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Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicamenT

Mercredi 6 octobre 2021

L'audition est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de M. Guillaume Kasbarian, président de la commission)

La commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament procède à l'audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie » au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires et de M. Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué.

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Nous recevons M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie » au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, et son adjoint M. Jean-Baptiste Gueusquin.

Lancé fin 2018 par le gouvernement, le programme « Territoires d'industrie » vise à donner une nouvelle impulsion à ces territoires souvent en difficulté, villes moyennes et territoires ruraux pour la plupart. La gouvernance s'appuie sur un binôme élu local / industriel avec un pilotage assuré par les régions. Dans une logique de reconquête industrielle, l'État soutient leurs projets avec une enveloppe de 1,36 milliard d'euros issus principalement du plan d'investissement dans les compétences, du programme d'investissement d'avenir (PIA) et des opérateurs nationaux dont la Banque des territoires. Le plan de relance a complété cette enveloppe de 500 millions d'euros.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation. Je vous remercie également de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. Guillaume Basset et M. Gueusquin prêtent successivement serment.

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

». Le sujet de la désindustrialisation est à l'origine de la création du programme « Territoires d'industrie ». La France a connu une érosion extrêmement importante de l'emploi industriel puisque près d'un million d'emplois ont été détruits depuis 1995. Les facteurs sont l'externalisation vers les pays à bas coût, la productivité ou encore la tertiarisation de l'économie.

Nous constatons, depuis une trentaine d'années, une recomposition profonde du paysage industriel français. Entre 2009 et 2015, environ 80 % des zones d'emplois ont connu une destruction d'emplois industriels. 20 % ont continué à en créer, malgré une désindustrialisation très forte de notre pays. Ce n'est donc pas une fatalité.

Je fonde mon propos sur des travaux qui ont été conduits par les économistes Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain qui ont essayé d'analyser les facteurs concernant l'évolution de l'emploi industriel. Dans leurs travaux, datant de 2019, ils considèrent qu'environ 52 % de l'évolution de cet emploi industriel est lié à des conditions macroéconomiques (la productivité, la concurrence internationale, les taux de change, l'évolution de la structure des dépenses des consommateurs). La spécialisation sectorielle, souvent évoquée, n'expliquerait, selon eux, que 10 % de l'évolution de l'emploi industriel. Ils estiment l'effet local de l'ordre de 38 %. Par local, il faut comprendre le capital social des territoires ; la capacité des acteurs industriels à travailler ensemble, public notamment ; la disponibilité du foncier productif, de plus en plus rare sur nos territoires ; la présence de laboratoires et d'universités. Le territoire d'industrie de Nord Franche-Comté est souvent cité en exemple, comme pionnier, avec l'hydrogène. Le succès vient d'investissements très importants et d'acteurs locaux – l'université de Franche-Comté et des industriels – qui ont investi dans l'hydrogène. Cet effet local qui est estimé à 38 % au niveau national peut atteindre, selon ces économistes, jusqu'à 70 % à Figeac, Longwy, Lunéville ou Issoire. L'effet local est donc essentiel.

Ce diagnostic a conduit le Premier ministre, à l'issue d'une mission de préfiguration, notamment composée de votre collègue Bruno Bonnell, d'experts de l'industrie, d'une industrielle, d'un élu régional et d'une élue intercommunale, à lancer le programme « Territoires d'industrie ». Nous avons constaté que, depuis 2008, les territoires industriels qui avaient le mieux résisté étaient ceux qui avaient ce capital social, cette capacité à coopérer, à construire des projets communs, et que c'était assez peu lié à la spécialisation sectorielle.

Ce programme a trois ans et repose sur quelques principes.

Le premier principe est le ciblage sur les territoires les plus industriels de notre pays. « Territoires d'industrie » représente un peu moins de deux millions d'emplois.

