Intervention de Stéphane Lepeu

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 16h00
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France :

L'association CDMO France regroupe tous les fabricants ayant au moins un site sur le sol français. Delpharm en possède 12. Les entreprises de CDMO France sont des sous-traitants dont l'activité consiste à fabriquer et à conditionner des médicaments pour le compte de laboratoires pharmaceutiques.

Concrètement, les laboratoires pharmaceutiques nous livrent du principe actif de fabricants regroupés au sein du syndicat de l'industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie). Nous achetons les autres matières nécessaires à la fabrication du médicament. Nous effectuons la fabrication selon un procédé très strict avec un cahier des charges que nous donne le client. La forme finale pharmaceutique peut être entre autres un comprimé, un sirop, des ampoules. Nous achetons ensuite auprès de sous-traitants le nécessaire pour le conditionnement comme des flacons en verre, des étuis en carton, de l'aluminium pour sceller les blisters. Enfin, nous procédons au conditionnement : à la sortie de nos lignes de fabrication, les boîtes de médicaments sont prêtes à être livrées, telles que les patients les retrouveront dans les pharmacies.

Nous ne nous occupons pas de la distribution, prise en charge par nos clients. Le rôle des usines de CDMO France consiste uniquement à produire les médicaments.

CDMO France génère 2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur plus de 80 sites industriels localisés en France. Ce sont plus de 16 000 collaborateurs qui permettent la fabrication de 3,4 milliards de boîtes de médicaments.

Les fabricants français sont principalement orientés sur les principes actifs chimiques. Il existe une exception qui est aussi sur le biologique.

Nos entreprises ont connu une grande croissance sur ces dernières années. Aujourd'hui, en France comme en Europe, une boîte de médicament sur trois est fabriquée par des sous-traitants. C'était une boîte sur cinq au début des années 2000 et les laboratoires fabriquaient encore 95 % des boîtes au début des années 1990. D'ici 10 à 15 ans, nous estimons que nous devrions dépasser les 50 % de fabrication chez les CDMO. Cette croissance est donc une tendance lourde, mais qui s'explique simplement. Nous proposons à nos clients plus de qualité pour un meilleur prix.

Plus de qualité, pourquoi ? Une usine de laboratoire pharmaceutique est confrontée aux audits des autorités réglementaires et de sa maison-mère. Une usine de sous-traitance est soumise à ces mêmes audits, mais également à ceux de tous ses clients, soit entre 10 et 30 clients par site. L'éventail de conseils et de recommandations est donc beaucoup plus large et améliore la qualité.

Un meilleur prix, pourquoi ? D'un point de vue économique, la compétitivité d'une usine réside dans l'optimisation des capacités de production. Plus les lignes tournent, plus les coûts fixes seront diminués. Une usine qui appartient à un laboratoire pharmaceutique ne pourra pas toujours optimiser ses capacités de production en fonction de l'évolution de ses propres produits, au contraire des sous-traitants qui peuvent proposer leurs capacités disponibles à l'ensemble des laboratoires et sont donc à même d'optimiser leurs lignes de production.

Au niveau des rapports entre les laboratoires et les CDMO, les relations sont classiques. Le choix d'un laboratoire s'effectue sur un équilibre entre la qualité, le service et le prix. Par rapport à d'autres industries, notre spécificité est que 12 à 18 mois sont nécessaires pour transférer un médicament d'un site à l'autre. Les partenariats s'inscrivent donc davantage dans la durée. Pour gagner un appel d'offres, il faut néanmoins bien se positionner en ce qui concerne le prix et avoir une bonne réputation sur le service ou la qualité.

Le métier, mieux connu depuis un an ou deux, a été mis en lumière aux yeux du grand public par la Covid-19 et a permis une prise de conscience de son importance puisque trois CDMO français fabriquent des vaccins.

En matière de compétitivité, nous sommes sur un triptyque qualité, service, prix. En tant qu'industrie, nous subissons les mêmes concurrences que les pays d'Europe de l'Est ou des pays d'Asie du Sud-Est, ce qui a conduit à des délocalisations, à l'image d'autres industries. Si la production de médicaments en France est considérée comme stratégique, il convient d'avoir une politique volontariste pour diminuer l'écart envers nos concurrents, européens d'une part, et asiatiques pour qui les contraintes environnementales et sociales sont moins strictes d'autre part.

En ce qui concerne nos concurrents européens, deux éléments principaux sont pénalisants pour les CDMO français. Nous pouvons tout d'abord citer les impôts de production, que la France est un des seuls pays européens à mettre en place, et qui sont dus même si l'entreprise ne fait aucun bénéfice. Ces impôts ont diminué d'un tiers cette année, ce qui va dans le bon sens et nous donne les moyens d'investir. Nous souhaitons que cette tendance continue afin d'aboutir à la suppression totale de ces impôts de production. Ensuite, il s'agit d'éviter la « surtransposition » des règles européennes qui sont rendues plus contraignantes pour les industriels français, dans une volonté pourtant louable de faire mieux que les autres. Tout ce qui va dans le sens d'une simplification et d'une stabilisation des normes fiscales et sociétales françaises pour les aligner avec la règlementation européenne nous permet d'avoir une concurrence plus saine.

La valorisation de la production française, ou du moins européenne, est importante pour concurrencer l'Asie. Un premier pas a été franchi avec l'accord-cadre du 5 mars 2021 entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et Les Entreprises du médicament (LEEM) dont l'article 27 mentionne la prise en compte des investissements réalisés dans l'Union européenne, notamment en France. Il convient d'aller plus loin et de fixer des « prix planchers » pour les médicaments dont la fabrication n'est plus assurée en Europe pour des raisons économiques. Toutes les mesures qui permettent de favoriser l'investissement, par exemple les options de suramortissement, vont dans le bon sens en nous permettant d'investir et d'augmenter les productions de médicaments en France.

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