Intervention de Guillaume Basset

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie :

». Le sujet de la désindustrialisation est à l'origine de la création du programme « Territoires d'industrie ». La France a connu une érosion extrêmement importante de l'emploi industriel puisque près d'un million d'emplois ont été détruits depuis 1995. Les facteurs sont l'externalisation vers les pays à bas coût, la productivité ou encore la tertiarisation de l'économie.

Nous constatons, depuis une trentaine d'années, une recomposition profonde du paysage industriel français. Entre 2009 et 2015, environ 80 % des zones d'emplois ont connu une destruction d'emplois industriels. 20 % ont continué à en créer, malgré une désindustrialisation très forte de notre pays. Ce n'est donc pas une fatalité.

Je fonde mon propos sur des travaux qui ont été conduits par les économistes Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain qui ont essayé d'analyser les facteurs concernant l'évolution de l'emploi industriel. Dans leurs travaux, datant de 2019, ils considèrent qu'environ 52 % de l'évolution de cet emploi industriel est lié à des conditions macroéconomiques (la productivité, la concurrence internationale, les taux de change, l'évolution de la structure des dépenses des consommateurs). La spécialisation sectorielle, souvent évoquée, n'expliquerait, selon eux, que 10 % de l'évolution de l'emploi industriel. Ils estiment l'effet local de l'ordre de 38 %. Par local, il faut comprendre le capital social des territoires ; la capacité des acteurs industriels à travailler ensemble, public notamment ; la disponibilité du foncier productif, de plus en plus rare sur nos territoires ; la présence de laboratoires et d'universités. Le territoire d'industrie de Nord Franche-Comté est souvent cité en exemple, comme pionnier, avec l'hydrogène. Le succès vient d'investissements très importants et d'acteurs locaux – l'université de Franche-Comté et des industriels – qui ont investi dans l'hydrogène. Cet effet local qui est estimé à 38 % au niveau national peut atteindre, selon ces économistes, jusqu'à 70 % à Figeac, Longwy, Lunéville ou Issoire. L'effet local est donc essentiel.

Ce diagnostic a conduit le Premier ministre, à l'issue d'une mission de préfiguration, notamment composée de votre collègue Bruno Bonnell, d'experts de l'industrie, d'une industrielle, d'un élu régional et d'une élue intercommunale, à lancer le programme « Territoires d'industrie ». Nous avons constaté que, depuis 2008, les territoires industriels qui avaient le mieux résisté étaient ceux qui avaient ce capital social, cette capacité à coopérer, à construire des projets communs, et que c'était assez peu lié à la spécialisation sectorielle.

Ce programme a trois ans et repose sur quelques principes.

Le premier principe est le ciblage sur les territoires les plus industriels de notre pays. « Territoires d'industrie » représente un peu moins de deux millions d'emplois.

Le deuxième principe est une gestion décentralisée et déconcentrée. Le pilotage a été confié aux conseils régionaux en lien avec les services de l'État, et à un binôme élu local et industriel. En matière d'organisation administrative, il est assez nouveau de confier une politique d'initiative gouvernementale en priorité aux collectivités locales et aux industriels eux-mêmes.

Le dernier principe est le suivant : le gouvernement a souhaité donner carte blanche aux territoires d'industrie. Il ne s'agit donc pas de fonctionner avec des appels à projets thématiques ou sectoriels, mais de signifier aux territoires qu'ils sont les plus à même de construire des projets qui correspondent à leurs spécificités. Pour certains territoires d'industrie, cela peut être le logement des salariés, à l'image d'Annecy où les industriels ont souligné la difficulté de faire venir des salariés dans une ville au coût du logement élevé. Pour d'autres territoires, les priorités peuvent être différentes, au rang desquelles nous trouvons les compétences, l'industrie du futur ou encore la transition écologique.

Le programme recense 1 800 projets travaillés par les acteurs locaux avec un effet d'accélération lié au plan de relance. Le Premier ministre avait annoncé 1,3 milliard d'euros de crédit de l'État d'ici à la fin de l'année 2022, mais je peux vous annoncer que cette somme a déjà été engagée en septembre, notamment, au travers de la mobilisation très importante du plan de relance et notamment du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires, qui s'inscrit et qui est piloté dans le cadre de notre programme. Ce fonds a déjà permis de soutenir 1 400 projets d'entreprises ainsi que des projets collectifs comme la création de centres de formation, d'écoles de production, de plateformes logistiques ou d'écologie industrielle. Ces projets représentent la création potentielle de 27 000 emplois et 5 milliards d'euros d'investissement productif.

Au-delà de ces chiffres, « Territoires d'industrie » est avant tout une méthode, non pas conçue comme un nouveau dispositif financier ou comme un nouvel appel à projets, mais qui repose sur la confiance entre les acteurs et leurs capacités à élaborer des projets. Nous n'avons pas de projet sans territoire, mais nous avons parfois des territoires sans projet.

Cette mobilisation financière s'accompagne d'une intervention extrêmement importante de l'État et de la Banque des territoires en ingénierie pour les accompagner dans la construction de leurs projets. 75 % de l'emploi industriel se situe en dehors des métropoles, principalement dans des territoires ruraux, dans des petites villes qui n'ont pas toujours les services économiques suffisants pour pouvoir concevoir des projets, de moyen terme, complexes sur les plans du financement et parfois de la réglementation. C'est un sujet qui nous paraît tout à fait fondamental.

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