Le deuxième principe est une gestion décentralisée et déconcentrée. Le pilotage a été confié aux conseils régionaux en lien avec les services de l'État, et à un binôme élu local et industriel. En matière d'organisation administrative, il est assez nouveau de confier une politique d'initiative gouvernementale en priorité aux collectivités locales et aux industriels eux-mêmes.

Le dernier principe est le suivant : le gouvernement a souhaité donner carte blanche aux territoires d'industrie. Il ne s'agit donc pas de fonctionner avec des appels à projets thématiques ou sectoriels, mais de signifier aux territoires qu'ils sont les plus à même de construire des projets qui correspondent à leurs spécificités. Pour certains territoires d'industrie, cela peut être le logement des salariés, à l'image d'Annecy où les industriels ont souligné la difficulté de faire venir des salariés dans une ville au coût du logement élevé. Pour d'autres territoires, les priorités peuvent être différentes, au rang desquelles nous trouvons les compétences, l'industrie du futur ou encore la transition écologique.

Le programme recense 1 800 projets travaillés par les acteurs locaux avec un effet d'accélération lié au plan de relance. Le Premier ministre avait annoncé 1,3 milliard d'euros de crédit de l'État d'ici à la fin de l'année 2022, mais je peux vous annoncer que cette somme a déjà été engagée en septembre, notamment, au travers de la mobilisation très importante du plan de relance et notamment du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires, qui s'inscrit et qui est piloté dans le cadre de notre programme. Ce fonds a déjà permis de soutenir 1 400 projets d'entreprises ainsi que des projets collectifs comme la création de centres de formation, d'écoles de production, de plateformes logistiques ou d'écologie industrielle. Ces projets représentent la création potentielle de 27 000 emplois et 5 milliards d'euros d'investissement productif.

Au-delà de ces chiffres, « Territoires d'industrie » est avant tout une méthode, non pas conçue comme un nouveau dispositif financier ou comme un nouvel appel à projets, mais qui repose sur la confiance entre les acteurs et leurs capacités à élaborer des projets. Nous n'avons pas de projet sans territoire, mais nous avons parfois des territoires sans projet.

Cette mobilisation financière s'accompagne d'une intervention extrêmement importante de l'État et de la Banque des territoires en ingénierie pour les accompagner dans la construction de leurs projets. 75 % de l'emploi industriel se situe en dehors des métropoles, principalement dans des territoires ruraux, dans des petites villes qui n'ont pas toujours les services économiques suffisants pour pouvoir concevoir des projets, de moyen terme, complexes sur les plans du financement et parfois de la réglementation. C'est un sujet qui nous paraît tout à fait fondamental.

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Dans certains territoires, les projets fonctionnent bien, les réunions sont régulières, les industriels, les locaux et les services de l'État sont en synergie. À l'inverse, d'autres territoires connaissent des lenteurs et une inertie assez forte avec des projets qui rencontrent des difficultés. Constatez-vous également cette hétérogénéité des territoires et, si oui, comment l'expliquez-vous ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Sur les 146 territoires d'industrie, environ 110 sont effectifs et dynamiques sur la durée. Effectivement, pour un certain nombre, la dynamique est moindre.

L'un des facteurs de cet état est culturel. La confiance entre les élus locaux et les industriels peut être source de difficultés.

Une autre cause est l'ingénierie. Pour y pallier, le gouvernement a décidé de soutenir le déploiement de cinquante chefs de projet. Ce sont des développeurs économiques en capacité de discuter avec les industriels et les élus locaux. Pour certains élus, c'est évident, mais, pour d'autres, c'est plus compliqué.

Dans certains territoires, plus en difficulté, qui subissent des chocs industriels très importants, nous déployons des missions fortes. Elles se traduisent par 145 jours homme d'ingénierie, des consultants spécialisés dans l'industrie qui vont voir l'ensemble des entreprises industrielles d'un territoire et qui travaillent les projets. Nous constatons que l'essentiel des projets repérés n'est pas sourcé initialement par les collectivités locales ou les services de l'État. La bonne connaissance du tissu économique par les différents acteurs publics, quel que soit l'échelon, est essentielle.

