Intervention de Sonia Bellit

Réunion du jeudi 30 septembre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Sonia Bellit, cheffe de projet à la Fabrique de l'industrie :

Merci pour cette nouvelle invitation. Je voudrais tout d'abord dresser un diagnostic de la désindustrialisation. La crise sanitaire a montré que les pays les plus désindustrialisés pouvaient se trouver en incapacité de répondre à des besoins essentiels : nous nous sommes retrouvés au début de la pandémie face à des pénuries de masques, de réactifs pour les tests de réaction de polymérisation en chaîne – polymerase chain reaction (PCR) et de respirateurs. Aujourd'hui, on entend parler de pénuries de semi-conducteurs. En comparaison, l'Allemagne avait un excédent commercial sur des biens liés à la gestion de crise sanitaire et a pu dès le début mettre en place une politique de dépistage massif de sa population. En 2019, la France était en déficit commercial sur ce type de biens, ce qui l'a contrainte à jouer très rapidement la carte du confinement strict, avec les effets que nous connaissons sur l'économie.

Cette crise a montré le handicap que constitue la désindustrialisation. Comme beaucoup d'autres pays similaires, la France est concernée par ce handicap, mais elle a connu un décrochage plus rapide, comme le Royaume-Uni, au cours de la décennie 2000-2010. Trois facteurs expliquent cette désindustrialisation : les gains de productivité, l'externalisation des activités industrielles vers les services et la concurrence internationale par les coûts des pays émergents. Cette dernière a mis en évidence un déficit de compétitivité-coût et un déficit de compétitivité hors coût.

Le déficit de compétitivité-coût se traduit dans la décennie 2000-2010 par des coûts salariaux unitaires particulièrement dynamiques pour la France et les pays du Sud, face à l'Allemagne qui avait opté pour la modération salariale pendant cette décennie. La divergence des coûts salariaux unitaires entre ces pays s'est alors accrue. En revanche, dans la décennie 2010-2019, les coûts salariaux unitaires ont convergé, en raison de l'augmentation des salaires en Allemagne et des politiques favorisant une plus faible augmentation des coûts salariaux unitaires en France. Une deuxième explication relève de la fiscalité. Le poids des prélèvements obligatoires pour l'industrie est relativement élevé en France par rapport aux autres secteurs, mais aussi par rapport à l'Allemagne, avec laquelle l'écart sur ce que représentent les prélèvements obligatoires sur la valeur ajoutée brute industrielle est de dix points. Cet écart s'explique pour moitié par les impôts de production, et leur baisse va donc dans le bon sens.

Je souhaite insister sur les éléments de compétitivité hors coût : la France est plutôt positionnée sur du milieu de gamme qui a favorisé des stratégies d'internationalisation et notamment des investissements directs à l'étranger, ou des délocalisations. Le milieu de gamme est plus sensible à la variation des prix et donc aux coûts. La démographie des entreprises en France, qui compte beaucoup de grands groupes, favorise aussi les délocalisations et les investissements directs à l'étranger, qui leur posent moins de contraintes financières et juridiques qu'aux petites entreprises plus ancrées sur leur territoire. Un autre élément de compétitivité hors coût est le problème de l'attractivité de l'industrie, qui souffre d'une image dégradée, alors qu'elle offre de meilleures conditions de travail, de stabilité de l'emploi, et de rémunération que d'autres secteurs. Ce sont à la fois les métiers et filières notamment professionnelles qui y mènent qui sont dévalorisés. Les enjeux autour de la formation sont aussi son adaptation à l'industrie du futur ou « industrie 4.0 ». Les nouvelles technologies telles que la robotique ou l'internet des objets doivent être intégrées aux entreprises pour qu'elles puissent produire de manière plus efficace, mieux connaître leurs équipements et faire de la maintenance prédictive. Elles permettent aussi de se différencier des autres entreprises en produisant des biens personnalisés à des coûts aussi rentables que la production de masse. Elles contribuent enfin à créer des gisements de valeur pour les entreprises en produisant des services attachés aux biens fabriqués, personnalisés selon les usages qu'en font les consommateurs grâce aux données qu'elles collectent.

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