Nous n'avons pas travaillé sur les aspects que vous soulevez, mais nous avons constaté que l'État n'est pas équipé pour voir arriver les innovations. Nous avons eu une tradition de prospectivistes, par exemple dans les universités et les grandes écoles d'ingénieurs. Cette génération est partie en retraite et nous n'avons visiblement pas financé la génération suivante pour qu'elle travaille sur ce sujet. Il est frappant de voir le foisonnement d'innovations complexes à venir dans de nombreux domaines, notamment en raison du dynamisme créé par le numérique, et le fait que la France ne dispose pas de tour de contrôle pour les voir arriver.
L'Institut national du cancer (INCa) a tout de même développé un mécanisme de balayage d'horizon ou « horizon scanning » pour voir arriver les innovations dans le secteur du cancer. Ce mécanisme peut être généralisé, et nous le recommandons, à d'autres pathologies.
Il faut faire attention à ce que l'on ne regarde pas seulement du point de vue du ministère des solidarités et de la santé pour anticiper dans les procédures l'arrivée de médicaments, voire d'anticiper dans les simulations d'évolution de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie (ONDAM). Il faut une vision plus globale qui permette d'imaginer la manière dont ces innovations modifieront l'organisation de l'hôpital ou des systèmes de soins. Les besoins en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), par exemple, ne seront plus les mêmes si l'on sait un jour guérir les malades atteints d'Alzheimer. Des scénarios pourraient envisager des moyens de financements de ces innovations et les économies qu'elles permettraient de réaliser, mais il n'existe pas d'entité véritablement en charge de ce sujet dans les nombreuses structures qui existent. France Stratégie pourrait réaliser une partie de ce travail, mais n'est pas spécifiquement intégrée à un ministère. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) proposent également des visions qu'il faut valoriser. Il est urgent de faire travailler ensemble les acteurs et de diffuser l'information sur cette prospective santé.