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Pouvez-vous établir un premier bilan d'appropriation des mesures de simplification de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « loi ASAP », promulguée le 7 décembre dernier, dans les territoires d'industrie ? Avez-vous des retours positifs ou à l'inverse négatifs, indiquant que des complexités administratives sont toujours présentes, et mériteraient que le législateur, les différents ministères ou les collectivités locales s'y intéressent ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Il existe une mission au ministère de l'Économie chargée de l'accélération des implantations industrielles. Nous intervenons uniquement sur quelques volets. Nous pouvons, tout d'abord, citer la mise en œuvre des sites clé en main, que vous aviez proposée, et qui se sont concrétisés à travers un appel aux territoires d'industrie. Nous avons eu plus de 300 remontées au début, qui se sont accrues au fur et à mesure, ce qui permet aujourd'hui de disposer de 127 sites industriels clé en main. Nous avons bien avancé sur la problématique des procédures au travers du titre III de la loi ASAP.

Nous pouvons, sans doute, progresser sur deux sujets : le contentieux et l'uniformisation de l'accompagnement des projets. Il existe, par ailleurs, un véritable enjeu de formation y compris de certains référents locaux de l'État.

Nous poussons également des expérimentations, comme dans l'axe Seine qui voit la mise en place d'une bande de compensation écologique. Un tiers va mutualiser la compensation écologique, ce qui permet de faciliter la réalisation de projets d'investissements.

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Avez-vous des exemples d'entreprises qui se sont déjà installées sur des sites clé en main ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Nous avons, par exemple, Vicky Foods qui est un investisseur espagnol sur le site clé en main Saônor. D'autres exemples existent, mais la crise sanitaire a impacté le travail de prospection des investisseurs. Des actions résolues sont menées en faveur des investisseurs étrangers, elles le sont moins concernant les investisseurs nationaux. Il sera nécessaire d'harmoniser la démarche entre les différents services et, sans doute, de se doter d'une approche encore plus proactive vis-à-vis, notamment, des grands comptes industriels.

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Les élus du territoire ont parfois du foncier artificialisé, déjà construit, qui coûte cher à dépolluer, alors que des entreprises en cherchent. C'est tout le problème des friches industrielles à réutiliser. Même si le fonds pour le recyclage des friches a été abondé, permettant d'irriguer les territoires qui peuvent en bénéficier, sur les dispositifs liés au foncier dans les territoires d'industrie, avez-vous des retours sur les besoins et les éventuels manques quant à la question de l'utilisation des friches industrielles ?

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Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué de programme

Les outils récemment déployés, tels que le fonds « friches » du ministère de la Transition écologique et les moyens en dépollution de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) permettent de répondre à de nombreuses situations. La difficulté sur les friches est de trouver des projets qui permettent de mobiliser ces outils. Il s'agit d'irriguer des territoires qui ont beaucoup de friches, mais qui ont peu ou pas de projets. En réponse, nous mobilisons de l'ingénierie, par exemple sur le territoire de la Sambre-Avesnois-Thiérache, pour essayer de trouver des projets sur ces friches et utiliser les outils récemment mis en place.

Plus globalement, sur le sujet du foncier, la compensation environnementale reste un sujet dans la plupart des zones industrialo-portuaires avec des stratégies en matière de foncier à développer avec les différents acteurs publics et privés. De grandes différences existent entre différents territoires d'industrie, entre ceux qui ont beaucoup de friches, mais peu de projets, et ceux qui ont des projets, mais peu de disponibilités. Les problématiques étant très différentes, il est important d'avoir des outils qui s'adaptent à ces différentes situations. Pour les territoires avec peu de friches, des solutions pourraient être envisagées en travaillant sur des outils de densification du foncier industriel, sur des zones qui ne sont pas actuellement occupées, ou sur des mises à disposition venant de grands acteurs.

