Intervention de Vincent Vicard

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au CEPII :

La désindustrialisation est un phénomène global. Dans le cas de la France, nous pouvons chercher à déterminer si le phénomène est amplifié par rapport à nos partenaires. En l'occurrence, la comparaison avec l'Allemagne est peu pertinente car c'est le seul grand pays riche à avoir conservé un secteur industriel important au regard de son PIB. Elle a réalisé des excédents commerciaux massifs – représentant 8 % du PIB, un niveau inédit depuis des décennies pour un grand pays riche – qui lui ont permis de maintenir son industrie et qui ne sont pas reproductibles par d'autres pays.

De nombreuses politiques économiques ont été centrées sur la notion de compétitivité prix. Cela permet d'expliquer une partie de la divergence avec l'Allemagne mais seulement environ la moitié pendant les années 2000 ; ce n'est plus un facteur explicatif dans les années 2010, dans la mesure où les coûts unitaires du travail ont augmenté en Allemagne plus vite qu'en France, si bien que nous sommes revenus à la situation comparée de 2000.

De nombreux autres facteurs peuvent alors être imaginés : la qualité, l'innovation, le marketing, l'image de marque, etc. Cela représente un défi pour les économistes car nous avons des difficultés à mesurer la contribution de ces facteurs. Il n'existe donc pas de réponse unique. Nous pouvons par exemple pointer le fait que les investissements en R&D qui émanent des grandes multinationales françaises ne profitent pas nécessairement à la production industrielle en France. Les multinationales françaises emploient six millions de personnes à l'étranger, contre cinq millions pour l'Allemagne, un pays pourtant plus peuplé. Les chiffres sont encore plus faibles en Italie (deux millions de personnes) et en Italie (moins d'un million). Dès lors que les processus de production sont segmentés, on peut imaginer un modèle où les activités à forte valeur ajoutée sont concentrées dans certains pays, sans pour autant y favoriser l'activité manufacturière locale.

Par ailleurs, le mode de gouvernance des entreprises françaises est sensiblement différent de celui des entreprises allemandes. Les sièges sociaux des sociétés allemandes sont répartis d'une manière nettement plus uniforme qu'en France, et ils sont beaucoup plus proches des sites de production – ce qui incite davantage les décideurs à mettre en place des politiques favorables aux salariés plutôt qu'à délocaliser. Par ailleurs en Allemagne, les salariés représentent entre 30 et 50 % des droits de vote dans les conseils d'administration. Des études ont montré que cela conduisait à moins d'externalisations et donc à moins de délocalisations. Quant à la productivité, elle semble être influencée plutôt positionnement par ce système de cogestion.

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