Intervention de Olivier Bogillot

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 17h30
Commission d'enquête chargée d'identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l'industrie dans le pib de la france et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l'industrie et notamment celle du médicament

Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS) :

Mon prédécesseur a travaillé sur ce contrat stratégique de filière. Le Conseil national de l'industrie (CNI) a été créé en novembre 2017. Il est présidé par le Premier ministre, qui a souhaité mettre en place 14 comités stratégiques en février 2018, dont celui de la santé. Contrairement à d'autres CSF qui identifient un objet à produire autour duquel se structure la filière (par exemple, la batterie, le moteur), le secteur des industries de santé est hybride dans son ensemble. Nous avons choisi d'identifier des axes sur lesquels il existait soit des insuffisances, soit des retards, soit des possibilités d'accélérer. Nous avons également déterminé des zones où il existe un retard à rattraper ou un intérêt stratégique à capitaliser. Enfin, nous avons choisi de traiter de grandes problématiques. L'une concerne la santé publique et l'antibiorésistance. Nous avons ainsi retenu quatre axes qui forment des verticales et quatre axes horizontaux. L'augmentation de la productivité de la bioproduction constitue le premier de ces axes. Comme vous le savez, la bioproduction permet de produire des molécules souvent complexes dans des cuves à partir de cellules animales, de bactéries, de levures ou de virus. Nous réfléchissons à des technologies pour rendre les cuves existantes plus productives, plutôt que de couvrir le territoire de nouvelles infrastructures. Nous possédons en France un écosystème qui permet de travailler sur ce sujet et d'optimiser les cuves existantes. Une insuffisance a été identifiée sur la bioproduction. La pharmacopée française compte 80 % de molécules chimiques et 20 % de molécules biologiques. En 2030, les molécules biologiques représenteront probablement 50 % de la pharmacopée. En 2004, la France était leader dans l'industrie pharmaceutique en Europe, en termes de production. Elle occupe désormais la quatrième place. L'Italie s'est hissée au premier rang européen grâce à des choix très intéressants qui ont lui permis de remonter une pente très glissante, tels que celui d'investir dans la bioproduction et les biotechnologies en anticipant cette transformation du portefeuille des produits pharmaceutiques.

L'autre axe du CFS porte sur les données de santé, l'intelligence artificielle (IA) et sur l'utilisation des bases de données. Nous avons pu constater que les choses avançaient. Le Health Data Hub, la qualité du système national des données de santé (SNDS) qui est la base nationale des données de santé hébergée par l'assurance maladie et la bonne structuration du Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) dans les établissements de santé constituent plusieurs points forts. L'Institut national du cancer (INCa) travaille par exemple sur un ensemble de projets et de génération de données. Pour découvrir les médicaments et connaître les patients pour lesquels ils sont les plus adaptés, il faut examiner ces bases de données. Le CSF a jugé important que la France capitalise sur ces bases qui sont de très bonne qualité et figurent sans doute parmi les meilleures au monde. La base française est celle qui comporte le plus de patients dans un lieu unique et elle fait partie de celles que les laboratoires consultent avec celles du Danemark et d'Israël. Nous avons résolu de développer un écosystème autour de ces bases de données et un premier cas d'usage a déjà été défini qui montre l'intérêt de créer un collectif autour de l'usage des données. Je laisserai Sophie de la Motte de Broöns vous le présenter.

Les deux derniers axes concernent l'antibiorésistance et la mobilité internationale. Nous avons la volonté de promouvoir les qualités de la France à l'international, sachant que la santé est un domaine dans lequel il y a beaucoup d'échanges. À ces axes verticaux s'ajoutent deux axes horizontaux, autour de la formation et du travail avec des PME, compte tenu des nouvelles activités qui doivent être créées autour de l'usage des données, du développement des bioproductions, de l'antibiorésistance. Le CSF a été signé et constitué autour de ces axes. Il a fait l'objet d'un avenant avec de nouveaux chapitres.