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L'hétérogénéité des taux de chômage est très grande d'un territoire industriel à un autre et se pose la question de la capacité de certains territoires à déplacer et faire déménager des gens. Les dispositifs d'accompagnements à la mobilité ne sont pas toujours au rendez-vous.

Dans les différents territoires que vous suivez, avez-vous des propositions qui sont remontées ? D'une part, pour accélérer l'attractivité du territoire, et d'autre part, pour demander un soutien de l'État et des collectivités afin de faciliter la venue de salariés. Lesquelles fonctionnent et lesquelles ne fonctionnent pas ?

Comment certains réussissent-ils à attirer sur leur territoire et à travers quels dispositifs ?

Enfin, quels sont les besoins qui, aujourd'hui, ne sont pourvus ni par l'État ni par les collectivités et qui, pourtant, pourraient représenter un avantage ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Deux sujets émergent du terrain, celui des compétences et celui de la rareté du foncier productif, les deux étant parfois liés.

En ce qui concerne les compétences, nous constatons qu'un recrutement sur deux dans l'industrie est difficile ; or 224 000 recrutements sont prévus dans l'industrie pour cette année.

Nous intervenons de différentes façons. Nous le faisons, tout d'abord, au sujet de la proximité d'une offre de formation autour des métiers de l'industrie. Nous avons, par exemple, lancé une opération, « au cœur des territoires », avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Nous avons invité les territoires à recenser les besoins non pourvus en main-d'œuvre et à travailler avec le CNAM sur une offre de formation. Nous la soutenons, à travers la Banque des territoires, en amorçage et en prêt, et l'intercommunalité met à disposition les locaux.

78 territoires ont été labélisés et 11 nouveaux vont en bénéficier, Montbéliard par exemple. C'est un système qui a fait ses preuves et qui fonctionne. Notre travail se porte aussi sur le déploiement des écoles de production pour aller chercher de jeunes décrocheurs et les orienter vers les métiers de l'industrie. Nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt, ce qui devrait doubler, d'ici 2023, le nombre d'écoles de production en moins de deux ans. Ces établissements ont des taux d'insertion de 100 %.

Même si la mobilité des salariés ne dépasse pas 30 kilomètres, il y a sans doute une évolution nécessaire des mécanismes de son accompagnement. Dans la Sarthe, nous avons expérimenté, avec Action Logement, un dispositif lié à la fermeture d'Arjowiggins. L'organisation avait accepté de financer une expérimentation pour permettre aux salariés, licenciés de retrouver un emploi dans la région en rachetant leurs logements. Il s'agissait d'éviter que le salarié paye un loyer dans son nouveau bassin d'emploi tout en continuant à payer le prêt associé à l'achat de son pavillon. Ce dispositif a peu fonctionné en raison d'un plafond trop bas de prise en compte des salaires. Les salariés de l'industrie ont un salaire plus élevé que dans les autres secteurs et, en conséquence, un certain nombre de dispositifs d'incitation à la mobilité sont, aujourd'hui, insuffisamment attractifs.

De manière plus globale, sur la problématique des compétences, le coût d'entrée, pour les collectivités locales et les entreprises, afin de monter des projets de formation est trop important, en particulier pour les intercommunalités qui sont souvent démunies. De plus, ce n'est pas forcément leurs compétences et nous constatons que l'initiative vient du terrain. L'échelle des projets sur les compétences n'est pas régionale, elle est intercommunale ou pluri-intercommunale. Ce coût d'entrée des montages des projets de formation et d'incitation à la mobilité est crucial. Il est nécessaire de faire en sorte que les moyens mobilisés puissent se déployer dans les territoires.

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Vous avez rappelé que 1,3 milliard d'euros étaient disponibles avec une partie déjà mobilisée, mais vous pourrez sans doute préciser. Combien de territoires et d'intercommunalités sont mobilisés dans ces projets ? Les chiffres de 146 territoires et 500 intercommunalités sont-ils exacts ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Nous sommes, aujourd'hui, à 2 milliards d'euros de crédits engagés. 884 millions d'euros sont portés par l'État, 480 millions par les opérateurs publics (Banque des territoires, Business France, ADEME, Pôle emploi et la Banque publique d'investissement – BPI France) et 569 millions d'euros environ par les conseils régionaux.

