Le secteur de la santé est un secteur compliqué qui demande des analyses spécifiques. Mais nous avons quand même l'impression qu'il est assez paradigmatique d'une structure industrielle française : nous avons un grand groupe – Sanofi – qui rachète des PME, qui gère par acquisition externe, qui gère une dynamique technologique, qui assume ses choix technologiques et jouit d'un quasi-monopole. Nous avons également un institut parapublic réputé – l'institut Pasteur. Le secteur se caractérise peut-être par une prise de risque plus faible que chez nos partenaires. Nous aurions peut-être besoin d'autres structures qui ouvriraient des perspectives vers d'autres choix technologiques.
Comment trouver une politique de réindustrialisation qui convienne à l'écosystème français ? La volonté de promouvoir le dialogue social dans l'entreprise se heurte à un faible taux de syndicalisation. Soit on a une politique très volontariste de chèque syndical et on force un taux de syndicalisation mais c'est une vraie difficulté. Le syndicalisme allemand s'est construit au fil des siècles. J'ai relu récemment le rapport de Pierre Massé, qui est à l'origine du plan français de l'après-guerre. Il était basé sur le dialogue social entre les partenaires sociaux : syndicats de salariés, patronat, universitaires, représentants de la société civile. Nous aurions besoin, pour réactiver le plan, d'un lieu de dialogue social national. Cela me semble nécessaire pour opérer des choix qui influeront sur les cursus de formation des ingénieurs et sur l'orientation de la recherche publique. Je pense donc que nous devons non seulement inciter au développement de la représentation des salariés, mais également créer des instances centrales de dialogue où les choix technologiques pourraient être discutés. Je pense que nous avons manqué une opportunité avec le grand plan d'investissement. Cette initiative aurait dû susciter un dialogue social sur les priorités d'investissement. La question ce n'est pas celle des produits ou des milliards d'euros. Le succès des politiques économiques dépend fondamentalement des conditions dans lesquelles elles sont élaborées.