Je me permets de revenir sur les relocalisations. L'élément du prix doit être pris en compte : la relocalisation nécessite que ces conditions économiques soient réunies, notamment que les établissements de santé intègrent dans leurs appels d'offres du multi-attributaire, avec des volume garantis. Je le dis parce qu'il n'est pas rare que dans un appel d'offres multi-attributaire, le moins-disant rafle 99 % du marché, fasse défaut et qu'on se retourne vers l'autre attributaire. Mais souvent, celui-ci ne possède pas les capacités de production afin de répondre à la commande. Le multi-attributaire, c'est important. Cela permettra aux industriels qui relocaliseront leur production de disposer d'une visibilité sur leur business model.
Le modèle italien nous donne des leçons. L'Italie, qui avait accumulé beaucoup de retard en matière de production, est aujourd'hui à la première place. Ses exportations ont été multipliées par 15 entre 1991 et 2019. C'est un résultat énorme quand on voit les difficultés de la balance commerciale française ! L'industrie pharmaceutique italienne se trouvait à la 57e place en 1991 sur les 119 secteurs exportateurs italiens et à la 4e en 2019. Sa chaîne de production emploie 66 000 personnes contre 42 000 en France. Elle a créé de l'emploi. Le chiffre d'affaires créé s'élève, en 2019, à 33 milliards d'euros, ce qui représente une augmentation de 28 % par rapport à 2018. Cela créé des effets d'entraînement vertueux. La R&D y est très dynamique autour de la bioproduction et des données en Italie. Les investissements en R&D ont progressé de 22 % en cinq ans pour atteindre 3 milliards d'euros. Il y a bien un effet d'accélération. On peut considérer l'Italie comme un modèle car, dans le même temps, les dépenses de santé en Italie n'ont pas explosé. Ils ont réussi à trouver un équilibre entre l'investissement industriel et l'investissement en matière de recherche. L'Italie a mis en place des procédures en cent jours pour que les produits arrivent sur le marché pour les industriels qui investissent sur son territoire. C'est un peu ce que nous visons ou avons imaginé de faire dans le CSIS qui vous a été présenté.
La Belgique est un tout petit pays qui a pourtant développé un système de biotechnologies absolument remarquable. Les « licornes » de biotechnologie y sont plus nombreuses qu'en France. Sanofi a racheté une société appelée Ablynx qui produit des nano-bodies, des mini anticorps monoclinaux dans un écosystème extrêmement dynamique. Comme ce qui a été fait en Italie, la Belgique offre un environnement fiscal adapté et une réglementation très souple, notamment sur les essais cliniques : pour la phase I, qui est la première phase chez l'homme, les entreprises peuvent obtenir une réponse dans un délai de quinze jours opposables dans la loi. Pour devenir un territoire attractif et compétitif vis-à-vis de la Chine, du Japon et des États-Unis, l'Europe devrait s'inspirer de ces législations et les adapter pour les rendre communes à l'ensemble des États membres. Je rêve demain de pouvoir déposer un dossier de phase 1 identique en France et en Espagne et en Belgique et d'obtenir une réponse dans les mêmes délais. En Europe, il existe bien une autorisation de mise sur le marché commune mais aussi vingt-sept réglementations différentes. Sur certains aspects, la compétition entre les États pourrait être harmonisée, ce qui permettrait au continent européen d'être beaucoup plus compétitif par rapport aux États-Unis, à la Chine et au Japon.
L'Espagne et l'Allemagne sont également des modèles. Entre 2011 et 2018, la part de recherche publique dans les dépenses de santé a baissé de 24 % en France et a augmenté de 24 % en Allemagne. L'Allemagne a décidé d'investir dans les sciences de la vie par le biais de la recherche publique. Il faut regarder ailleurs et quand il y a de bonnes idées, il faut les piquer.