Le chiffre de 146 est exact avec une forte dynamique de mise en oeuvre pour 110 d'entre eux.

542 intercommunalités sont mobilisées avec de beaux exemples, comme l'axe Pau-Tarbes. Sur ce territoire interrégional (Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), ces deux villes ne travaillaient pas ensemble ou peu, et pourtant une vraie dynamique s'est mise en place.

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Comment se définissent les projets et avez-vous une cartographie homogène sur l'ensemble du territoire national ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Les projets sont élaborés en local en fonction de nos diagnostics et sur les difficultés rencontrées par les industriels et les atouts du territoire. Chaque territoire animé par un élu local et un industriel assisté d'un technicien se dote d'un plan d'action. Une relation s'établit ensuite avec le conseil régional, la préfecture et les opérateurs sur la recherche de financement. Sur des sujets plus complexes, nous pouvons intervenir au niveau national.

La répartition n'est pas uniforme. Certains territoires travaillent jusqu'à près d'une trentaine de projets, mais la différence se fait aussi sur leur importance. Cela dépend également de la mobilisation des territoires eux-mêmes. L'ensemble des projets sont publics, sur une représentation graphique - dataviz, que nous vous transmettrons, ce qui permet de se comparer entre territoires.

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Avez-vous le sentiment que certaines régions ou certains départements sont assez peu dotés ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

C'est très variable, mais pour autant nous ne constatons pas de divergence majeure. Auvergne-Rhône-Alpes est composée de 18 territoires d'industrie, ce qui induit beaucoup plus de projets. Nous en aurons moins dans de plus petites régions. Il existe une situation un peu spécifique concernant la Bretagne puisque les élus souhaitaient que l'ensemble de la région soit un territoire d'industrie. Des discussions ont permis de parvenir à un accord, mais la démarche s'y est lancée beaucoup plus tardivement et explique un écart substantiel en nombre de projets, ou en mobilisation d'investissements, avec d'autres régions.

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Quelle est la plus-value de votre démarche par rapport à ce qui existait auparavant ?

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Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué de programme

Elle se retrouve à plusieurs niveaux. Pour les territoires, la démarche permet d'avoir une logique de projet, partenariale qui réunit tous les acteurs, soient-ils publics ou privés ce qui n'était pas évident. Ainsi, une dynamique est insufflée en ayant carte blanche sur les projets à traiter et en ayant un accès facilité aux différents outils, parfois dédiés, de chaque intervenant.

Pour l'État, elle a permis de développer un volet territorial complémentaire à la politique de filière sur l'industrie. Spécifiquement, dans le cadre du plan de relance, la démarche a permis d'avoir un véritable volet territorial en proximité avec le terrain, un copilotage avec les acteurs régionaux et la capacité d'intervenir dans des territoires qui avaient des difficultés à se saisir d'outils publics. Des projets représentant des spécificités régionales ou émergentes et qui ne rentraient pas dans un cadre national ont pu être soutenus. De la sorte, de la souplesse a été rajoutée dans le mode d'intervention et certains bassins industriels sont mieux accompagnés.

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Nous intervenons de façon très importante sur le foncier avec la Banque des territoires et sur la requalification de friches, mais aussi sur les compétences. À ce titre, la Banque des territoires intervient dans la création de centres de formation, le soutien en ingénierie et en amorçage.

Du côté de Business France, il s'agit d'une démarche de soutien à l'attractivité internationale de territoire qui peut avoir un positionnement sectoriel particulier. BPI France intervient à travers le financement des projets et l'ADEME sur la problématique de l'écologie industrielle.

