Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 15h05

Résumé de la réunion

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  • ARS
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COMMISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE D'ÉVALUER LES RECHERCHES, LA PRÉVENTION ET LES POLITIQUES PUBLIQUES À MENER CONTRE LA PROPAGATION DES MOUSTIQUES AEDES ET DES MALADIES VECTORIELLES

Jeudi 11 juin 2020

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

(Présidence de Mme Sereine Mauborgne, vice-présidente de la commission d'enquête)

La commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles procède à l'audition de M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales (DGCL), Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique.

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Nous poursuivons les auditions de la commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles.

Nous allons entendre les représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales : M. Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales, Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, cheffe du bureau des services publics locaux et Mme Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique.

La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et les services de l'État, préfectures et agences régionales de santé (ARS), ainsi que l'exercice des pouvoirs de police en matière de lutte antivectorielle sont en effet au cœur de notre sujet.

Mesdames, Monsieur, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à nos questions.

Je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire d'une dizaine de minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses.

Je vous remercie également de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc, Mesdames, Monsieur, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Le sujet sur lequel vous avez souhaité nous auditionner, la répartition des compétences entre État et collectivités en matière de lutte contre la propagation des moustiques et de lutte anti-vectorielle, n'est pas simple, à vrai dire.

J'imagine que la commission a déjà largement la vision de la complexité de l'organisation juridique du dispositif. Dans ce maquis historique, car la difficulté de la perception de l'organisation s'explique aussi par l'ancienneté des textes sur lesquels nous travaillons, je vais essayer d'organiser mon propos autour de deux aspects : d'une part le sujet des compétences, et d'autre part, le sujet des pouvoirs de police, ainsi que des questions qui se posent aujourd'hui sur ces deux aspects, au regard de l'évolution de la lutte anti-vectorielle qui prend une ampleur nouvelle ces dernières années, par rapport au contexte des années 1960 et même des années 2000.

Les textes qui fondent la lutte contre la propagation des moustiques et la lutte anti-vectorielle sont la loi du 16 décembre 1964 et l'article L. 3114‑5 du code de la santé publique, qui a été modifié par la loi relative aux libertés et responsabilités locales dite « loi LRL » du 13 août 2004. Celle-ci confie très principalement à l'État la responsabilité de la politique de lutte anti-vectorielle (LAV) et donne aux collectivités, notamment aux départements, la possibilité d'intervenir dans la mise en œuvre et le financement de cette politique, tout en créant une compétence autour de ce qu'on appelle la lutte de confort.

Ce sont ces deux grandes thématiques qui ont fait débat dans les années qui ont suivi cette loi et jusqu'à aujourd'hui : savoir où commence la lutte anti-vectorielle, où s'arrête la lutte contre la prolifération des moustiques en termes de confort, sachant qu'il revient au ministère de la Santé de déterminer les départements dans lesquels il convient d'intervenir dans la lutte anti-vectorielle. En revanche, toute collectivité départementale pouvait s'emparer du sujet de la lutte de confort et décider une intervention ciblée sur tel ou tel endroit pour traiter des présences de moustiques.

Nous avons donc une intervention sur une politique sanitaire autour de la LAV, qui est portée par le ministère en charge de la santé avec, au niveau déconcentré, des préfets de département qui prennent des arrêtés pour déterminer des zones où il faut lutter contre les moustiques vecteurs et, à la manœuvre les ARS, qui ont des compétences spécifiques en matière de prospection, de traitement, de travaux et de mesures de surveillance entomologique.

Les départements sont en charge, dans les zones délimitées par le préfet, de conduire des opérations de démoustication, ce qu'on appelle plus classiquement la lutte de confort.

À ce sujet des compétences, viennent s'ajouter dans cet univers juridique les compétences du maire, c'est-à-dire son pouvoir de police. Le pouvoir de police du maire est de deux natures : un pouvoir de police spéciale, prévu par le code général des collectivités territoriales (CGCT), pour la surveillance des points d'eau. C'est une possibilité d'intervention large ; cela concerne évidemment la possibilité de traiter les nids d'insectes vecteurs et surtout toute présence de moustiques gênants au sein de ces points d'eau. Les maires disposent également du pouvoir de police générale, classique, qui leur permet d'intervenir au titre de la salubrité publique en cas d'urgence.

Dans le cadre de ces pouvoirs de police, assez classiquement, le préfet peut se substituer si les maires n'intervenaient pas.

Cette intervention des maires a été rappelée dans le décret du 29 mars 2019, qui rappelle dans le code de la santé publique l'importance de cette possibilité d'intervenir.

Nous avons donc des interventions au titre soit des compétences, soit des pouvoirs de police, et ces interventions peuvent se chevaucher, ainsi que des interventions soit au titre de la lutte anti-vectorielle, soit au titre de la lutte de confort, ce qui peut amener à différents acteurs à intervenir.

Il y a sans doute une difficulté à intervenir de façon fondée sur des bases juridiques qui sont complexes et pas toujours très précises, il faut bien le dire. La façon dont les choses sont rédigées est le fruit de l'histoire et le fait que certaines collectivités, notamment départementales, se sont emparées de ces sujets pour les traiter, notamment ces questions de lutte contre les moustiques.

