Intervention de Vincent Touraille

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Vincent Touraille, directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI, président du syndicat professionnel de l'industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie) :

Si les marges réalisées deviennent faibles ou négatives, la commercialisation est arrêtée. C'est le principe de base. Les laboratoires pharmaceutiques font néanmoins extrêmement attention, car des régulations encadrent le retrait d'une molécule du marché. Dans bien des cas, la baisse systématique des prix des médicaments peut poser problème. Elle conduit souvent nos clients à aller s'approvisionner auprès d'entreprises européennes meilleur marché afin de continuer à commercialiser leurs produits. Un label « made in Europe » permettrait de justifier certains prix de médicaments fabriqués intégralement en Europe et d'enrayer l'érosion des prix. C'est une difficulté que nous rencontrons quand nous vendons nos principes actifs. Les fabricants de médicaments génériques ou « génériqueurs » exclusifs vont rechercher les prix bas tandis que certains laboratoires pharmaceutiques, plus attentifs, vont trouver un équilibre avec les critères de vulnérabilité en s'assurant d'une production pour partie en Europe afin de diminuer les risques d'approvisionnement.

En ce qui concerne les polluants à traiter, nous appliquons les règles qui sont les mêmes pour tous nos concurrents européens. L'industrie chimique européenne a été capable de mettre en place toutes les réglementations et de surmonter tous les problèmes liés aux polluants. Il existe une distorsion de compétition puisque nous sommes confrontés à des industries qui appliquent moins de critères environnementaux, comme en Inde. La Chine a relevé ses critères environnementaux, mais pas encore l'Inde où les industries peuvent rejeter de nombreux produits dans les rivières. Nous proposons, par exemple, que soit considérée dans les appels d'offres des hôpitaux la partie environnementale et que l'on puisse faire du multi-attributaire afin de donner la possibilité, même à un prix plus élevé, à des producteurs européens de remporter des marchés. Une taxe pourrait également venir s'appliquer afin de s'assurer que les fabricants hors de l'Europe appliquent les mêmes règles environnementales que les fabricants européens.

Il est toujours possible pour des chimistes de retraiter des effluents. Le problème n'est donc pas technique, mais vient du coût de traitement des effluents qui peut être relativement important.

L'innovation est un point essentiel pour la création de nouvelles molécules, mais l'innovation des procédés est également importante. Même si elle est coûteuse, la révision totale des voies de synthèses en utilisant de nouvelles techniques, comme la chimie en flux continu, la biocatalyse ou l'hémisynthèse, pourrait être mis en œuvre. Ces nouvelles technologies permettraient de réintégrer un certain nombre de fabrications suivant des procédés plus innovants et plus économiques, mais ils nécessitent un investissement important pour des résultats incertains, la chimie étant une science expérimentale. La chimie en flux continu permet de diminuer nettement les effluents et les stockages de solvants et de réactifs qui peuvent être dangereux. La réponse de l'Europe à un certain nombre de technologies problématiques, que nous n'appliquons plus, pourrait se trouver inversée avec de nouvelles voies de synthèse compatibles avec les normes environnementales.

En biochimie, l'ensemble des technologies que nous possédons ont beaucoup évolué en depuis 40 ans et pourraient permettre une nette amélioration des procédés actuels. Paradoxalement, ces produits sur lesquels nous devrions investir sont très fortement concurrencés et nos marges sont donc très basses. Ils ne justifient donc pas la possibilité de faire de gros investissements avec la certitude d'être rentables.

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