique qui est, à mon avis, importante. Je ne veux pas mal juger les opérateurs privés, mais je ne sais pas ce qu'il peut en être et je regrette que l'évaluation des actions menées par les uns et par les autres ne soit pas prévue dans le décret.

La réunion s'achève à onze heures cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 9 h 40

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Jeanine Dubié, Mme Sereine Mauborgne

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, M. Alain David, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean‑Hugues Ratenon