La question est aujourd'hui un peu complexe puisque nous assistons à une montée en puissance de la lutte anti-vectorielle avec la diffusion du moustique tigre qui s'est répandu sur le territoire. Par conséquent, nous avons une baisse assez naturelle de l'intervention au titre de la lutte de confort, puisque les deux sujets sont en train de fusionner, de se rejoindre. Cela rend d'autant plus difficile à trouver et à tracer la ligne d'intervention entre les uns et les autres selon qu'on est en confort ou en lutte anti-vectorielle. Sur le sujet des compétences, il y a donc effectivement une difficulté à tracer la ligne d'intervention.

L'une des solutions trouvées dans certains cas pour régler cela est la possibilité, notamment pour le ministère de la Santé via les ARS, de déléguer ces politiques d'intervention à un opérateur. Le conseil départemental de l'Aisne, notamment, s'est vu confier cette compétence par l'ARS et peut donc intervenir au titre de ses compétences propres, mais aussi au titre de la délégation qu'il a reçue de l'ARS pour traiter de façon uniforme, sans se poser la question de savoir s'il s'agit de confort, de la démoustication classique ou de la lutte anti-vectorielle. Ce sont des pistes concrètes qui ont pu être mises en œuvre pour essayer de coordonner les actions en donnant à un opérateur unique la possibilité d'intervenir, quels que soient la base juridique et le titulaire de la compétence de départ.

Sur les sujets des pouvoirs police, la réflexion a avancé et, notamment, une proposition de loi a été adoptée par le Sénat au début de cette année, qui vise à essayer de mieux tracer la ligne et de mieux identifier les responsabilités, entre ce qui est du ressort du pouvoir de police spéciale du maire et ce qui serait du ressort de l'État, en considérant qu'il revient à l'État d'assurer une politique de santé publique et donc de s'emparer de cette compétence dès qu'il y a une détection d'un nid de vecteurs.

C'est un sujet assez ancien et les débats juridiques sont aussi anciens. Les mises en œuvre ont été assez différentes selon les territoires, avec des collectivités qui s'en sont plus ou moins emparées. Nous assistons à une évolution des besoins avec la montée en puissance de la lutte anti-vectorielle ces dernières années, ce qui amène aujourd'hui à se poser la question des conditions dans lesquelles nous pouvons arriver à apporter les bonnes réponses aux problèmes auxquels sont confrontés tels ou tels territoires en matière de lutte anti-vectorielle.

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Merci, monsieur Bourron, pour vos propos liminaires qui étaient assez éclairants, mais je souhaite vous poser des questions qui vont nous permettre d'avoir plus de précisions.

Concernant l'architecture institutionnelle, la loi de décentralisation du 13 août 2004 a donné lieu à des interprétations variables s'agissant, notamment, de la compétence de principe qu'elle semble attribuer aux départements en matière de lutte contre les moustiques, comme nuisance et comme vecteur. De quelles prérogatives exactes les départements disposent-ils aujourd'hui ? Peut-on séparer efficacement la compétence « démoustication de confort » de la compétence « lutte contre les vecteurs à but sanitaire » ? L'État peut-il exercer des compétences en matière de LAV et si oui, dans quels cas ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Je suppose que vous allez ou avez déjà auditionné la direction générale de la santé, qui est le ministère en charge de ces politiques quand elles prennent une dimension sanitaire. La compétence de la direction générale des collectivités locales réside dans l'architecture institutionnelle s'agissant de compétences classiques. Lorsqu'il s'agit d'un problème de santé publique, nous cédons assez naturellement le pas sur d'autres services ministériels.

Selon nous, le département a une compétence essentiellement autour des opérations de démoustication dans les zones de démoustication de confort déterminées par le préfet de département. Le financement peut être assuré par département et commune puisque l'article 35 de la loi de finances pour 1975 en a fait des dépenses obligatoires.

Les départements peuvent confier à un opérateur public le soin d'intervenir. C'est d'ailleurs souvent le cas. Des ententes interdépartementales ou des opérateurs tiers peuvent porter cette intervention puisque c'est une compétence assez particulière.

La difficulté est qu'ils sont parfois mobilisés par ces départements également pour la lutte anti-vectorielle. La complexité de l'exercice est que, aujourd'hui, qui est capable de dire si on tue un moustique pour le confort ou parce qu'il est potentiellement vecteur ? On ne demande pas aux moustiques ce qu'ils portent avant de se chercher à savoir s'il faut s'en débarrasser. C'est toute la difficulté de déterminer cette séparation.

Il est du ressort de l'ARS d'intervenir pour les mesures de prospection, de traitement, ainsi que les travaux et mesures de surveillance entomologique, en application de l'article R. 3114-11 du code de la santé publique. Le département ne peut aller sur des compétences que le code de santé publique reconnaît, clairement et explicitement, à l'ARS et donc au ministère de la Santé.

