Intervention de Pierre-André Buigues

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School :

Avec l'Autriche, les Pays-Bas et à un certain degré l'Autriche, le Danemark et la Belgique, l'Allemagne forme le cœur industrialisé de l'Union européenne. Les pays nordiques ont eux aussi très bien résisté. Le décrochage s'est produit dans les pays du Sud au moment de l'élargissement de l'Union à l'Est. En vingt ans, la production industrielle des pays de l'Est a triplé. Ces derniers ont bénéficié de relocalisations d'activités industrielles pour lesquelles le coût de la main d'œuvre constituait une variable d'ajustement. Certaines entreprises françaises ont délocalisé en Pologne, en Slovaquie ou en Roumanie à cette époque.

La stratégie coût est condamnée. Le coût horaire du travail représente entre 36 et 40 euros de l'heure en France contre 10 euros dans les pays de l'Est. Et il s'agit là de pays au sein de l'Union européenne !

Vu qu'il est impossible de rivaliser sur le plan des coûts, la deuxième stratégie possible consiste à viser la montée en gamme en proposant des produits à forte valeur ajoutée, ce qui requiert des investissements de recherche et développement et le développement de technologies avancées. Or entre 2008 et 2019, le taux de dépenses de R&D est resté légèrement supérieur à 2 % du PIB. C'est faible si l'on considère que ce taux est de 3,5 % en Suède et de 3,2 % en Allemagne. Pour atteindre un niveau d'investissement comparable à l'Allemagne, il faudrait dépenser 25 milliards d'euros de plus chaque année. La France n'a pas d'autres choix que de se tourner vers les technologies avancées. Selon une étude d'Eurostat, cette filière est deux fois moins développée qu'en Europe nordique et germanique, c'est-à-dire précisément les pays qui dépensent beaucoup en R&D. Le crédit d'impôt recherche (CIR) apparaît insuffisant pour atteindre les mêmes niveaux d'investissement en France. Alors que le taux en France stagnait autour de 2 %, dans la même période, il est passé de 1,6 à 3,2 % en Autriche, et il a progressé d'un point en Belgique. L'Allemagne n'est donc pas le seul pays européen à avoir réussi à opérer cette montée en gamme. Les pays du Sud ont perdu une grande partie de leur industrie au profit des pays de l'Est car ils ne pouvaient pas rivaliser au niveau du coût du travail. Leur seule stratégie consiste donc à investir dans les technologies avancées et la recherche et développement. Nos efforts restent à ce jour insuffisants.

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