Nous avons remis un épais rapport à l'Assemblée nationale il y a presque un an. Les politiques industrielles constituent un sujet presque infini. Nous avons compris que vous portiez un intérêt particulier à l'industrie de la santé et la pharmacie. Nous en dirons quelques mots, mais la pandémie a soulevé des problématiques nouvelles qui nécessiteraient une approche spécifique.
Pendant de nombreuses années, la politique industrielle a un peu disparu de la scène politique. Elle n'était pas prioritaire pour plusieurs raisons. Les politiques de filières n'avaient pas vraiment réussi dans les années quatre-vingt. Le monde se globalisait, se libéralisait et de nombreux secteurs fermés à la concurrence s'ouvraient. Les échanges internationaux se développaient et croissaient plus rapidement que la croissance mondiale.
Des phénomènes spécifiques et très variables d'un pays européen à l'autre sont alors observés. L'Allemagne, notamment, s'est davantage tournée vers une politique de l'offre, alors que la France a, dans le même temps, pratiqué une politique de la demande. Ces politiques différentes ont eu un impact important sur les différentiels de coûts, de fiscalité et de charges sociales entre les deux pays.
L'industrie ayant un peu disparu du spectre, certains secteurs qui présentaient de grands enjeux industriels sont passés au second plan au profit d'enjeux de services, par exemple et notamment dans les télécoms.
Ce climat a changé à la suite du rapport Gallois qui a cristallisé de nombreuses évolutions sur des décisions visant à améliorer l'environnement des entreprises aux sens juridique et social, notamment grâce à l'allègement de charges. Dans le même temps, le rythme de la mondialisation ralentissait et la croissance des échanges internationaux cessait d'être nettement plus rapide que la croissance du PIB dans le monde. Dans cette phase, le poids de la Chine a énormément progressé.
L'avenir laisse entrevoir un grand défi, commun à de nombreux secteurs industriels, à savoir la transition écologique et le changement climatique. Un nombre considérable d'industries sera impacté par les politiques adoptées en ce sens.
La France et ses voisins ont utilisé des instruments similaires, mais leur poids relatif est différent. Il existe quelques singularités françaises. La participation de l'État dans des entreprises est plus importante que dans d'autres pays. Les États-Unis ont conjugué des fonds privés extrêmement abondants, capables d'investissements unitaires de très grande taille sur des secteurs à risque, et des administrations tout aussi prolifiques, selon des processus de décision et de contractualisation très différents de ceux de la France. Cela a largement contribué au succès des États-Unis dans de nombreux domaines. L'Allemagne a pratiqué une politique « horizontale » extrêmement active dans les années 1990-2000 qui a produit des gains considérables de productivité et de compétitivité pendant cette période.