Toutefois, comme je vous le disais, il existe des cas où, pour éviter cette scission et le problème de cette frontière difficile à tracer entre lutte contre les moustiques vecteurs et lutte contre les moustiques non vecteurs, il a été choisi d'avoir un opérateur unique, commun entre État et collectivités, notamment dans le département de l'Aisne, où cette solution date d'avril 2019. C'est une démarche que je trouve intéressante pour essayer de surmonter ce tracé complexe de savoir, lorsque l'on s'attaque à tel moustique, si c'est de la lutte anti-vectorielle ou autre chose. On peut ainsi trouver un opérateur qui traite globalement le sujet, sur la base d'arrêtés déterminés par le préfet, dans une logique à la fois sanitaire et de confort.

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Pouvez-vous exposer de façon détaillée le paysage de la LAV dans l'outre-mer, et notamment l'entité exerçant la compétence et celle assurant le financement dans chacun des territoires concernés ? La diversité des compétences et des modes d'exercice est-elle adaptée aux situations locales ou est-elle le résultat de pratiques historiques ? Avez-vous connaissance de difficultés d'application de la législation ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Je ne peux pas vous donner ce panorama dont nous n'avons pas connaissance. Il pourrait être intéressant de solliciter la direction générale des Outre-Mer (DGOM) qui pourrait peut-être faire une remontée plus précise.

Toutefois, nous avons été mobilisés, il y a quelques mois, par une mission d'inspection sur les thématiques de prévention des maladies vectorielles, portée conjointement par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Peut-être avez-vous entendu parler de leur rapport et serait-il intéressant de recevoir les inspecteurs qui, justement, s'interrogeaient sur l'organisation institutionnelle mise en place dans deux départements. De ce que l'on comprend dans ce rapport, il existe dans ces outre-mer également des opérateurs qui essaient de concentrer l'action, même si un certain nombre de questions peuvent se poser sur les conditions de leur intervention et l'organisation juridique mise en place.

Je ne connais personnellement pas la mécanique mise en place dans chacune de ces collectivités, mais j'ai senti dans le rapport que ce sujet, extrêmement prégnant pour les départements et les collectivités d'outre-mer, de façon différente bien sûr selon les endroits, était vraiment identifié et pris à bras le corps, avec des organisations qui pouvaient peut-être être améliorées en termes notamment d'organisation juridique. Je pense que la DGOM pourrait vous présenter ce sujet.

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Pouvez-vous nous présenter les polices administratives et les autorités les exerçant pour lutter contre les gîtes larvaires, imposer aux propriétaires de prendre des mesures contre les eaux stagnantes et, en cas de survenue d'un foyer épidémique, contraindre les personnes concernées à s'isoler et démoustiquer ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

C'est le maire qui a le pouvoir de police spéciale pour assurer la surveillance des points d'eau. Ce pouvoir est prévu par les articles L. 2213-29 à 2213-31 du CGCT, dans qui déterminent en quoi consistent ces pouvoirs de police spéciale.

Le maire a également toujours son pouvoir de police générale, qui est fixé à l'article 2212-2 du CGCT, et qui lui permet d'intervenir en termes de salubrité publique, mais il s'agit plutôt d'une intervention en cas d'urgence.

Les pouvoirs de police spéciale portent sur le fonctionnement, l'intervention au quotidien. En cas d'urgence, y compris en termes de salubrité publique, le maire a la possibilité d'intervenir, tous champs confondus, via son pouvoir de police générale. C'est sur l'articulation entre les deux pouvoirs de police que nous pourrions revenir, si vous le voulez. En ce qui concerne son pouvoir de police spéciale qui est en fait le plus mobilisé, il appartient au maire de prescrire toutes les mesures nécessaires pour assurer l'assainissement des points d'eau, aux frais des propriétaires, tant sur les propriétés publiques que sur les propriétés privées. Le préfet peut se substituer, le cas échéant, si le maire ne mettait pas en œuvre son pouvoir de police spéciale.

Cette compétence a encore été rappelée dans le décret du 29 mars 2019. Le maire peut prendre différentes mesures : communication auprès de la population, mise en œuvre d'un repérage des zones de difficultés et de traitement, contrôle des sites et prescriptions de mesures.

Vous évoquiez des difficultés. Peut-il y avoir une possibilité d'obliger les gens à s'isoler ? Non, le pouvoir de police spéciale ne permet pas cela. Nous l'avons vu durant les mois qui viennent de s'écouler : isoler quelqu'un est une atteinte lourde à sa liberté d'aller et de venir, c'est une disposition extrêmement encadrée. Il ne pourrait revenir qu'au législateur de déterminer dans quelles conditions le faire, comment donner un pouvoir réglementaire ou quel est l'argumentaire pour le mettre en œuvre, dans des conditions extrêmement particulières. Nous avons vu avec le confinement à quel point c'est quelque chose qui mérite d'être très fortement encadré, qui ne doit pas être laissé uniquement à la main d'un pouvoir de police spéciale, sur une base trop légère, comme simplement la présence d'un moustique.

