Intervention de Stanislas Bourron

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 15h05
Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales :

C'est le maire qui a le pouvoir de police spéciale pour assurer la surveillance des points d'eau. Ce pouvoir est prévu par les articles L. 2213-29 à 2213-31 du CGCT, dans qui déterminent en quoi consistent ces pouvoirs de police spéciale.

Le maire a également toujours son pouvoir de police générale, qui est fixé à l'article 2212-2 du CGCT, et qui lui permet d'intervenir en termes de salubrité publique, mais il s'agit plutôt d'une intervention en cas d'urgence.

Les pouvoirs de police spéciale portent sur le fonctionnement, l'intervention au quotidien. En cas d'urgence, y compris en termes de salubrité publique, le maire a la possibilité d'intervenir, tous champs confondus, via son pouvoir de police générale. C'est sur l'articulation entre les deux pouvoirs de police que nous pourrions revenir, si vous le voulez. En ce qui concerne son pouvoir de police spéciale qui est en fait le plus mobilisé, il appartient au maire de prescrire toutes les mesures nécessaires pour assurer l'assainissement des points d'eau, aux frais des propriétaires, tant sur les propriétés publiques que sur les propriétés privées. Le préfet peut se substituer, le cas échéant, si le maire ne mettait pas en œuvre son pouvoir de police spéciale.

Cette compétence a encore été rappelée dans le décret du 29 mars 2019. Le maire peut prendre différentes mesures : communication auprès de la population, mise en œuvre d'un repérage des zones de difficultés et de traitement, contrôle des sites et prescriptions de mesures.

Vous évoquiez des difficultés. Peut-il y avoir une possibilité d'obliger les gens à s'isoler ? Non, le pouvoir de police spéciale ne permet pas cela. Nous l'avons vu durant les mois qui viennent de s'écouler : isoler quelqu'un est une atteinte lourde à sa liberté d'aller et de venir, c'est une disposition extrêmement encadrée. Il ne pourrait revenir qu'au législateur de déterminer dans quelles conditions le faire, comment donner un pouvoir réglementaire ou quel est l'argumentaire pour le mettre en œuvre, dans des conditions extrêmement particulières. Nous avons vu avec le confinement à quel point c'est quelque chose qui mérite d'être très fortement encadré, qui ne doit pas être laissé uniquement à la main d'un pouvoir de police spéciale, sur une base trop légère, comme simplement la présence d'un moustique.

Un autre point de difficulté est la possibilité d'intervenir dans les propriétés privées. Il faut y être également très attentif, parce qu'il s'agit potentiellement d'une atteinte à la propriété des gens, donc nous sommes très prudents. D'ailleurs, dans une loi que l'Assemblée a vue l'année dernière, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, il est prévu des mesures autour des sanctions administratives que les maires peuvent faire peser sur des gens qui ne respectent pas les arrêtés municipaux. Nous avons été très attentifs à faire en sorte que ces mesures restent sur le domaine public pour éviter le risque de la voie de fait dans les propriétés privées.

C'est un sujet qui doit pouvoir se traiter parce qu'il s'agit d'un sujet qui va vers la santé publique, mais il faudra sans doute que le législateur s'en empare. Je crois que la proposition de loi adoptée par le Sénat traite de ce sujet, en tout cas commence à l'envisager. Quoi qu'il en soit, il faut être très vigilant pour ne pas porter atteinte au droit de propriété, en allant chez les gens sans leur accord ou dans des conditions qui ne seraient pas acceptables.

Ce point est sans doute un des points de faiblesse du pouvoir de police spéciale aujourd'hui. Si, sur le domaine public, nous voyons bien ce qu'il peut permettre de faire, il est limité dans sa mise en œuvre, sur le domaine privé, à la bonne volonté et parfois simplement à la présence des propriétaires, parce qu'il est quand même rare qu'un propriétaire refuse qu'on vienne démoustiquer son terrain si on le lui propose.

Si un maire est confronté à un foyer épidémique, je pense que rien que le terme « foyer épidémique » renvoie à un problème qui dépasse son pouvoir de police spéciale des plans d'eau. Franchement, nous passons à autre chose et nous rentrons sur une compétence de santé publique. Il appartient à ce moment à l'État de prendre la main pour intervenir, pour lutter contre les foyers épidémiques à travers l'intervention du préfet et de l'ARS. On sort en fait du champ d'intervention du maire, du champ d'une intervention du quotidien, pour passer à une intervention sanitaire, qui est du ressort de l'État et qui n'est plus de la responsabilité du maire.

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