Au-delà des comparaisons de chiffres, les entreprises industrielles ne sont pas des acteurs isolés en concurrence parfaite mais elles font partie de réseaux industriels, entretenant des relations socio-économiques avec les entreprises voisines. Pourquoi n'avons-nous pas développé le modèle du Mittelstand en France ? En 1982, lorsque Jean‑Pierre Chevènement était ministre de l'Industrie, une commission était chargée d'établir des pôles de compétitivité en France, c'est-à-dire des réseaux d'entreprises qui auraient eu un intérêt commun à être liées entre elles. Cela a été un échec et l'idée a été rapidement abandonnée.
La densité des réseaux industriels allemands s'explique tout d'abord par la structure de l'actionnariat : les entreprises sont contrôlées par des actionnaires familiaux patients et ne privilégient pas la valeur de l'action comme le veut la logique néo-libérale.
Le deuxième élément est le rôle primordial des collectivités territoriales, qui proposent notamment des cursus de formation compatibles avec les besoins de recrutement des entreprises locales.
Le troisième facteur est le mode de gestion partenarial des entreprises. Le conseil d'administration devient une instance de gouvernance politique qui prend des décisions stratégiques et structurelles. La Constitution allemande garantit un certain niveau de représentation des salariés.
Enfin, le dernier élément est le financement : les banques locales et régionales allemandes sont fortement impliquées dans le financement des entreprises.
Pour autant, l'Allemagne a été confrontée à un immense défi au moment de la réunification. Ce n'est qu'au début des années 2000 que la situation a évolué. À cette époque, la Chine a intégré l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui a été pour l'Allemagne l'occasion de fabriquer les biens d'équipement dont les Chinois avaient besoin. Dans la phase d'industrialisation rapide de la Chine, tous les pays développés ont connu une décroissance assez prononcée de leur industrie car la Chine est devenue en quelque sorte l'usine du monde du fait de la globalisation. L'Allemagne a quant à elle pu maintenir un tissu industriel important grâce à sa complémentarité par rapport à la Chine. Les réformes engagées par Gerhard Schröder et les réformes sur les salaires ont par ailleurs dopé la compétitivité allemande.
Sans revenir à l'idée de Mittelstand, pour assurer le développement de notre tissu industriel dans le contexte actuel de forte incertitude, nous aurions besoin d'ensembles assimilables aux pôles de compétitivité.