Un autre point de difficulté est la possibilité d'intervenir dans les propriétés privées. Il faut y être également très attentif, parce qu'il s'agit potentiellement d'une atteinte à la propriété des gens, donc nous sommes très prudents. D'ailleurs, dans une loi que l'Assemblée a vue l'année dernière, la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, il est prévu des mesures autour des sanctions administratives que les maires peuvent faire peser sur des gens qui ne respectent pas les arrêtés municipaux. Nous avons été très attentifs à faire en sorte que ces mesures restent sur le domaine public pour éviter le risque de la voie de fait dans les propriétés privées.

C'est un sujet qui doit pouvoir se traiter parce qu'il s'agit d'un sujet qui va vers la santé publique, mais il faudra sans doute que le législateur s'en empare. Je crois que la proposition de loi adoptée par le Sénat traite de ce sujet, en tout cas commence à l'envisager. Quoi qu'il en soit, il faut être très vigilant pour ne pas porter atteinte au droit de propriété, en allant chez les gens sans leur accord ou dans des conditions qui ne seraient pas acceptables.

Ce point est sans doute un des points de faiblesse du pouvoir de police spéciale aujourd'hui. Si, sur le domaine public, nous voyons bien ce qu'il peut permettre de faire, il est limité dans sa mise en œuvre, sur le domaine privé, à la bonne volonté et parfois simplement à la présence des propriétaires, parce qu'il est quand même rare qu'un propriétaire refuse qu'on vienne démoustiquer son terrain si on le lui propose.

Si un maire est confronté à un foyer épidémique, je pense que rien que le terme « foyer épidémique » renvoie à un problème qui dépasse son pouvoir de police spéciale des plans d'eau. Franchement, nous passons à autre chose et nous rentrons sur une compétence de santé publique. Il appartient à ce moment à l'État de prendre la main pour intervenir, pour lutter contre les foyers épidémiques à travers l'intervention du préfet et de l'ARS. On sort en fait du champ d'intervention du maire, du champ d'une intervention du quotidien, pour passer à une intervention sanitaire, qui est du ressort de l'État et qui n'est plus de la responsabilité du maire.

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Comme vous venez de le dire, les maires peuvent intervenir contre la présence de moustiques vecteurs au titre de leurs pouvoirs de police générale comme de leurs pouvoirs de police spéciale des points d'eau. Quel usage les communes font-elles de ces prérogatives ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Je ne peux pas vous répondre sur ce point parce que nous n'avons pas de retour spécifiquement sur la façon dont se met en œuvre ce pouvoir de police spéciale. Je ne saurais donc pas vous répondre en vous donnant la façon dont il est mis en œuvre, dont cela est vécu ou pas du côté des communes concernées.

Nous savons que, selon les territoires et la prégnance du problème de la présence de moustiques dans les différentes collectivités, les traitements lourds portés par des ententes interdépartementales ou des départements ou les interventions plus ponctuelles menées par les communes au titre du pouvoir de police ne sont pas les mêmes. Le sujet est historiquement un sujet méridional ou ultramarin. Toutefois, il évolue et c'est sans doute aussi l'intérêt de votre commission, qui pourra peut-être réfléchir à la façon de faire évoluer les choses, puisque la présence du moustique tigre notamment n'est plus aujourd'hui concentrée dans certains départements métropolitains ou d'outre-mer. C'est sans doute une remontée qui serait intéressante. Il faudra peut-être interroger le ministère de la Santé, qui pourra alors évaluer la façon dont les choses se mettent en place et voir s'il y a des remontées particulières ou des difficultés particulières.

À ma connaissance, si la question de la répartition des compétences était historiquement une question qui nous a été posée, je n'ai pas connaissance, depuis que j'ai occupé des fonctions à la DGCL, de difficultés spécifiques locales qui nous auraient été soumises. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, bien sûr, mais ce n'est pas arrivé jusqu'à nous.

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Les compétences communales sont-elles suffisamment étendues sur le sujet ? Le sont-elles trop ? Les municipalités disposent-elles de moyens suffisants pour les mettre en œuvre ? La suppression de la police spéciale des points d'eau était prévue dans le projet de loi relatif à la biodiversité de 2016, avant que les dispositions correspondantes ne soient retirées par le Parlement lors de l'examen du texte. Quel regard portez-vous sur cette police spéciale ? Son maintien vous semble-t-il justifié ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Les compétences sont-elles suffisamment étendues ? J'ai évoqué un peu ce sujet tout à l'heure en parlant du pouvoir d'intervention sur le domaine privé. Aujourd'hui, si le propriétaire privé donne son accord, l'intervention peut se faire sans difficulté. En l'absence d'accord, nous avons retrouvé la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution de travaux publics, ce qui ne nous rajeunit pas, qui prévoit des garanties procédurales et que nous pourrions peut-être mobiliser pour intervenir en considérant qu'il s'agit de travaux publics. Nous sommes quand même en train de mobiliser des textes qui commencent à être très anciens et qui sont assez éloignés du sujet, mais qui pourraient peut-être être un support juridique pour permettre une intervention sur le domaine privé.

