Intervention de François Lévêque professeur d'économie au centre d'économie industrielle des Mines ParisTech

Réunion du mercredi 22 septembre 2021 à 18h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

François Lévêque professeur d'économie au centre d'économie industrielle des Mines ParisTech :

Je vous ferai part de quelques réflexions générales en qualité de micro-économiste. Puisque je suis celui qui connait sûrement le moins l'aspect macroéconomique de la question, j'aurais aimé avoir un descriptif plus précis du diagnostic actuel et des éventuels points de controverse.

Je suis davantage spécialiste de l'analyse de la concurrence, c'est-à-dire de savoir si Bruxelles est un frein qui expliquerait la désindustrialisation. En l'occurrence, je ne pense pas que l'Union européenne explique la désindustrialisation, contrairement à l'idée répandue que l'ouverture à la concurrence voulue par Bruxelles aurait empêché l'émergence de champions nationaux et européens.

Je m'intéresse de près aux politiques industrielles. Et là le message principal est de dire qu'il y a des manières modernes de penser les politiques industrielles, qui réduisent le risque de capture par les lobbies, et il y a une légitimité théorique des politiques industrielles. Là où les économistes ne s'accordent pas c'est sur le fait de dire si les écueils principaux des politiques industriels c'est que, généralement, ce sont les plus grosses entreprises qui bénéficient des aides. Mais cet état de fait est en train de changer car il existe de manières intelligentes de mener des politiques industrielles.

Je connais bien également le thème des entreprises « superstars ». Depuis une quarantaine d'années, les inégalités sont croissantes entre les entreprises qui réussissent et celles qui ne réussissent pas, que ce soit en termes d'innovation, de profils, de parts de marché, de gains de productivité, de revenu. Il y a toujours eu des entreprises qui réussissent mieux que d'autres, mais l'écart entre celle-ci est fortement croissant.

N'étant pas un spécialiste de la question, je m'interroge au sujet de la terminologie employée. Est-il raisonnable de parler de désindustrialisation, un concept qui véhicule l'idée de déclin de l'industrie ? Cela signifie que l'industrie disparaîtrait, ce qui n'est pas le cas. Un ancien issu de mon école évoquait d'ailleurs « une France sans usines » mais je pense que nous pouvons oublier cette idée.

Vous évoquez les industries françaises de manière générale dans votre questionnaire mais je ne sais guère ce que c'est « les industries françaises », comment les caractériser, sachant que beaucoup d'usines en France sont contrôlées par des investisseurs étrangers ou ont reçu des capitaux étrangers.

La question ne se résumerait-elle pas à la compétitivité des entreprises industrielles françaises ? Le diagnostic de la désindustrialisation relève d'une déformation de la demande et de pertes de compétitivité. Selon une étude de la direction générale du Trésor, entre 1980 et 2007, les pertes de compétitivité n'expliqueraient le déclin de l'industrie qu'à hauteur de 13 %. Il serait intéressant de savoir si ce chiffre fait consensus ou non. Si la problématique est celle d'un manque de compétitivité, pourquoi employer l'expression « désindustrialisation » ?

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