Mon propos sera plus axé sur la macroéconomie. On mesure souvent la désindustrialisation à travers la diminution de la contribution de l'industrie à la valeur ajoutée ou au produit intérieur brut (PIB). La désindustrialisation n'est pas un mouvement propre à la France, et du fait des forts gains de productivité de l'industrie, l'emploi industriel tend à occuper une part décroissante de l'emploi total, alors que dans la demande, la part des bien industriels reste stable, voire peut décliner.
Je pense que nous devons donc plutôt raisonner en fonction de la performance relative de la France par rapport à ses principaux concurrents, en non pas en termes de part de l'industrie dans le PIB. Comme beaucoup de pays européens, la France a perdu du terrain par rapport aux grands pays émergents et notamment la Chine. Chez Rexecode, nous avons principalement analysé la situation comparative de la France et de ses voisins de la zone Euro, pour deux raisons principales, car Nos économies sont sensiblement au même niveau de développement et parce que nous partageons la même monnaie, ce qui nous affranchit des considérations d'effets de change et de politiques de dévaluation.
Nous avons observé, au cours des vingt dernières années, une profonde redistribution de l'activité industrielle au sein de la zone euro. L'Allemagne est la grande gagnante : l'industrie manufacturière allemande représentait, en 2000, 35,4 % de la valeur ajoutée manufacturière de la zone euro et ce taux est passé à 38,1 % en 2019. Je me borne à l'année 2019 pour ne pas perturber l'analyse avec la crise sanitaire. Inversement, la part de la France est passée de 17,5 % de l'activité manufacturière de la France à 13,8 %. L'Espagne affiche une légère baisse et l'Italie a reculé deux fois moins que la France. La France est le pays qui a connu le recul le plus important de son activité industrielle parmi les principales économies de la Zone Euro. Parallèlement, les parts de marché à l'export ont régressé dans les mêmes proportions, le parallèle est frappant.
Nous avons essayé de trouver et d'identifier des raisons. Un des paramètres qui joue rapidement un rôle est celui des coûts. Au début des années 2000, les deux principales économies de la zone euro ont mis en place des politiques radicalement opposées : l'Allemagne a mis en place des réformes du marché du travail pour diminuer le coût du travail et des cotisations – notamment par la négociation – tandis que la France appliquait une politique de réduction du temps de travail, entraînant une hausse du coût horaire. Des allégements du coût du travail sous le mandat de François Hollande ont permis de ralentir la tendance alors qu'outre-Rhin, les salaires augmentaient, mais l'enjeu est aujourd'hui de recouvrer nos pertes.
Notons que les constats sont sensiblement les mêmes dans chaque sous-secteur de l'industrie : on retrouve ces pertes de marché, l'activité manufacturière et les parts de marché françaises ont reculé dans tous les secteurs, que ce soit l'agroalimentaire, le textile, que ce soit l'automobile, la seule exception étant l'aéronautique, qui est un de nos points forts.