Concernant le maintien du pouvoir de police spéciale, en tant que représentants de la direction générale des collectivités locales au sein du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, nous sommes plutôt favorables au maintien d'un pouvoir de police spéciale qui soit par contre mieux précisé, pour mieux connaître les contours de la responsabilité qui, le cas échéant, incombe aux maires.

En effet, la difficulté aujourd'hui provient de maires qui, soit vont un peu au-delà de ce qu'ils devraient ou pourraient faire, soit ne vont pas suffisamment loin. Mais comme on ne sait pas très bien où est la limite de ce qu'ils doivent faire, sans chercher à engager des responsabilités, il faudrait simplement savoir qui est un acteur, qui doit intervenir pour traiter ces sujets. Il y a sans doute besoin d'un pouvoir de police spéciale spécifique, mais mieux précisé sur cette question de la lutte contre les moustiques. Ce pouvoir permettrait aussi, en étant mieux déterminé, de ne pas aller solliciter l'intervention des maires sur des sujets qui ne sont pas les leurs.

Dans la réalité, il faudrait sans doute quelque chose qui permettrait aux maires de signaler la présence de zones de difficulté, la présence de moustiques en nombre ou de difficultés rencontrées sur la commune, pour ensuite mobiliser et aller solliciter les ARS et les préfets pour une intervention plus lourde et pour intervenir puisque souvent, malheureusement, cela commence par être une question de confort, mais cela peut devenir rapidement un problème de lutte anti-vectorielle. Cela pourrait donc être une compétence plus autour du signalement, avec une obligation de signalement par contre, qui serait dans le champ des maires de par leur connaissance du terrain, leur proximité, leurs relations avec la population, leur capacité à avoir l'information pour être en mesure d'alerter et de prévenir les autorités sanitaires, si cela prend une tournure particulière, pour qu'une intervention plus lourde soit faite, le cas échéant avec un opérateur unique qui serait commun entre État et département.

Marine Fabre, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique . La loi du 29 décembre 1892 nous semble applicable aux cas dans lesquels des agents communaux pourraient être amenés à intervenir dans des propriétés privées. Cela nécessiterait simplement d'avoir une acception un peu large de la notion de travaux publics. C'est pourquoi il nous semblerait intéressant de prévoir des dispositions plus explicites sur le sujet.

On en trouve un exemple dans la version de la proposition de loi telle qu'elle a été adoptée en première lecture au Sénat, avec un exemple de disposition qui habilite explicitement les agents des communes – et des ARS, puisqu'eux aussi peuvent être amenés à devoir faire de la surveillance sur des propriétés privées – à pénétrer sur les propriétés privées, avec un cadrage au niveau des horaires auxquels ils peuvent accéder à ces propriétés, la procédure pour prévenir le propriétaire et également les délais dans lesquels ils peuvent intervenir.

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Quelles actions les préfets ont-ils été amenés à prendre au cours des dernières années face au risque vectoriel ? Dans quelle mesure les pouvoirs de mise en demeure ouverts par la loi du 16 décembre 1964 sont-ils utilisés par les préfets ? La procédure est-elle assez utilisée ? Plus généralement, les préfets disposent-ils aujourd'hui de pouvoirs suffisamment coercitifs pour lutter efficacement contre la présence de gîtes larvaires chez les particuliers ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Nous ne disposons pas de données sur l'ensemble de ces questions autour des pouvoirs des préfets puisque, si nous travaillons sur la question de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités, et surtout entre les collectivités, les modalités d'intervention des préfets dans leur cadre de politiques publiques, ou de politique sanitaire dans le cas d'espèce, ne sont pas portées à notre connaissance et nous n'avons aucun suivi.

Je pense que, sur la plupart de ces thématiques, notamment en ce qui concerne l'articulation des interventions en matière de lutte contre les risques vectoriels entre préfets et ARS, la direction générale de la santé (DGS) est la plus à même de vous apporter des réponses. Je crois que vous aviez souhaité aussi que la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) puisse, le cas échéant, participer. Selon les informations que l'on m'a communiquées, les membres de cette direction n'ont pas de remontées particulières sur ce sujet ; en tout cas, ils ne m'en ont pas fait part. Je pense donc que c'est plutôt la DGS qu'il faudrait solliciter pour des informations sur cette thématique. Je suis navré, mais je ne peux pas me prononcer sur ces questions néanmoins importantes.

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Dans quelle mesure les préfets font-ils usage des règlements sanitaires départementaux en matière de LAV ? Pouvez-vous présenter à la commission d'enquête des exemples de dispositions contenues dans les règlements sanitaires départementaux ? La séparation administrative entre ARS et préfecture constitue-t-elle un obstacle à l'efficacité de l'action publique sanitaire en situation de crise épidémique ? Le cas échéant, comment pourrait-on y remédier ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Au regard des délais que nous avons eus entre le questionnaire et le jour de l'audition, je n'ai pas de réponse sur la question des règlements sanitaires. Les règlements sanitaires départementaux sont effectivement des sujets sur lesquels nous pourrions aller solliciter des informations, mais je ne peux pas vous répondre aujourd'hui. Si vous le souhaitez, nous essaierons de questionner quelques préfectures pour savoir comment les choses ont pu s'organiser, mais je n'ai pas d'exemple à vous donner actuellement. Nous pourrions solliciter quelques départements, peut-être outre-mer ou dans le sud de la France, là où ces sujets sont plus prégnants même s'ils ne sont plus les seuls concernés.

