Plus que les secteurs, il faut identifier des filières ou groupements de secteurs. Il existe des indices de variété permettant de mesurer à l'intérieur de l'industrie, ou entre industrie et services, les relations qui s'opèrent entre les composantes du tissu productif. Par exemple, le photovoltaïque fait intervenir les secteurs de l'électronique, de l'agriculture, des transports, ou encore la filière silicium. Le tableau d'échanges interindustriels français est plein de vides. C'est ce qui explique l'insertion importante de la France dans les chaînes globales de valeur et ces aller-retours de produits pour l'assemblage de composants avant d'obtenir le produit final. Toutefois, cela accroît la dépendance aux transports et à la logistique et expose donc à d'éventuelles ruptures dans les chaînes d'approvisionnement. L'étude de ces indices de variété montre que le degré de variété a tendance à accroître la résilience ou à expliquer le succès des territoires industriels, ou néo-industriels à l'ouest du pays.
J'appelle en effet à remettre à plat le système d'aides aux entreprises. Il y a 71 mesures dans le plan de relance, dont 43 dites « ciblées » sur l'industrie. Elles ciblent en réalité les entreprises de manière générale, même si les secteurs de l'hydrogène ou de la rénovation thermique des bâtiments ressortent. Toutefois, l'essentiel des dispositifs, comme la baisse des impôts sur la production, s'applique à l'ensemble des entreprises. Nous avons simulé, toutes choses égales par ailleurs, une annulation totale des impôts de la contribution économique territoriale des entreprises (CET) ciblée par la réforme : quels en seraient les effets sur l'investissement des entreprises industrielles ? Cette annulation n'aboutirait qu'à 1 400 euros d'investissement de plus par an par entreprise industrielle. La part des impôts sur la production dans la valeur ajoutée, plus précisément dans l'excédent brut d'exploitation des entreprises, est aujourd'hui autour de 2 %, tout au plus de 2,8 %. Ainsi, en diminuant quelque chose qui représente une très faible part de la ponction qui est exercée sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises, on ne peut avoir un effet multiplicateur très important sur l'investissement des entreprises. En outre, on met en péril l'autonomie financière des collectivités locales. Or, la dépense d'investissement de ces dernières, qui est un facteur d'attractivité pour les entreprises, peut être amputée par cette baisse de recettes.
Une remise à plat des aides aux entreprises ne signifie pas forcément qu'il faut les réduire, mais plutôt qu'il faut les allouer différemment. J'ai évoqué la différence entre les aides individuelles et collectives. Aujourd'hui, 80 % voire davantage des systèmes d'aides sont individuels. On considère donc que l'entreprise porte sa trajectoire propre, mais aussi les synergies avec les autres entreprises et les autres territoires. Or la proximité géographique ou économique ne suffit pas à exercer des effets d'entraînement. Le support à des projets qui relient les grands entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME), ou qui relient les entreprises, la formation et la recherche, sont très porteurs parce qu'ils ont un effet au niveau de l'écosystème productif et pas seulement sur les résultats d'une firme individuelle. La remise à plat doit aussi passer par l'imagination de nouveaux dispositifs de soutien collectif.