Cette offre de service est structurée sur 4 axes : attirer, recruter, innover, simplifier. Au début, nous avions une trentaine de services. Le panier de service évolue et s'est progressivement enrichi en fonction des initiatives qui fonctionnent. Je citais l'exemple du CNAM pour créer dans des villes moyennes des centres de formation, ce n'était pas dans notre offre en 2018. Nous avons réellement découvert les écoles de production au fur et à mesure de l'initiative « Territoires d'industrie » et nous avons proposé une mesure de soutien en ingénierie et en financement. Le panier de services évolue de manière très régulière, en fonction des initiatives qui fonctionnent.

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Avez-vous une idée de la répartition de l'enveloppe des 1,3 ou 2 milliards d'euros ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Le chiffre d'1,3 milliard correspond à la part de l'État, et 569 millions de la part des conseils régionaux. Dans ces 2 milliards d'euros, nous n'avons pas pu comptabiliser la contribution des intercommunalités et des industriels qui peuvent cofinancer des projets à travers des organismes qui les représentent, tels que l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ou l'Opérateur de compétences interindustriel (OPCO 2i). Les 2 milliards d'euros concernent les contributions de l'État et des régions. Un travail plus fin d'analyse détaillé, que l'on pourra vous transmettre, est en cours.

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Sur l'ensemble du territoire national, où se trouvent les 110 projets dynamiques que vous évoquiez et quel argent est mobilisé ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Sur la mise en place du dispositif « Territoires d'industrie – Relance », parmi les 10 premiers bénéficiaires de ce fonds, se trouvent des territoires qui ont été en difficulté et ont vécu des restructurations industrielles très lourdes, des territoires auxquels nous n'avions pas pensé spontanément. Par exemple, le territoire des Vosges a beaucoup de projets portés par les industriels du textile, notamment sur des sujets nouveaux comme les intrants biosourcés (remplacement du coton par du chanvre, du lin ou de l'ortie). Nous pourrions également citer Béthune ou le Nord Franche-Comté. Parmi ces 10 territoires, nous observons une prévalence de territoires qui étaient en grande difficulté, et qui ont engagé un retournement.

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27 000 emplois sont concernés par les 110 projets. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les grandes lignes « industrielles » . Avez-vous une analyse sectorielle des industries dites « traditionnelles » et des industries plus novatrices ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Nous avons une analyse que l'on vous transmettra. Les secteurs qui bénéficient de « Territoires d'industrie » sont des secteurs qui, souvent, ne font pas l'objet de mesure sectorielle type aéronautique et automobile. Nous allons donc retrouver des secteurs tels que l'industrie agroalimentaire, celle du bois, la mode et le luxe ou encore l'industrie textile au sens large. Nous allons retrouver une prédominance de ces secteurs qui n'ont ni l'organisation d'autres filières ni les outils associés.

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Parmi les différents outils, il a été question de compétences ; or, ce que vous nous avez dit est parfois en contradiction avec ce que nous entendons dans nos territoires ou lors de nos auditions précédentes, à savoir : les entreprises ont du mal à recruter et à être suffisamment attractives. Faites-vous le même constat, indépendamment des compétences pour lesquelles vous mettez en place des formations ? Est-ce que vous constatez dans certains territoires, une faible attractivité des projets par rapport aux salariés ?

Il existe, dans le cadre de votre pilote, une expérimentation, le volontariat territorial en entreprise (VTE). Quel prébilan pouvez-vous tirer du VTE ?

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Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué de programme

Il existe un vrai sujet sur l'attractivité des métiers dans l'industrie que nous retrouvons dans de nombreux territoires. Certains sont motivés pour œuvrer à la valorisation de l'image des métiers industriels et pouvoir ainsi attirer de nouveaux profils à tout niveau de qualification. Il n'est donc pas seulement question de formation. Il y a un sujet d'image et d'attractivité de base pour combattre l'image d'Épinal dont souffrent parfois l'industrie et certains métiers industriels.