Sur la séparation entre ARS et préfectures, je n'ai pas un avis professionnel puisque je ne suis pas au côté des responsables de la mise en œuvre de l'action d'État sur cette thématique. Je ne sais pas dire, sur le sujet de la lutte anti-vectorielle, si l'organisation est pertinente ou pas. Le fait est qu'elle est assez ancienne, notamment en ce qui concerne l'intervention des préfets pour la délimitation des zonages, mais elle repose quand même largement sur l'intervention des ARS puisque nous sommes sur une compétence sanitaire.

Nous avons vu, y compris dans les dernières semaines et derniers mois, le rôle éminent des ARS dans la mise en œuvre d'une politique sanitaire au niveau régional et au niveau local, avec le soutien des services et du préfet pour intervenir, notamment parce qu'il y a des actes administratifs d'un certain nombre de natures à prendre lorsque les textes le prévoient.

Je ne peux donc pas vous dire que cette séparation pose une difficulté particulière. Ce n'est en tout cas pas remonté à notre connaissance.

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Quel regard portez-vous sur la nouvelle répartition des compétences proposée par le texte adopté en première lecture au Sénat en janvier dernier ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Ce texte, sur lequel nous avons eu un regard un peu lointain en janvier, nous semble apporter un certain nombre d'évolutions intéressantes. Il a beaucoup changé entre le texte initial de la proposition de loi et le texte adopté par le Sénat. Il cherche effectivement à prendre en compte les difficultés, notamment les difficultés qu'auraient les maires à faire intervenir leurs pouvoirs de police spéciale. Il y a tout un dispositif qui vise à mieux cadrer la politique d'intervention sur les propriétés privées et à mieux répartir l'intervention entre ce qui est du ressort de l'État et ce qui est du ressort du maire.

Sur le pouvoir de police spéciale, cela nous semble donc effectivement être des réflexions intéressantes, qui vont d'ailleurs dans le sens de ce que j'indiquais sur les questions qui étaient posées.

Sur la clarification de la répartition des compétences, cela nous semble aussi commencer à aller dans le bon sens. Il faudrait peut-être, ce que nous n'avons pas eu de notre côté, un retour sur la façon dont l'Assemblée des départements de France et, le cas échéant, les autres associations d'élus perçoivent cet aspect des choses.

Il y a en tout cas une ligne assez nette, une évolution de la situation qui fait que la lutte anti-vectorielle prend une part de plus en plus importante dans le chiffre de la lutte contre les moustiques, au détriment de la lutte de confort qui était plutôt du ressort des collectivités. Il est donc assez naturel que nous arrivions à une répartition des rôles qui mette plus en avant la dimension sanitaire, donc portée par l'État, avec une compétence plus secondaire pour les collectivités, notamment départementales, en considérant qu'il y a une responsabilité en matière de politique sanitaire qui dépasse souvent le champ des circonscriptions géographiques des collectivités concernées. Les moustiques ne connaissent pas les limites communales et départementales. Évidemment, quand il s'agit d'une île, le sujet est un peu différent, mais quand on est sur un territoire plus vaste, ce sujet prend rapidement une ampleur qui est au moins interdépartementale, régionale, voire interrégionale dans certains cas, d'où l'intérêt d'avoir une dimension de gestion par l'État pour ces questions sanitaires. C'est sans doute ce vers quoi il faut tendre et c'est un peu la démarche que cette proposition de loi engage.

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Le texte adopté par le Sénat prévoit notamment la possibilité pour le préfet, après avis du Haut Conseil de la santé publique, d'autoriser sur le territoire du département la mise en œuvre à titre expérimental de nouvelles techniques de lutte contre les vecteurs. Comment concevez-vous la mise en œuvre de cette prérogative ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Pour tout vous dire, je ne sais pas trop en quoi consistent ces nouvelles techniques de lutte, mais, sur le principe, je pense qu'on ne peut qu'être favorable à une démarche qui permet d'apporter des réponses nouvelles, dans la mesure où elles sont validées par les autorités sanitaires. On ne nous a d'ailleurs pas tenus au courant de ce qui est entendu ou sous-entendu comme nouvelles méthodes de lutte, mais cela nous semble être une approche intéressante.

Nous sommes toujours dans cette logique selon laquelle, pour la lutte anti-vectorielle, nous sommes sur une compétence d'État et qu'il faut donner des outils adaptés à l'État pour pouvoir lutter contre ces vecteurs.