Je souhaite aborder plus en détail la question de la bioproduction. Je suis relativement satisfait ce que nous avons pu faire à ce sujet dans le cadre du CSF. Nous ne poursuivons pas un objectif direct en termes de production. Il s'agit donc d'abord de fédérer l'écosystème. En 2019-2020, MM. Jacques Volckmann et Emmanuel Dequier ont fourni un grand travail afin de rassembler l'ensemble des acteurs et définir les projets prioritaires sur lesquels nous devions accélérer dans le champ de la bioproduction. Ces projets s'inscrivent dans un continuum, de la recherche et développement (R&D) jusqu'à une forme de gouvernance. La R&D représente 50 millions d'euros et 30 millions d'euros dégagés dans le cadre du Grand défi « Biomédicaments : améliorer les rendements et les maîtriser les coûts de production » lancé par le Gouvernement. Ces investissements vont souvent à des consortiums publics-privés, comme dans le cas récent du financement du projet Calypso qui réunit CentraleSupélec, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Capgemini et deux petites ou moyennes entreprises (PME). Le projet vise à définir des sondes pour observer des indicateurs au plus près de la culture afin d'optimiser la production au sein des cuves de bioproduction. Il a fait l'objet d'un financement par la puissance publique au travers de la Banque publique d'investissement (BPI) et par les acteurs eux-mêmes. C'est exactement le modèle que nous cherchons à promouvoir dans le cadre du CSF pour le développement de la R&D.

Sur l'axe consacré à la formation, nous avons construit le Campus Biotech Digital, qui s'ouvrira à Vitry-sur-Seine et ambitionne de figurer parmi les plus innovants du monde. Il s'agit de travailler avec l'ensemble de la chaîne universitaire et des écoles sur la bioproduction pour définir un programme commun et des modules de formation totalement digitalisés, avec un mécanisme de jumeaux numériques. Ce dispositif permettra de former dans ce campus les futurs techniciens afin de les préparer à travailler dans un environnement très contraint. Avec l'aide d'Orange et d'Atos, un consortium réunit des PME, des industriels et des universités autour de ce campus qui a fait l'objet d'un financement de 30 millions d'euros. C'est l'un des très beaux résultats obtenus dans le cadre du CSF.

Les investissements en R&D et dans les écoles produisent un effet d'entraînement. Nous avons attiré plus d'un milliard d'euros d'investissements industriels sur la période. Sanofi a annoncé la création de la Evolutive Vaccine Facility à Lyon autour de la bioproduction en 2020. Des entreprises comme Novasep, Novartis, Chiesi ou le Laboratoire du fractionnement et des biotechnologies (LFB) ont annoncé des projets autour de la bioproduction. Le CSF contribue à valoriser la place de la France sur la bioproduction et à entraîner l'écosystème autour de ce sujet.

Il existe également des enjeux sur le plan de la gouvernance. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Chine investissent massivement dans les bioproductions et se structurent en la matière afin de travailler à l'augmentation de la productivité des cuves, d'examiner les enjeux de demain, comme l'ARN messager. Dans le cadre du volet bioproduction du CSF, des investissements académiques ont d'ailleurs été recueillis pour cette technologie. Le CSF s'est inspiré de ces modèles internationaux pour formuler sa propre gouvernance. Cette démarche a inspiré une lettre de la ministre qui a abouti à la création de l'Alliance France Bioproduction (AFB), qui constituera sans doute demain l'interlocuteur de l'Agence d'innovation en santé (AIS) ou de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de son bureau innovation. Une des grandes difficultés des travaux de recherche des organismes académiques est de passer du stade de la recherche à la production industrielle. L'AFB pourra être cet interlocuteur qui apporte des compétences à un écosystème qui veut passer le stade de la recherche académique. Il existe la même structure aux États-Unis, avec l'agence fédérale des produits alimentaires et médicamenteux – Food and Drug Administration (FDA) qui assure une proximité entre les régulateurs et les industriels et améliore la réglementation pour permettre les évolutions scientifiques.

Le CSF a démarré lentement, car il a fallu structurer l'écosystème, mais le bilan est bon. Depuis quelques moins, nous enchaînons les initiatives, que ce soit les appels à projets de l'ANR, le « Grand défi » ou les projets avec la BPI sont plus nombreux depuis plusieurs mois. Il se passe quelque chose et c'est une bonne nouvelle !

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