Sur le sujet du VTE, l'idée est de rapprocher des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de territoires peu attractifs avec des jeunes issus du supérieur qui vont peu vers ce type d'entreprises. Il s'agit de relier ces deux mondes : d'un côté, permettre aux recrues d'avoir des postes intéressants et des responsabilités plus rapidement que dans de grands groupes et de l'autre, attirer de nouveaux talents pour les PME et ETI. Si nous sommes aujourd'hui à 377 VTE, notre objectif est d'atteindre les 1 000 en territoires d'industrie. L'offre s'est enrichie au fur et à mesure, puisqu'un financement a été mis en place avec une aide de 4 000 euros à l'embauche pour les entreprises en « Territoires d'industrie ». Les régions complètent parfois le dispositif avec un financement. Il existe une déclinaison « VTE vert » qui octroie un financement supplémentaire. Dans les prochains mois, un bilan qualitatif nous permettra de tirer des pistes d'amélioration sur ce programme, en fonction de la réussite du dispositif dans les territoires et des couples territoires/écoles qui ont le mieux fonctionné.

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L'un des atouts du dispositif est la mobilisation de nombreux acteurs. Toutefois, le pilotage est-il toujours collectif ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Le pilotage est mixte, d'un côté par le président d'intercommunalité ou son vice-président à l'économie et de l'autre par un industriel représentatif de ses pairs. C'est là la spécialité du dispositif : c'est la réunion de deux publics qui n'ont pas forcément l'habitude de discuter. De plus, une coordination régionale est également faite par les élus en lien avec le préfet de région.

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Ma question concerne la formation et l'apprentissage et la loi qui a été votée en ce sens. Quel est le retour sur les territoires d'industrie par rapport à l'organisation que les branches professionnelles peuvent mettre en place pour circonvenir, parfois, à l'absence de formation dans des domaines particuliers ? L'avez-vous observé sur l'ensemble des territoires d'industrie ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Vous faites donc référence à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. L'effet a été très important sur le développement de l'apprentissage. Dans l'ensemble des territoires d'industrie, l'évolution du nombre d'apprentis, lié à ce renforcement des branches, est notable.

Un travail doit être mené sur un deuxième enjeu qui est l'orientation. Un des articles de la loi prévoyait un renforcement de la mission, notamment des conseils régionaux, avec la capacité à entrer dans les établissements scolaires pour présenter plus concrètement les métiers. Il existe des initiatives régionales intéressantes, mais une grande disparité demeure entre régions.

Des actions et initiatives locales sont insuffisamment connues pour la valorisation des métiers dans l'industrie. Par exemple, l'initiative « Industrie magnifique » créée par des industriels alsaciens en partenariat avec toutes les collectivités mobilise des artistes dans les entreprises, avec les salariés, pour créer une œuvre qui permet de restituer aux jeunes leur activité. Ces créations sont exposées sur l'ensemble des places de Strasbourg et rassemblent énormément de jeunes et de parents. Ces initiatives locales sont source d'inspiration. Nous souhaitons étendre cette opération, qui s'appuie sur le mécénat d'une trentaine de PME, à l'ensemble du territoire.

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Quelles mesures envisageriez-vous pour faciliter les innovations de rupture dans les territoires ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Il existe un véritable enjeu en matière de diffusion des stratégies d'accélération qui structure le quatrième programme d'investissement avenir (PIA 4) dans les territoires puisque le coût d'entrée est important, notamment pour les PME. Cet investissement massif de la nation doit se décliner dans l'ensemble des territoires, ce qui a été accompli avec les « Territoires d'innovation – grande ambition » (TIGA), qui étaient associés à la fois à des enveloppes de soutien d'investissement, mais avant, en soutien à l'ingénierie. Bien sûr, il n'est pas question de baisser la garde sur la sélectivité, puisqu'il y a une forte exigence en termes de qualité des projets, mais il peut y avoir un soutien, en amont, des territoires qui ont le potentiel et des PME qui peuvent concourir à ces démarches, très sélectives, pour monter des projets (hydrogène, 5G, cybersécurité…).