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Faut-il imaginer de nouvelles normes de construction et d'entretien afin d'éviter la création des gîtes larvaires, telles que pentes minimales des toits, imperméabilisation des sols et équipements d'hydrologie urbaine ? Seriez-vous favorable à leur inclusion dans les plans locaux d'urbanisme communaux (PLU) et intercommunaux (PLUi) ? Comment concilier les problèmes que ces constructions posent avec le respect des normes en matière d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ? Pourrait-on prévoir des exceptions à ces normes ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

C'est un sujet complexe, sur lequel je ne peux pas avoir de réponse définitive aujourd'hui. Cela mériterait un échange avec les services de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) qui sont compétents sur les normes de construction.

Je pense que les observations faites sur le terrain quant aux conditions qui favorisent la prolifération des moustiques et donc à ce qui permet d'éviter cette prolifération conduisent à des consignes telles que celles qui ont été diffusées par la communication locale ou nationale : éviter les récipients d'eau stagnante, traiter régulièrement tous les espaces comportant de l'eau… Ces consignes, qui sont maintenant connues de la population dans les départements métropolitains et d'outre-mer, ont vocation à être mises en œuvre.

Faut-il aller jusqu'à contraindre la norme de construction pour ce faire ? Je ne saurais le dire. Je ne saurais dire exactement sous quelle forme parce que, certes, il y a la pente, mais il y a aussi le sujet des gouttières, des caniveaux, des réseaux d'évacuation d'eau. Nous risquons d'aller assez loin dans la thématique, au-delà de l'habitat individuel, jusqu'à des questions d'organisation des espaces publics et de la configuration même des espaces publics.

Faudrait-il introduire cela ? Si on va sur une norme de construction, il le faudra nécessairement et on rentre alors dans la logique du PLU puisque c'est une autorisation d'urbanisme. À la question « si l'on devait aller vers cela, faut-il que ce soit dans le PLU ? », la réponse est donc oui, évidemment.

La question est plutôt : « faut-il aller vers cela ? » Je n'ai pas la compétence et la connaissance pour répondre à cette question. S'il existe des pratiques extrêmement positives, extrêmement concluantes, qui seraient à moindre coût et pas trop complexes, car le risque est d'avoir des enjeux financiers très lourds en termes de construction, cela mériterait sans doute un regard attentif.

Faut-il passer par la norme ? Peut-être, peut-être pas. Cela peut aussi passer par la recommandation, y compris dans les communes les plus touchées. Cela peut être aussi une solution.

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Dans certains territoires, comme la Haute-Corse en 2007, un arrêté préfectoral a édicté un certain nombre de prescriptions en matière de construction pour lutter contre le développement de moustiques. Ce dispositif est-il efficace ? Faudrait-il le systématiser ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Pour tout vous dire, vous nous avez appris l'existence de cet arrêté. Nous allons nous pencher sur le sujet et essayer de comprendre ce point, y compris le fondement juridique de l'arrêté qui intervient en matière de construction. Il faut que nous regardions cela.

Cela rejoint un peu mon propos de départ. S'il apparaît qu'un certain nombre de méthodes de construction intervenant sur le bâti peuvent être susceptibles d'avoir des effets extrêmement bénéfiques pour éviter la prolifération des moustiques, cela mérite sans doute qu'on s'y attarde.

Nous disposons de deux méthodes : soit une modification pour contraindre le droit de la construction, ce qui est quand même très lourd, soit aller vers des mécaniques de recommandations qui sont souvent tout aussi efficaces pour faire évoluer les pratiques, sans passer nécessairement par un arrêté d'ailleurs.

Je ne peux pas répondre à la question de savoir si le dispositif est efficace ou pas. Nous allons déjà nous pencher sur le fait de savoir sur quel fondement il s'appuie, comment le préfet peut donner ce type de contraintes sur des normes de construction et, ensuite, nous pourrons le cas échéant donner une analyse.

Je pense toutefois qu'il est plus simple en la matière de prendre le point que nous évoquions précédemment si nous devons faire quelque chose sans passer par les règles de la construction, plutôt que de passer par des arrêtés. Les arrêtés sont des actes et pouvoirs de police qui visent à prendre en compte des situations dans un délai donné, pour une période donnée et non à s'inscrire dans le temps et de façon pérenne. Je pense que ce n'est pas le vecteur juridique le plus approprié.

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La lutte contre les moustiques suscite régulièrement des plaintes de la part d'associations de protection de l'environnement en raison de ses conséquences potentielles sur la biodiversité. Dans quelle mesure les exécutifs locaux et préfets sont-ils confrontés à ces problématiques ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Comme je vous l'indiquais, je n'ai pas connaissance, ou pas le souvenir, de remontée de difficultés de cette nature, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas. Je dis que cela n'arrive pas jusqu'à nous. Nous sommes une administration centrale, nous recevons énormément d'informations, mais nous ne prétendons pas savoir tout ce qu'il se passe sur le terrain. Nous n'avons pas cette vocation ni ces prétentions.