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Existe-t-il d'autres aides à la mobilité dans les 110 projets que vous soutenez ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Un certain nombre de démarches sont accompagnées par Action Logement qui est un opérateur clé sur ces sujets. Des initiatives sont plus locales comme la bourse de l'emploi du conjoint, très efficace, qui a été mise en place par de nombreux territoires d'industrie, pour un coût très modeste. À Cherbourg, par exemple, l'agglomération a lancé une plateforme, « À la pointe », qui prévoit des accompagnements. Ce type d'initiatives, souvent portées par l'intercommunalité, se retrouve dans beaucoup de territoires et elles fonctionnent bien.

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Une des faiblesses de l'industrie française est, parfois, sa capacité d'exportation et son organisation pour exporter. La région Normandie avec Team France Export a mis en place un guichet unique dans le cadre d'un accord État-région en 2018. Quelles sont vos observations par rapport à l'exportation de l'industrie française ?

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Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué de programme

L'export est un des axes majeurs de développement industriel pour les territoires d'industrie. La Team France Export a permis de structurer l'écosystème ces dernières années, en réunissant tous les acteurs et sa déclinaison normande en est un bon exemple. Business France déploie des coaches internationaux auprès des territoires d'industrie pour les accompagner sur les questions d'attractivité sur les dimensions import et export. Si nous nous plaçons dans une position plus offensive, pas seulement de lutte contre le déclin industriel, pour renverser la dynamique, l'export est une condition nécessaire du développement de ces territoires d'industrie. Certains y parviennent et d'autres ont un peu de retard, mais c'est le rôle de Business France d'accompagner tous ces territoires.

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Avez-vous des exemples de territoires au sein desquels la participation citoyenne, les partenaires sociaux sont conviés à la discussion et à l'émergence du projet ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

Les territoires plus dynamiques, sur le plan de projets et d'emplois industriels, sont ceux où sont présents un certain nombre d'indicateurs liés à un capital social, par exemple un taux élevé d'adhésion à une association. C'est le cas en Vendée par exemple. Sont présents également des déterminants culturels comme le sentiment de responsabilité du dirigeant vis-à-vis de son territoire. A contrario, des difficultés peuvent apparaître concernant des sites de grands groupes, où l'implication dans le cadre de « Territoires d'industrie » va dépendre de la personnalité du directeur du site.

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Indépendamment du capital social de chaque territoire, n'avez-vous pas de bons modèles à suggérer ?

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Au-delà du capital social, quels sont vos retours sur l'attractivité des territoires ?

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Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d'industrie

De façon plus générale, la poursuite et l'intensification de la politique de relocalisation sont étroitement liées à l'acceptabilité sociale de l'industrie qui varie fortement entre les territoires. Pour ceux qui ont une histoire industrielle, dans l'ensemble, les projets se concrétisent, mais dans d'autres territoires, c'est plus compliqué. Il est nécessaire, parfois, pour faire de la pédagogie, d'associer la participation citoyenne, des associations et des organisations non gouvernementales (ONG) aux projets. Certains services, parfois prescripteurs ou censeurs, doivent passer à un positionnement d'accompagnateur pour des conditions de travail plus fluides avec les industriels et les collectivités, tout en respectant les exigences européennes et nationales. À titre d'exemple, le territoire d'industrie de Rochefort semble jouir d'un dialogue fluide entre l'établissement public de coopération intercommunale, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et les différents services, malgré la rareté du foncier productif, pour partie liée à Xynthia.

La réunion se termine à dix-huit heures trente-quatre.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Réunion du mercredi 6 octobre 2021 à 17 h 30

Présents. - M. Frédéric Barbier, M. Bertrand Bouyx, M. Guillaume Kasbarian, M. Gérard Leseul, M. Denis Masséglia

Excusés. - Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Éric Girardin, M. Jacques Marilossian