Même si cela ne remonte pas jusqu'à nous, nous voyons bien tout l'enjeu qu'il y a à avoir, dans le cadre de cette lutte contre les moustiques, des outils qui soient respectueux des orientations du développement durable, de l'écologie et des écosystèmes. Ce qui a pu exister – cela renvoie à des images d'Épinal – dans l'après-guerre avec une lutte contre les moustiques extrêmement puissante, qui a été efficace, mais au prix sans doute d'une pollution durable d'un certain nombre d'espaces, est quelque chose que nous ne pouvons plus faire.

Cela rejoint peut-être votre propos et votre question précédente sur la possibilité d'utiliser de nouveaux outils et de nouvelles techniques, sous réserve bien sûr qu'elles soient validées en termes sanitaires par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). C'est sans doute dans cette voie qu'il faut avancer, mais, de notre côté, nous n'avons pas de remontée de mise en cause spécifique de l'utilisation de tel ou tel produit.

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Avez-vous d'autres observations à transmettre à la commission d'enquête ?

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Non, mais j'ai peut-être une question si vous m'y autorisez, pour l'intérêt collectif des services de la direction générale. Par rapport notamment au texte dont vous nous avez parlé, émanant de la proposition de loi adoptée par le Sénat, l'idée de votre commission est-elle aussi de travailler à la construction d'un nouveau cadre juridique ou êtes-vous, à ce stade, plutôt dans l'idée d'avoir un constat et une observation des situations ?

Je ne cherche pas à poser une question délicate. À titre d'information, pour l'administration centrale que nous sommes, c'est intéressant de savoir s'il y a des perspectives d'évolution de par les conclusions de votre commission d'enquête, ces sujets étant historiquement complexes.

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Les deux, car faire le constat est une bonne chose, mais avoir des préconisations est encore mieux, en tenant compte de ce qu'il se passe dans tout le territoire national. Comme vous le savez, toute la France est impactée, mais plus encore les territoires ultramarins.

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Nous avons le sentiment que la bonne articulation entre les ARS et les communes ou les départements dépend beaucoup des personnes.

En ce moment, il est un peu de bon ton de la part des collectivités locales de vouloir à tout prix récupérer des compétences des ARS ce à quoi, à titre personnel, je suis formellement opposée. S'il y a des choses à repenser dans l'organisation et les missions des ARS, ce qui est à peu près acquis pour tout le monde, néanmoins ce ne serait certainement pas dans le retrait mais plutôt dans l'augmentation à mon sens, avec une meilleure redéfinition territoriale, notamment dans les liens.

Je viens de passer dix semaines au sein de la réserve sanitaire à l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). Je suis la seule parlementaire à ce jour à avoir passé dix semaines en immersion et je pense notamment, que sur l'équilibre entre « préfectures de santé » telles que je les considère et préfectures territoriales, il faut sans aucun doute mieux encadrer les obligations des uns et des autres et avoir des zones de discussion.

Je pense notamment – c'est un sujet tout à fait annexe à ce qui nous occupe aujourd'hui – à la gestion des décès massifs. Je peux vous dire pour avoir travaillé un peu dessus que c'est catastrophique.

Je pense à un outil qui est très utile : les projets d'intérêt général (PIG) qui sont décrétés par les préfets, avec les questions de prévention et d'accès aux zones privées, y compris quand il faut faire des travaux, quand on subroge à des associations, quand les propriétaires privés ne sont pas là pour les curages de fossés, ou d'autres travaux dans l'intérêt des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), etc.

Je pense que nous avons plein d'outils juridiques, mais que, parfois, ils ne sont pas suffisamment déployés, peut-être pas assez appuyés sur le couple maire-préfet pour donner cette subsidiarité territoriale qui est attendue dans les objectifs de décentralisation.

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Stanislas Bourron, directeur général des collectivités locales

Ces points concernent l'organisation des services de l'État sur laquelle je n'ai pas de compétences. Le fait est que, sur ce sujet de la lutte contre les moustiques, nous n'avons pas d'information selon laquelle il y aurait eu des difficultés d'articulation dans les périodes précédentes et que l'intervention des uns et des autres aurait présenté des difficultés.

Effectivement, la période qui vient de s'écouler est très particulière et des retours d'expérience seront à faire. L'intervention des uns et des autres sera regardée. Nous avons vu l'intérêt, dans le cadre juridique que nous connaissons aujourd'hui, d'avoir une capacité de déconcentration d'actions régionales, départementales et communales qui fait intervenir différents acteurs. Notamment dans la période du déconfinement, nous avons vu à quel point cela permet d'avoir une intervention qui est plus adaptée à chacun des territoires.

C'est pour cela que, pour revenir sur le sujet du jour, il nous semble important de conserver ce pouvoir de police spéciale du maire parce que c'est un facteur important d'identification, d'observation, de signalement, mais dans une logique de lanceur d'alerte, pour que, ensuite, les autorités sanitaires qui disposent d'une capacité d'intervention dépassant la commune, dépassant le département, puissent utiliser les outils appropriés pour intervenir dans le cadre d'une gestion sanitaire du sujet car tout cela ne s'arrête pas à des territoires administratifs.

La réunion s'achève à quinze heures cinquante-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 15 h 05

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Sereine Mauborgne

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, M. Alain David, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean‑Hugues Ratenon